La Presse Affaires a demandé en début d'année à quatre stratèges d'exposer comment ils répartiraient une mise de 50 000$ destinée à un REER. Nous avons limité l'exercice à une pondération sur une base indicielle. Nous reprenons pour la quatrième fois rendez-vous avec eux pour le dernier trimestre pour un ultime rajustement de leur pondération qui permettra peut-être de les démarquer les uns des autres.

Malgré des stratégies variées depuis le début de l'année, la performance de nos quatre gestionnaires est très voisine: à peine quatre dixièmes de point séparent la première de la quatrième performance après neuf mois cette année. Sur 50 000$, cela représente 199$, une somme qui peut aussi bien s'effacer que gonfler au cours du trimestre qui s'amorce dans un contexte où il est facile de se perdre en conjectures.

> Le tableau des résultats des quatre gestionnaires

«Ça va se terminer par photo-finish, s'amuse Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale. Les fins de récession et les débuts de reprise sont suivis par de bons rallyes.»

Voilà pourquoi il s'investit complètement et met moins de billes dans le marché obligataire que ses collègues. Dans un contexte de croissance, les investisseurs délaissent les titres à rendements fixes au profit des actions.

«Les marchés escomptaient la fin du monde, il y a quelques mois, renchérit Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Évidemment, ça ne c'est pas passé. Et le quatrième trimestre sera la poursuite des deuxième et troisième.» M. Delisle ne modifie que très légèrement la composition de son portefeuille, en diminuant quelque peu son encaisse au profit des actions canadiennes parce que «le Canada peut maintenant compter sur le monde plutôt que sur un seul client».

Il conserve néanmoins 40% de son portefeuille en obligations car «un portefeuille REER exige un contenu défensif».

«On considère que le rallye est fait, réplique François Bourdon, vice-président répartition de l'actif chez Fiera Capital. Il faut protéger le capital.»

Et comment donc! La moitié est investie en obligations et 10% reste en encaisse. Il n'écarte pas la possibilité que l'économie trébuche à nouveau. Si, en revanche la reprise devait se concrétiser, le marché obligataire n'offrira pas d'aussi belles perspectives.

M. Bourdon pousse plus loin la prudence: il délaisse complètement les marchés émergents là où la reprise est pourtant la plus palpable. Sur les marchés boursiers, il privilégie le canadien à cause de sa stabilité relative, du poids du secteur financier et des services publics. C'est aussi un moyen de profiter de la croissance des pays émergents puisque le Canada est grand producteur de ressources.

Depuis le début de l'exercice, le directeur des services aux particuliers chez Valeurs mobilières Desjardins, Luc Girard, préconise le déploiement progressif sur les marchés boursiers. Il admet que la reprise boursière a été jusqu'ici très forte d'autant qu'il croit que la croissance à long terme de l'économie américaine sera lente. «Pour un portefeuille équilibré, on est assez agressif», reconnaît-il tout de même.

On remarquera cependant que M. Girard rejoint M. Bourdon dans l'appréciation des actions canadiennes qu'il juge plus attirantes. «Nous aimons en particulier les actions cycliques parce qu'elles vont profiter davantage de la reprise des grandes économies émergentes (Brésil, Russie, Inde et Chine, le groupe BRIC). Depuis 1945, les États-Unis ont toujours été la locomotive de la croissance mondiale, mais cette fois-ci, ce sera le BRIC.»

M. Lapointe est en désaccord avec eux. On préfère être à l'étranger et en particulier aux États-Unis. C'est là où les entreprises vont le plus profiter de l'amélioration des conditions de crédit. Elles comptent moins sur les banques que les entreprises européennes.» En plus, les banques américaines sont plus avancées dans l'assainissement de leur bilan.

Il croit que les vecteurs de croissance vont changer en 2010. Après la poussée des titres bancaires, vient le tour des secteurs énergétique, des matériaux et de la consommation discrétionnaire, tous bien représentés à New York.

«Je ne rejette pas d'un revers de main un scénario de reprise en W (avec rechute), poursuit M. Delisle. Il sera possible si on n'assiste pas à un changement de leadership dans la croissance. Il est trop tôt pour le dire car à peine 25% du plan de relance américain a été dépensé jusqu'ici.» Pas facile la planification!