Tésamoréline. Si vous êtes actionnaire de Theratechnologies (T.TH), apprenez à prononcer ce mot. Parce que la biotech montréalaise a décidé de tout miser sur son meilleur cheval, quitte à laisser les autres à l'écurie. Et selon le grand patron, cette stratégie devrait conduire aux premiers profits de l'histoire de Theratechnologies... d'ici 18 mois.

Theratechnologies a profité de son assemblée annuelle hier pour présenter son nouveau «plan triennal» aux actionnaires. Au menu: la tésamoréline, la tésamoréline et encore la tésamoréline.

 

«Dans les trois prochaines années, on bâtit sur ce qu'on connaît», a expliqué Yves Rosconi, président et chef de la direction de Theratechnologies.

La tésamoréline est cette molécule mise au point par Theratechnologies qui permet de traiter la lipodystrophie - une condition qui affecte les patients atteints du VIH, creusant les joues et amenant une accumulation de gras à l'abdomen.

Le produit est l'un des seuls conçus au Québec à avoir passé avec succès la batterie de tests que doivent subir les médicaments avant d'être commercialisés. En octobre dernier, Theratechnologies a signé une entente avec un partenaire, EMD Serono, pour le commercialiser aux États-Unis.

Serono a déjà versé 38,7 millions à la biotech montréalaise, et d'autres versements sont prévus à mesure que l'entreprise franchira diverses étapes vers la commercialisation.

Si tout se déroule comme prévu, Theratechnologies est donc maintenant une «entreprise autonome financièrement», dit M. Rosconi.

«On n'aura pas besoin de retourner au marché au cours des trois prochaines années, dit le président. Et quand on regarde les marchés actuellement, ce n'est pas une mauvaise chose.» Theratechnologies en sait quelque chose, elle dont le titre a connu la cinquième plus forte baisse du TSX en 2008, dégringolant de 81,6% en dépit de l'atteinte de plusieurs étapes importantes.

«Tout s'est écrasé, le bon comme le mauvais», a d'ailleurs déploré hier Paul Pommier, président du conseil, rappelant que le secteur des biotechnologies a été particulièrement frappé par la crise.

Qu'à cela ne tienne: en marge de l'assemblée, hier, M. Rosconi a affirmé que les paiements de son nouveau partenaire seront suffisants pour transformer Theratechnologies d'entreprise qui brûle des fonds en recherche... en entreprise rentable.

«D'ici 18 mois, on sera une entreprise qui déclare des bénéfices par action», a prédit M. Rosconi. Ce serait une première pour la boîte fondée en 1993.

Mais il reste du boulot à abattre d'ici là, d'où le plan étalé sur trois ans.

Première étape: soumettre d'ici juin un dossier aux autorités américaines, qui n'ont toujours pas approuvé la commercialisation de la tésamoréline. Il faut en moyenne un an aux autorités pour approuver ce genre de produit.

La deuxième étape sera de trouver des partenaires pour commercialiser son produit dans d'autres marchés. L'entreprise a parlé hier de l'Europe et de l'Amérique latine, mais a avoué qu'elle déposera son dossier aux États-Unis avant de signer un autre partenariat.

La troisième étape concerne encore la tésamoréline. Theratechnologies croit qu'au-delà de son potentiel pour traiter la lipodystrophie, la molécule pourrait traiter d'autres conditions comme le déficit d'hormone de croissance lié à l'obésité, les troubles du sommeil ou certaines maladies pulmonaires. Theratechnologies devrait annoncer sa prochaine cible d'ici au début de l'automne.

Mais ne risque-t-on pas de compromettre l'avenir en misant tout sur une seule molécule? Yves Rosconi répond qu'il pourrait effectivement utiliser ses liquidités pour acquérir un nouveau produit. Le hic, c'est qu'il devrait alors retourner se refinancer sur les marchés pour développer la tésamoréline.

«Compte tenu du marché actuel, ce serait criminel de faire ça», dit-il, expliquant qu'il sera toujours temps de regarnir le pipeline dans trois ans.

Maher Yaghi, analyste à Valeurs mobilières Desjardins, approuve. «Les gens avaient peur que l'entreprise utilise son cash pour aller acheter une autre molécule. On est rassuré», dit-il.

Le gros risque pour Theratechnologies est maintenant que les autorités américaines refusent la tésamoréline. Selon l'analyste Maher Yaghi, cette probabilité est minime, mais tout de même réelle. «Là, il va falloir regarder ça sérieusement», admet M. Rosconi, qui explique que les options seront alors de mettre au point une nouvelle molécule... ou d'utiliser l'argent qui sera toujours dans les coffres pour en magasiner une.

Le titre de Theratechnologies a perdu 3,6% hier pour clôturer à 1,87$.