Au cours des cinq dernières années, le réseau québécois de la santé a engagé plus de 1500 cadres. Ces embauches équivalent à un nouveau cadre par jour de travail entre 2003 et 2008 et à une progression de 16,2% du nombre de gestionnaires.

Selon des données compilées par le Conseil du Trésor à la demande de La Presse Affaires, le réseau de la santé comptait 11 012 cadres au 31 mars 2008. Cette donnée se compare à 9473 en 2003-2004. Cette différence de 1539 cadres est calculée en tenant compte de ce que les fonctionnaires appellent des «Équivalents temps complet» ou ETC. Si on compte le nombre d'individus cadres, l'augmentation est encore plus grande, à 1579 gestionnaires de plus. À 78 167$ comme salaire moyen, les cadres supplémentaires ont engendré des débours additionnels de près de 120 millions l'an dernier.

Au ministère de la Santé, on explique en partie cette hausse du nombre de cadres par un retour du balancier après les compressions ayant mené à l'atteinte du déficit zéro.

Gilles Le Beau, directeur de la planification de la main d'oeuvre et du soutien au changement, explique que l'encadrement est revenu au niveau où il était en 1998-1999, soit un cadre par 17,5 syndiqués. En 2003-2004, ce taux a atteint 19,1 employés par cadre. Cette hausse, dit-il, était réclamée par le personnel syndiqué, qui souhaite plus de contacts avec son supérieur.

«Je pense qu'on n'en a pas assez», dit-il encore à propos des cadres, surtout dans le secteur clinique. De nouveaux employés, plus jeunes, inexpérimentés, demandent plus d'encadrement, soutient-il.

Pour le professeur en stratégie de gestion à l'École nationale d'administration publique, Daniel Lozeau, le facteur jeunesse signifie que la hausse du nombre de cadres sera peut-être temporaire. «S'il n'y a pas d'enflure, si ces gens-là ne s'embourbent pas dans une grosse administration, en principe, dans quelques années, si on maintient un roulement normal, ça veut dire qu'il y aura une petite baisse de l'administration parce qu'on en aura un peu moins besoin pour former les nouveaux.»

Il ne se dit pas contre l'arrivée de nouveaux cadres, mais allume «de petites lumières jaunes», compte tenu qu'il y a «toujours un petit risque de bureaucratie dans les administrations publiques... et même privées aussi».

Un autre facteur qui a joué dans l'embauche de gestionnaires, selon M. Le Beau, est le suivant: quelque 500 nouveaux cadres ne s'occupent pas de gérer du personnel. Le Ministère les appelle «cadres-conseils». Ce sont par exemple des infirmières détenant une maîtrise et qui sont mandatées pour représenter leur établissement, soit de développer des programmes de prévention.

«Ce sont des gens qui sont là pour leur expertise mais qui n'ont personne à leur emploi... ils ne gèrent pas une équipe», explique le porte-parole de l'Association des établissements de santé et services sociaux du Québec, Bernard Parent. « Ils sont libérés et participent à des rencontres pour améliorer la qualité du travail...»

Lui et M. Le Beau soutiennent tous deux que la fusion des établissements de santé en 2004 a pu entraîner une hausse du nombre de cadres nécessaires, sans pouvoir dire combien. Ils ne peuvent non plus dire quel serait le ratio cadre-employés idéal.

Rien senti

À la Fédération interprofessionnelle de la santé, le syndicat qui représente en majorité des infirmières, on demande depuis 2001 un meilleur encadrement. Donc, plus de cadres.

Même s'il constate que le nombre de gestionnaires est bel et bien en hausse, le vice-président Daniel Gilbert assure que ses membres ne se sentent pas plus encadrés pour autant. «Nous, sur le terrain, on ne sent pas une présence accrue... On demande de plus en plus aux infirmières-chefs de faire de la gestion», dit-il.