La République tchèque a un nouveau logo. Cinq bulles - rouge, jaune, bleue, verte et rose - surplombent le nom du pays. «Non tchèque», s'offusquent les détracteurs de ce design de bandes dessinées.

La République tchèque a un nouveau logo. Cinq bulles - rouge, jaune, bleue, verte et rose - surplombent le nom du pays. «Non tchèque», s'offusquent les détracteurs de ce design de bandes dessinées.

Pour le jury qui l'a choisi parmi 400 projets soumis à un concours organisé par le ministère tchèque des Affaires étrangères, ce logo est, au contraire, résolument tchèque. Il permet de représenter la variété des réalisations passées, actuelles et... futures du pays.

«Ces bulles peuvent porter les portraits des Tchèques célèbres, les marques des produits typiques, elles peuvent crier «But» lors des compétitions sportives» expliquait Tomas Machek un membre du jury en 2006.

Avec ce logo, la Tchéquie veut briser l'image de pays post-communiste et les réminiscences de l'ancienne Tchécoslovaquie qui lui collent encore à la peau à l'étranger.

Depuis la Révolution de velours de 1989, pratiquement toutes les entreprises et plusieurs services publics ont été privatisés. En 1993, les républiques tchèque et slovaque ont décidé de faire bande à part. En 2004, la Tchéquie entrait dans l'Union européenne. Un an plus tard, elle se hissait au 7e rang mondial pour la valeur des investissements étrangers et locaux. Devant la France.

Curieusement, le Canada y est peu présent. Seulement une cinquantaine d'entreprises y ont des installations et rares sont celles qui y distribuent des produits.

La Presse Affaires a rencontré quelques-uns de ces entrepreneurs et visité l'une des rares entreprises manufacturières du pays encore propriété d'État. Les concepteurs du logo avaient raison. Leur parcours pourrait avec bonheur inspirer des bédéistes.

Ticketpro

Quand Serge Grimaux a commencé à faire la navette entre Prague-Montréal, en 1991, les vols étaient remplis d'entrepreneurs québécois désireux de conquérir cette terre où tout, ou presque, semblait à reconstruire ou à inventer.

«De tous les Québécois venus faire des affaires après la Révolution de velours, je suis le seul, à ma connaissance, qui soit resté», dit le président de Ticketpro.

Serge Grimaux, gérant du Spectrum de Montréal de 1982 à 1987, puis associé du producteur de spectacles Donald K. Donald, atterrit à Prague en 1991. À cause d'un coup de coeur pour la... Pologne. Pendant ses études en droit, il s'était lié d'amitié avec un étudiant du pays de Lech Walesa qui vendait des chandails du son syndicat Solidarnosc.

«J'aimerais bien pouvoir dire que je suis ici à cause d'une vision d'affaires. Je mentirais. La réalité, c'est qu'il y avait, à l'époque, deux vols directs par semaine avec Montréal et aucun vers la Pologne», raconte-t-il.

Serge Grimeaux transportait dans ses valises un logiciel de billetterie et un carnet d'adresses rempli des coordonnées des plus grandes vedettes rock de la planète. Il a rapidement réalisé que la billetterie était un produit qui n'existait pas «mais qui, forcément, allait exister», résume-t-il.

En 1992, il lance Ticketpro, le premier réseau de vente de billetterie informatisé en République tchèque et slovaque et décide de reprendre du service comme producteur de spectacles. En 1995, il réunit plus de 125 000 spectateurs à Prague pour un concert des Rollings Stones.

Depuis, les événements culturels tenus et vendus sous sa gouverne ne se comptent plus.

Serge Grimeaux règne sans partage dans l'univers des billets de showbusiness de son pays d'accueil de 1992 à 2001. «Pour rentabiliser un système relié par modem et reposant sur des appels téléphoniques tarifés avec une minuterie, il fallait une masse critique de ventes que j'étais alors seul à posséder», explique-t-il.

Avec l'arrivée d'Internet, des Slovaques, Russes et Américains sont venus gruger son territoire. Malgré cette concurrence, Serge Grimaux occupe encore 80% du marché de la billetterie en République tchèque.

Ticketpro a aujourd'hui des assises dans 13 pays, dont le Canada, depuis 2003.

Selon Serge Grimeaux, il reste encore des occasions d'affaires en République tchèque. Mais jamais semblables à celles du début des années 1990.

«Pendant 41 ans, les Tchèques ont été dirigés par des gens qu'ils ne voulaient pas voir. Ils n'ont pas le goût que d'autres reprennent la place. Si la tendance se maintient, leur niveau de vie sera très proche de l'Europe de l'ouest», conclut-il.

Vodaphone avale Oskar

La volonté des Tchèques de reprendre le contrôle de leur économie ne les a pas empêché de lancer des appels d'offres internationaux pour privatiser certains fleurons industriels, comme Skoda et les brasseries de Pillsen, ou pour mener à bien de grands projets d'infrastructures.

Ces appels ont également permis à Charles Sirois de signer la plus spectaculaire percée québécoise en République tchèque.

En 1999, la société Télémobile International Wireless (TIW), dont le principal actionnaire, investit 600 millions de dollars dans le projet de 1,2 milliard du consortium Tcersky Mobil qui consiste à monter le troisième réseau de téléphonie sans fil du pays.

Ses autres partenaires sont IPB, une banque privée tchèque, et United Pan-european Cable (UPC), une compagnie européenne principalement active dans la câblodistribution. TIW avait obtenu une licence similaire en Roumanie.

Alors que les revenus grimpent dans ces deux pays, l'empire Sirois s'écroule ailleurs dans le monde après l'éclatement de la bulle techno en 2002. TIW croule sous les dettes. En 2003, l'entreprise échappe à la faillite grâce entre autres à un investissement de la Caisse de dépôt et de placement du Québec. En 2005, Charles Sirois perd le contrôle de l'entreprise.

Quelques mois plus tard, la britannique Vodaphone, le numéro un mondial des télécommunications, met la main sur les actifs de Oskar Mobile.

Comme Charles Sirois, plusieurs pionniers venus d'ailleurs et des centaines de petits entrepreneurs tchèques ont été avalés par des plus gros et plus riches après la période de transition. Pas Serge Grimaux.