Le président et chef de la direction de BCE (T.BCE), Michael Sabia, qui a restructuré Bell Canada pour finalement présider à sa transformation en société à capital fermé, quittera son poste après la clôture de la transaction avec le consortium dirigé par le Régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers).

Le président et chef de la direction de BCE [[|ticker sym='T.BCE'|]], Michael Sabia, qui a restructuré Bell Canada pour finalement présider à sa transformation en société à capital fermé, quittera son poste après la clôture de la transaction avec le consortium dirigé par le Régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers).

M. Sabia a profité de l'assemblée extraordinaire des actionnaires visant à approuver la vente pour confirmer ce à quoi plusieurs observateurs s'attendaient. Il a assuré que Teachers ne l'avait pas poussé vers la sortie, soutenant qu'aucune discussion quant à son avenir n'avait eu lieu avec l'acheteur.

L'assemblée a été dominée par les commentaires de petits actionnaires, dont plusieurs sont aussi des employés et des retraités du géant des télécommunications, qui ont dénoncé ce qu'ils voient comme une «vente de feu» désespérée. Cela n'a pas empêché la transaction d'être entérinée à hauteur de 97 % par les actionnaires, dont 62,5 % ont pris part au vote.

De plus, en fin de journée, le Bureau de la concurrence a annoncé qu'il ne contesterait pas la transaction. L'examen a porté en particulier sur le bloc d'actions détenu par Teachers dans Manitoba Telecom Services (MTS), un concurrent de BCE.

«La conclusion que la transaction proposée ne serait pas susceptible d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence est fondée en partie sur le fait que Teachers n'a aucun droit de nommer un administrateur au sein du conseil d'administration de MTS», a précisé le Bureau dans un communiqué.

«C'est une bonne journée», s'est félicité M. Sabia devant quelque 600 actionnaires réunis à Montréal.

«Je ne suis pas sûr que c'est une si bonne journée que ça», lui a rétorqué, du tac au tac, Normand Séguin, un actionnaire de la société de télécommunications.

«Une chose dont je suis sûr, par contre, c'est que c'est sûrement une très bonne journée pour vous», a ajouté M. Séguin en faisant allusion aux millions de dollars qu'empocheront les dirigeants de BCE grâce à la transaction, suscitant de vifs applaudissements dans la salle.

Teachers, en partenariat avec les fonds d'investissement américains Providence Equity et Madison Dearborn, versera 42,75 $ pour chacune des actions en circulation de BCE, soit une prime de 40 pour par rapport au cours du titre avant que les rumeurs sur la transaction ne s'ébruitent, en avril. En incluant la dette de 16,9 G$, le consortium déboursera environ 51,7 G$ pour l'entreprise montréalaise.

«La soi-disant prime n'enrichira pas les petits actionnaires à long terme, mais plutôt les gouvernements», a déploré Lucie Forget, une autre actionnaire.

«Ce que je ne comprends pas, c'est comment une personne peut se plaindre de payer plus d'impôts, parce que le plus d'impôts vous payez, le plus d'argent vous avez fait», a lâché sans détour le président du conseil d'administration de BCE, Dick Currie.

Se sont ensuite succédés aux micros des investisseurs «conservateurs» qui ne s'attendaient pas à ce que l'action d'une entreprise solide comme BCE soit soudainement retirée du marché, éliminant du coup une source stable de dividendes.

S'interrogeant sur l'opportunité de la vente, M. Séguin s'est demandé si la manoeuvre n'allait pas ressembler à la cession, en 2002, des Pages Jaunes, dont la valeur boursière a doublé depuis.

Michael Sabia a fait valoir que le produit de 3 G$ obtenu avec les Pages Jaunes alors que BCE était en plein crise financière a contribué à sauver l'entreprise, qui fêtera bientôt ses 129 ans.

Retour en Bourse?

Le PDG ne s'est toutefois pas fait aimer des petits actionnaires quand il a évoqué un éventuel retour en Bourse, d'ici quelques années.

«Il y aura un autre chapitre qui s'ouvrira et qui pourrait voir la compagnie revenir dans le marché public afin de permettre au grand public de prendre part à l'avenir de l'entreprise», a-t-il déclaré.

Les retraités sont particulièrement inquiets: ils craignent que les nouveaux propriétaires ne respectent pas leurs régimes d'avantages sociaux. Un actionnaire a même souligné l'ironie de voir une caisse de retraite flouer d'autres retraités.

M. Sabia a promis de discuter de la question avec Teachers, tout en rappelant que les régimes de retraite étaient en principe protégés par la loi, mais cela n'a pas calmé les inquiétudes.

«On n'est pas rassurés du tout, du tout», lui a lancé une actionnaire, Lucienne Tougas.

A un actionnaire qui lui a demandé où investir ses gains, le PDG lui a déconseillé les actions de Telus («nous leur ferons la vie dure»'), suggérant plutôt d'opter pour les titres des grandes banques canadiennes.

À plusieurs reprises, des investisseurs ont demandé à Michael Sabia et à Dick Currie pourquoi ils ne pouvaient pas faire passer eux-mêmes la valeur de l'action à 42,75 $, sans vendre à Teachers. MM. Sabia et Currie ne se sont lassés de répéter que la transaction permettait aux actionnaires de toucher «immédiatement» les bénéfices des changements que le consortium apportera à l'entreprise, sans courir de risques.

M. Sabia a confirmé vendredi que Bell espérait avoir droit à un «processus d'approbation efficace» de la part du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), c'est-à-dire sans audiences publiques. Et même si l'organisme fédéral lui imposait cette épreuve, il garde bon espoir de pouvoir clôturer la transaction au premier trimestre de l'année prochaine.

Vendredi, le titre de BCE a pris 8 cents pour clôturer à 40,15 $.