Abolir les options d'achat d'actions, plafonner la paye des PDG et accorder un droit de vote aux seuls actionnaires qui détiennent leurs titres plus d'un an. Voilà le genre de propositions que font deux éminents auteurs québécois dans leur livre pour réformer le capitalisme.

Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu estiment qu'il faut une série de changements fondamentaux pour empêcher une autre crise financière. Et pour ce faire, ils estiment que c'est au gouvernement d'intervenir, notamment en changeant la Loi canadienne sur les sociétés par action.

«Il faut redonner aux entreprises une structure de propriété plus stable, une durée. Le modèle classique «une action un vote» est à la base des fiascos à répétition depuis 25 ans», affirme Yvan Allaire, au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Dans le livre Black Markets... and Business Blues, les auteurs passent en revue les changements du système ces dernières années, déterminent les lacunes qui ont provoqué la crise et proposent des solutions.

Dans les années 60, les actionnaires détenaient en moyenne leurs actions durant sept ans. Cette détention est passée à deux ans en 1992 et à sept mois en 2006, année la plus récente disponible. Autrement dit, les actionnaires des entreprises en Bourse sont souvent de passage et donc guère intéressés à la pérennité de l'organisation. Les dirigeants ne se soucient plus des petits actionnaires, mais des fonds spéculatifs (hedge fund), des fonds vautours, etc.

Ces actionnaires veulent des rendements à court terme et peuvent changer le sort d'une entreprise en acquérant rapidement un gros bloc d'actions et donc des votes. «L'équivalent de cette pratique démocratique serait de donner le droit de vote dans un pays à quiconque serait sur place le jour des élections (voyageurs, touristes, etc.)», écrivent les auteurs.

Ils proposent donc que le gouvernement intervienne pour encourager la détention à long terme. La Loi pourrait carrément n'accorder le droit de vote qu'après un an de détention des actions.

D'autres mesures incitatives sont proposées: donner deux votes par action après trois à cinq ans de détention, permettre aux entreprises de bonifier le dividende des actionnaires à long terme, réduire le taux d'imposition sur le gain en capital pour les vieux actionnaires.

Abolir les options

Le mode de rémunération des dirigeants est un autre vice de cette dynamique du court terme. Selon M. Allaire, lier la rémunération directement aux actions a été une erreur et le principal véhicule de cette forme de rémunération, les options d'achats d'actions, doit être aboli.

«Le prix des actions est trop volatil et influencé par une série de facteurs indépendants de la volonté des gestionnaires et ils peuvent, dans une large mesure, être manipulés à court terme», est-il écrit dans le livre.

Les auteurs proposent de remplacer cette rémunération par des paiements basés sur des variables plus stables et prévisibles, comme le rendement de l'actif ou la valeur économique ajoutée.

Autre suggestion: plafonner la rémunération des patrons à un multiple d'au plus 50 à 100 fois le salaire moyen des employés. «Il faut que les employés sentent que les dirigeants sont sur le même bateau», dit M. Allaire, qui est président du conseil de l'Institut pour la gouvernance (IGOPP).

Les auteurs remettent par ailleurs en valeur les actions multivotantes, qui donneraient davantage de stabilité aux organisations. Ils vantent également les coopératives et parlent même des sociétés d'État. Certes, ces structures de détention sont imparfaites, mais elles n'ont pas provoqué la catastrophe planétaire de l'automne dernier.

«L'entreprise devrait rester privée le plus longtemps possible sans aller en Bourse dans la mesure où elle peut avoir accès à des fonds», dit-il.

Le livre est rédigé en anglais, dit M. Allaire, pour rejoindre un auditoire plus large, notamment au Canada anglais. «Aucune entreprise ne prendra individuellement de telles décisions. Elle se ferait lapider par les marchés. Il faut que le nouveau terrain de jeu soit fixé par les gouvernements», dit M. Allaire.