Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Quebecor Media (T.QBR.B), a accordé une entrevue à La Presse Affaires en marge des audiences du CRTC sur l'octroi de redevances sur des revenus des abonnements du câble. Dans son allocution prononcée lundi matin devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le grand patron de Quebecor appelait à une plus grande déréglementation de l'industrie de la télévision.

Q : Dans votre allocution, vous dites qu'il faut laisser le consommateur choisir et payer pour les chaînes de télé qu'il veut regarder. Est-ce la fin des forfaits thématiques? R : Pas nécessairement. Il y a des gens qui veulent des forfaits thématiques. Mais on doit pouvoir offrir autre chose que des forfaits. On doit pouvoir offrir des formules sur mesure, comme 15, 20 ou 30 chaînes sur mesure. La règle rendant certaines chaînes spécialisées obligatoires (le must carry) doit disparaître. C'est une technologie obsolète. Dans un forfait, les gens paient pour des chaînes qu'ils ne regardent pas. Les gens ont tendance à ne pas le savoir, mais il faut le savoir. Nous devons être attentif aux attentes des clients. Nous avons hérité ce modèle du passé, alors que le câble était le seul moyen de retransmettre les signaux. On a créé les chaînes spécialisées afin de faire en sorte que le paysage télévisuel soit canadien et pas uniquement américain. Ces chaînes s'abreuvent énormément de télévision américaine, même si elles sont assujetties à des conditions de licence qui font en sorte qu'elles doivent mettre de l'argent dans le système (de télédiffusion canadien).

Q : Vous voulez lancer TVA Sports, une chaîne spécialisée sportive qui fera concurrence à RDS. Vous demandez au CRTC de séparer la télédiffusion des matchs du Canadien de Montréal. Pourquoi?

R : Si CTVglobemedia (dont deux des actionnaires, BCE et Woodbridge, sont propriétaires minoritaires du Canadien) se réserve l'exclusivité d'un tel service (les matchs du Canadien) pour alimenter sa propre entreprise, ça nous apparaît inapproprié. C'est contraire aux règles du CRTC qui existent depuis plusieurs années sur les avantages indus.

Q : Pourquoi, vous êtes réputé pour privilégier la déréglementation. Votre position dans ce dossier n'est-elle pas étonnante?

R : On peut être pour la déréglementation, mais nous sommes présentement dans un environnement très réglementé. Je pourrais pousser TVA (au détriment de Radio-Canada) sur Vidéotron, mais je n'ai pas le droit de le faire. C'est la même chose pour CTVglobemedia. Si les règles existent, elles existent pour tout le monde.

Q : Votre filiale Vidéotron lancera son service de téléphone sans fil en 2010. Avez-vous suivi les nombreuses poursuites judiciaires que se sont intentées mutuellement les sociétés de téléphonie sans fil (Rogers, Bell, Telus) au cours des derniers jours?

R : On est un peu surpris. On était tenté de penser qu'il y avait une espèce d'oligopole dans ce marché. Au cours des dernières années, on a fait toutes les démarches possibles afin qu'il y ait plus de concurrence. Aujourd'hui, les Canadiens en bénéficient déjà. On a vu les prix chuter de façon significative. On a vu Bell et Telus se précipiter pour construire un nouveau réseau 3G. Ça n'avait pas l'air de les préoccuper avant qu'il n'y ait l'annonce d'une nouvelle concurrence, car cette technologie est déjà disponible depuis plusieurs années. Quant aux publicités, on verra bien au moment où nous lancerons notre réseau sans fil.

Q : La Presse a évité un conflit de travail la semaine dernière. Y a-t-il du nouveau dans le conflit de travail au Journal de Montréal?

Les négociations ne sont pas très actives. Le règlement à La Presse n'a pas de conséquences pour nous. On a toujours fait notre propre affaire. Est-ce que La Presse est assujettie à des modèles différents des nôtres? Il semble que ce soit le cas. Nous sommes une entreprise qui respecte ses actionnaires et nous nous assurons de la rentabilité de nos activités. Peut-être que La Presse ou Gesca ont autre chose en tête, c'est leur problème. Les choses vont très bien au Journal de Montréal. Le dernier rapport NADbank a confirmé que le produit était de grande qualité puisque le lectorat a augmenté. Dans les circonstances dans lesquelles on évolue, on est satisfait des choses. Est-ce que nous souhaiterions renégocier ou poursuivre les négociations? C'est indéniable. Mais encore faut-il que les organisations syndicales adoptent une approche réaliste. Malheureusement, lors de la dernière rencontre (le mois dernier), on a constaté qu'on avait reculé sur les principes sous-jacents à la reprise des négociations.