La loi oblige les employeurs à donner un préavis avant de faire des mises à pied. La même règle prévaut pour les salariés. Ceux qui l'enfreignent peuvent le payer très cher.

La loi oblige les employeurs à donner un préavis avant de faire des mises à pied. La même règle prévaut pour les salariés. Ceux qui l'enfreignent peuvent le payer très cher.

En 2006, un vendeur de la région de Québec a été condamné à verser 7500 $ à une entreprise au sein de laquelle il s'était engagé à travailler, pour ensuite lui faire faux bond.

«Ce jugement confirme qu'en cas de rupture d'un lien d'emploi, les salariés, tout autant que les employeurs, doivent donner un préavis raisonnable à l'autre partie. Des employés qui ont enfreint cette règle ont dû payer des dommages à leur ancien employeur», indique Me Luc Deshaies, avocat en droit du travail et de l'emploi chez Gowlings.

Ainsi, en 2005, un vendeur de pièces d'autos a dû verser 2082 $ à ses anciens patrons, les Entreprises RER, à qui il avait donné un préavis de 11 jours avant d'aller travailler pour un concurrent.

Le juges Jean Lemelin, de la Cour Supérieure du Québec, a plutôt établi que ce vendeur aurait dû donner un préavis d'un mois et l'a condamné à remettre l'équivalent de 19 jours de salaire à Entreprises RER.

Parti avant d'arriver

Le cas du vendeur condamné en 2006 paraît un peu différent: il a donné sa démission avant même d'entrer en fonction. Cette étonnante affaire débute en 2004.

La Corporation Tribospec, qui vend des lubrifiants pour camions, offre un poste de représentant à Élio S., représentant en vente de pièces de camions chez Spartan Marketing.

En février 2005, M. S. choisit Tribospec, signe un contrat de travail et avise Spartan de son départ. Afin de le garder à son service, Spartan lui offre de nouvelles conditions de travail, dont une hausse de revenus de plus de 22 000 $ par année. Il décide de rester et en informe Tribospec.

Malgré ses recherches, Tribospec n'arrive pas à trouver un vendeur de la trempe de M. S. Elle réclame à son futur-ex vendeur et à Spartan des dommages de 20 000 $, afin de compenser les pertes de revenus, sur une période de trois mois, par cette défection.

En 2006, le juge Jacques Lachapelle, de la Chambre civile de la Cour du Québec, confirme le bien-fondé de la réclamation de Tribospec.

L'article 2091 du Code civil du Québec prévoit en effet que «chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l'autre un délai de congé».

Cet article précise que «ce délai doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l'emploi, des circonstances particulières dans lequel il s'exerce et de la durée de la prestation de travail».

Le juge Lachapelle a établi à six semaines le délai raisonnable qu'aurait dû respecter Élio S. En plus des 6500 $ qu'il aurait reçu pendant cette période, le magistrat a également condamné le vendeur à verser à Tribospec 1000 $ pour compenser ses dépenses de recrutement.

«Comme Élio S. avait signé un contrat avec cet employeur, la Cour supérieure a jugé que la règle du préavis devait être respectée», résume Me Deshaies.

Dehors sur le champ!

Les tribunaux ont également eu à statuer sur d'autres scénarios entourant la règle du préavis.

Musique Plus, en 1999, et Meunerie Mobile, en 2004, ont vu des juges refuser d'imposer des dommages à d'anciens salariés qui avaient, selon elles, fait défaut de donner un préavis raisonnable.

Dans les deux cas, les patrons avaient ordonné à ces salariés de quitter l'entreprise immédiatement après l'annonce de leur démission.

Chez Meunerie Mobile, le salarié n'avait pourtant donné qu'un court délai de cinq jours avant de passer chez un concurrent. Bien que jugeant ce délai insuffisant, le jugee Yves Morier, de la Cour du Québec, a conclu que l'entreprise avait tacitement renoncé au préavis de démission du défendeur en le licenciant le même jour.

Par ailleurs, Me Luc Deshaies, du cabinet Gowlings, observe que la Commission des normes du travail considère généralement que les employés qui subissent le même sort ont droit aux indemnités de base prévues par la Loi sur les normes du travail lorsqu'ils ont donné un préavis raisonnable.

Un reflet de la concurrence

Selon Charles Belle Isle, président de la firme de recrutement de cadres supérieurs Belle Isle, Djandji, ces poursuites sont le reflet de la concurrence très vive entre les employeurs, particulièrement dans le domaine de la vente.

«La perte d'un bon vendeur fait mal au portefeuille. On voit donc de plus en plus de clauses de non-concurrence et l'introduction, dans les contrats, de délais de préavis plus longs», dit-il.

M. Belle Isle note que l'annonce du passage à la compétition provoque diverses réactions de la part des employeurs. «Il y a ceux qui demandent aux employés de former leur remplaçant. Ceux qui réclament leurs clés d'auto et les font accompagner à la porte. Et ceux qui offrent des hausses salariales pour les garder», dit-il.

Ces derniers doivent garder en tête le jugement Tribospec s'ils ont déjà dit oui à un nouveau patron.