Le géant déchu de l'internet AOL prépare son retour en Bourse jeudi, en renaissant sous la forme d'un site d'informations, après 8 ans de vie commune avec le groupe de médias Time Warner qui resteront dans les annales comme l'une des plus désastreuses fusions de l'Histoire.

Ancien portail dominant d'accès à l'internet, AOL doit officiellement être coté à la Bourse de New York à partir de jeudi, lendemain de la finalisation de sa scission de Time Warner.

Sa capitalisation boursière est estimée à 2,8 milliards de dollars par l'analyste Ross Sandler, de la banque d'investissement RBC Capital Markets, contre 165 milliards de dollars en 2001.

Avant de donner son indépendance à cette filiale qui plombe ses comptes depuis 2002, le groupe Time Warner l'a dotée d'un nouveau patron recruté chez Google, Tim Armstrong, chargé de tracer l'avenir du groupe.

Sa stratégie, baptisée «Projet Everest» comme pour mieux souligner la difficulté de l'entreprise, vise à poursuivre le virage amorcé en 2006, en renonçant progressivement à un modèle d'abonnement pour adopter un modèle entièrement financé par la publicité.

Pour ce faire, AOL se définira comme un site de production d'informations et de programmes développés en propre, ce qui est déjà le cas à 80%, selon M. Armstrong.

«Pour nous, je crois que là où on peut réussir, c'est dans les contenus», a-t-il expliqué mercredi sur la chaîne de télévision CNBC, ce qui rapprocherait AOL du modèle de Yahoo! et, a-t-il assuré, pourrait lui permettre de «travailler avec Microsoft, Google, Facebook et Twitter».

Cette réorientation, qui fera d'AOL un concurrent direct de Yahoo!, passe par une sévère cure d'amaigrissement: M. Armstrong a annoncé le mois dernier la suppression du tiers des effectifs.

Ainsi la société qui comptait encore 19 000 employés en 2006 n'en aura plus que 4400, soit quatre fois et demie moins que Google, qui existait à peine au moment de la méga fusion avec Time Warner, au début de la décennie.

Cette restructuration drastique doit permettre d'économiser 300 millions de dollars d'ici à 2011, mais M. Armstrong a prévenu qu'il entendait bien réinvestir une large part de ces fonds.

Les observateurs du secteur ont déjà remarqué sa politique d'embauches centrée sur des personnalités reconnues.

Saul Hanssell, un spécialiste respecté des médias et de la technologie, a ainsi quitté le New York Times pour lequel il travaillait depuis 17 ans, pour rejoindre AOL où il sera «directeur des programmes» de sa plateforme de contenus.

L'autre grande activité d'AOL sera les encarts publicitaires illustrés où, d'après des analystes financiers, il est particulièrement performant, en dépit d'une clientèle d'annonceurs réduite (moins de 1000, contre des centaines de milliers chez Yahoo!).

En tout état de cause, M. Armstrong a convenu qu'il lui faudrait plus d'une année pour redresser AOL. «Est-ce qu'il faudra attendre cinq ans? Je ne l'espère pas», a-t-il dit.

En tout cas, M. Armstrong n'entend pas renier l'histoire mouvementée de sa société, mais au contraire préserver la marque AOL (abbréviation de America on Line).

C'est une marque encore puissante: les sites AOL étaient en octobre au quatrième rang des sites internet les plus visités aux États-Unis (derrière Google, Yahoo! et Microsoft, et devant Facebook), avec 98,5 millions de visiteurs uniques selon le cabinet ComScore.

C'est une «marque mondiale, qui inspire beaucoup de confiance et, au moins à une certaine époque, incarnait l'innovation», a souligné M. Armstrong.

Si, comme il le pense, l'internet n'en est encore qu'à ses débuts, cela laisse beaucoup de marge pour de nouveaux développements dans l'univers numérique.