Autres temps, autres médias. Les dépenses publicitaires sur le web ont poursuivi leur croissance accélérée l'an dernier au Canada, dépassant pour la première fois les sommes investies en radio.

Les annonceurs ont injecté 1,6 milliard de dollars dans l'internet, comparativement à 1,55 milliard dans les stations de radio, selon une étude publiée hier par le Bureau de la publicité interactive du Canada (IAB). Le web est ainsi devenu le troisième média sur le plan des revenus publicitaires, après la télé et les journaux.

Ce dépassement survient plus vite que prévu, admet Paula Gignac, présidente d'IAB. «On ne s'y attendait pas: on croyait atteindre 1,5 milliard et on ne savait pas ce que la radio obtiendrait, mais on l'a dépassée.»

Les investissements publicitaires sur le web ont connu une croissance exponentielle depuis les débuts de ce média, au milieu des années 90. Ils atteignaient à peine 10 millions en 1997 et ont quadruplé depuis cinq ans.

Les revenus ont grimpé de 29% l'an dernier et devraient encore progresser de 9,2% cette année, malgré la crise économique, prédit l'IAB.

Stéphane Dumont, président de l'agence de publicité interactive Revolver 3, a remarqué un réel regain des investissements cet été après plusieurs mois difficiles. «Tous nos clients avaient suspendu beaucoup de campagnes, mais aujourd'hui, en août-septembre 2009, les vannes sont vraiment rouvertes.»

En fait, le web sera l'un des seuls médias à connaître une croissance de ses recettes publicitaires cette année. Selon les données de ZenithOptimedia, les dépenses globales des annonceurs devraient reculer de 4,4% au pays, pour s'établir à 9,6 milliards. Elles baisseront de 2,5% en télé, de 3,8% en radio, de 15,6% dans les quotidiens et de 12% dans les magazines, prédit la firme.

Les investissements devraient repartir à la hausse en 2010 au Canada, avec un gain global de 2,9%, selon ZenithOptimedia.

Modèle hybride

La popularité croissante du web est en partie responsable des maux qui frappent les médias «traditionnels», en particulier les imprimés. Mais la hausse constante des revenus tirés de l'internet profitera tôt ou tard aux groupes de presse établis, estime Ruth Klostermann, vice-présidente de ZenithOptimedia.

«C'est un modèle d'affaires qui est en évolution: les gens veulent et voudront encore une couverture en profondeur, de la recherche, une valeur éducative, et je ne sais pas dans quelle mesure l'internet seul peut combler ces besoins, a-t-elle fait valoir. Il va y avoir un modèle hybride.»

Paula Gignac, de l'IAB, entrevoit elle aussi une réinvention du modèle d'affaires qui ne saurait exclure les médias établis. «Une des grandes forces des entreprises médiatiques traditionnelles, c'est leur contenu, a-t-elle dit. Et je crois qu'il y a maintenant une symbiose reconnue entre le contenu primaire et ce qui se retrouve sur l'internet, dans les blogues et les médias sociaux. Il faut du contenu, à la base, pour ensuite alimenter la discussion (sur le web).»

Le Bureau de la publicité interactive a par ailleurs révélé hier que 20% des dépenses faites sur le web l'an dernier au Canada - l'équivalent de 317 millions de dollars - avaient été allouées au marché francophone. Il s'agit d'une hausse de 22% sur un an.