Le site américain de socialisation Facebook a été valorisé mardi de 10 milliards de dollars par un investissement de l'entrepreneur russe Youri Milner, qui lui a apporté 200 millions de dollars... et de nouvelles idées pour rentabiliser sa position de numéro un mondial.

À première vue, l'investissement de la société de M. Milner, Digital Sky Technologies, fait fondre d'un tiers la valeur du site lancé dans une chambre de Harvard par Mark Zuckerberg, aujourd'hui âgé de 25 ans.

En novembre 2007, Microsoft avait en effet versé 240 millions de dollars pour s'emparer de 1,6% du capital de la société californienne, ce qui correspondait à une valorisation de 15 milliards de dollars.

Mais comme le faisait remarquer M. Zuckerberg au cours d'une conférence téléphonique, l'économie s'est effondrée, et ce n'est pas si mal de se faire encore courtiser dans ces conditions.

Le jeune patron a même souligné qu'il avait eu le luxe d'étudier plusieurs propositions de partenaires intéressés.

Il a précisé avoir choisi M. Milner en raison de ce qu'il pourrait lui apporter: «Je me réjouis vraiment d'en apprendre plus sur la façon dont fonctionnent les modèles d'entreprise (d'autres sites de socialisation contrôlés par M. Milner) en Europe et en Asie», a-t-il dit.

DST est un fonds d'investissement spécialisé dans l'internet, surtout présent en Russie et en Europe de l'Est. Il compte dans son porte-feuille le plus grand site russe, mail.ru, et ses sites représentent 70% des pages visitées en langue russe. Ses réseaux de socialisation sont numéro un dans 13 pays.

Facebook compte pour sa part plus de 200 millions d'utilisateurs, dont 70% hors des États-Unis, et revendique «des dizaines de milliers d'annonceurs».

M. Milner n'a pas ménagé ses compliments à M. Zuckerberg, qualifié de «visionnaire». Il faut dire que le chèque de 200 millions qu'il lui offre représente près 20% du total de ses investissements réalisés depuis 2005.

En échange, il obtient un potentiel de croissance, à défaut de bénéfices.

«Nous avons investi dans cinq sites de socialisation en Europe», a dit M. Milner, et «ces sociétés sont plus avancées» que Facebook pour gagner de l'argent. Mais «nous pensons que Facebook empruntera la même voie», a-t-il ajouté, affichant sa foi dans le micropaiement et la publicité.

«Pour une grande part, cet investissement se fonde sur la théorie que Facebook est encore en train de développer plusieurs activités», a renchéri M. Zuckerberg, précisant que, pour le moment, le site réalise la plus grande partie de ses recettes avec les ventes directes et en ligne.

Il a précisé qu'il tablait sur une croissance de plus de 70% du chiffre d'affaires d'une année sur l'autre, alors qu'il dégage des excédents bruts d'exploitation (EBITDA) tous les trimestres depuis pratiquement un an et demi.

Enfin, il a précisé que, dès l'an prochain, il serait en mesure de financer ses investissements sur son exploitation - de quoi justifier son appréciation selon laquelle l'apport de M. Milner est surtout un «coussin» lui apportant plus de confort pour se développer.

«C'est une étape importante pour continuer à grandir», a annoncé le site à ses utilisateurs.

Outre les 200 millions de dollars en actions préférentielles, M. Milner devrait dépenser une centaine de millions de dollars durant l'été pour acheter des actions possédées par des employés de Facebook, qui auront ainsi l'occasion de gagner «un peu de liquidité» puisque la société n'est pas cotée.

La valorisation de ces actions n'a pas été précisée, mais le Wall Street Journal indiquait la semaine dernière qu'elle pourrait s'effectuer sur la base d'une capitalisation du groupe de 6,5 milliards de dollars.

Digital Sky Technologies n'obtiendra pas de siège au conseil d'administration de Facebook, ni même de droit de regard sur sa gestion. «J'ai mes propres affaires à gérer», a admis M. Milner.