Être pressenti pour un poste de direction intérimaire revient-t-il à jouer les seconds violons?

Être pressenti pour un poste de direction intérimaire revient-t-il à jouer les seconds violons?

Au contraire, une telle opportunité peut vous permettre de parfaire vos compétences de gestionnaires et d'enrichir votre carrière.

Le directeur du Service des communications de l'UQÀM, Daniel Hébert, en sait quelque chose: il a occupé six intérims au cours de sa vie professionnelle, dont trois chez son employeur actuel.

«J'y ai vécu des expériences de travail et de relations humaines qui ne s'apprennent pas au MBA», témoigne-t-il.

Selon Richard Matte, conseiller en ressources humaines agréé, le cas de Daniel Hébert est plutôt exceptionnel.

«J'ai rarement vu une personne occuper autant d'intérims en une seule carrière, déclare le directeur associé chez Matte Groupe Conseil-ICC Partenaires. On voit ça surtout chez des gens qui cherchent les défis intellectuels et qui, d'une certaine manière, se promènent avec leur bâton de pèlerin.»

Les patrons intérimaires ont, en effet, un profil de missionnaire. Ils sont souvent dépêchés dans des organisations ou des services en état de crise, que ce soit pour remplacer à pied levé un gestionnaire subitement malade ou pour redresser une situation conflictuelle.

On leur demande de s'adapter rapidement et d'afficher une grande autonomie, tout en faisant preuve d'empathie pour les employés qui se retrouvent soudainement avec un nouveau boss.

Défis et pièges

On l'aura compris, le parcours de l'intérimaire est parsemé d'embûches. «Il faut d'abord souligner que les défis seront différents selon que l'on soit recruté à l'interne ou à l'externe», dit François Desrosiers, président de la société-conseil Interim Marketing.

Les employeurs feront appel à un de leurs travailleurs permanents en cas de burn-out, de congé de maternité ou d'un remplacement inattendu. Bien qu'il soit familier avec les orientations de la boîte, cet employé peut «mettre en péril sa carrière s'il n'a pas toutes les habiletés pour occuper ce poste», remarque M. Desrosiers.

Le directeur intérimaire recruté à l'externe répondra davantage à un besoin ponctuel.

«On les engage parfois pour assurer la transition ou la restructuration d'une organisation, explique Richard Matte. Si l'on confiait ce mandat à un employé de la place, je ne suis pas sûr qu'il survivrait par la suite...»

Un boss inconnu du personnel a aussi l'avantage de la nouveauté. «Quand tu viens de l'extérieur, tu as plus de chances de te faire respecter, car les gens ne connaissent pas tes faiblesses, note M. Matte. Mais c'est une arme à deux tranchants : toi non plus, tu ne sais pas à qui tu as affaire.»

L'ouverture au changement est essentielle, selon Daniel Hébert. «Quand on arrive dans une nouvelle équipe, on ne peut pas faire à notre tête. Il faut s'ajuster, apprendre à se faire accepter et être souple dans son style de gestion afin d'obtenir le meilleur de ses collaborateurs.»

Daniel Hébert dit avoir toujours établi une belle complicité avec les employés qu'il a connus au cours de ses intérims, ce qui l'a conduit, malheureusement, à tomber dans l'un des pièges des affectations temporaires.

«J'aimais tellement mes nouvelles fonctions que lorsque j'ai dû quitter, j'ai vécu une peine d'amour!», déclare-t-il.

Un autre risque du métier de directeur intérimaire est celui de devoir supporter la comparaison avec son prédécesseur.

«Pour prévenir cette situation, on peut aller au-devant des coups en rencontrant individuellement les employés et en s'asseyant avec l'employeur pour bien définir notre mandat», conseille François Desrosiers.

L'intérim: un tremplin?

Les postes de direction temporaire prennent souvent des allures de périodes de probation. Par trois fois, Daniel Hébert a obtenu l'emploi qu'il occupait par intérim de façon permanente.

«Mais il ne faut pas croire que c'est toujours de cette manière dont on obtient un poste, avise Richard Matte. C'est pourquoi le travailleur doit songer à son avenir et poser certaines questions à l'employeur quant à l'après-intérim.»

Et si jamais l'entreprise préfère par la suite une autre personne à l'intérimaire?» Cela vous aura toujours permis d'ajouter des cordes à votre arc», répond Daniel Hébert avec philosophie.

Avis aux employeurs

Selon François Desrosiers, président d'Interim Marketing, les organisations qui recrutent des directeurs intérimaires à l'externe devraient porter une attention particulière au libellé des contrats d'embauche, notamment à ce qui a trait aux trois notions suivantes.

Propriété intellectuelle: «Si le patron temporaire a l'idée du siècle au cours de son mandat et propulse ainsi l'entreprise, il pourrait demander par la suite une compensation financière pour sa trouvaille.»

Confidentialité: «Certains professionnels se spécialisent dans les affectations temporaires et peuvent oeuvrer dans différentes organisations en même temps, explique M. Desrosiers. Il faut donc s'assurer que la personne n'est pas en poste à temps partiel chez un concurrent au moment où on l'embauche.»

Non-concurrence: "«L'intérimaire aura sans doute accès aux secrets de l'entreprise et, évidemment, on ne veut pas qu'il les révèle à tout le monde.»