Rio Tinto Alcan mise sur la Chine et l'Inde pour propulser la demande d'aluminium de plus de 6% par année... jusqu'en 2011. Mais le colosse établi à Montréal voit l'avenir moins rose pour le secteur de la deuxième et troisième transformation de l'aluminium au Saguenay.

Rio Tinto Alcan mise sur la Chine et l'Inde pour propulser la demande d'aluminium de plus de 6% par année... jusqu'en 2011. Mais le colosse établi à Montréal voit l'avenir moins rose pour le secteur de la deuxième et troisième transformation de l'aluminium au Saguenay.

Le nouveau numéro un mondial de l'aluminium a célébré jeudi sa toute première journée d'existence officielle depuis l'annonce, en juillet dernier, de la plus grosse transaction minière de l'histoire: l'acquisition d'Alcan par le géant minier Rio Tinto pour 38,1 milliards US.

«Oui, il y aura des incertitudes, a admis d'emblée Dick Evans, l'ancien patron d'Alcan, qui prend maintenant les rennes de ce qui s'appelle dorénavant Rio Tinto Alcan. Mais il y aura aussi des possibilités.»

Les possibilités, c'est du côté de la Chine et de l'Inde que Rio Tinto Alcan les entrevoit. Et Tom Albanese, le grand patron de Rio Tinto, voit grand pour sa toute nouvelle division d'aluminium.

«Vous avez deux milliards de personnes en Inde, en Chine et ailleurs dans le monde qui veulent maintenant vivre comme vous vivez. Ils veulent accéder à la classe moyenne, et ils veulent avoir accès à des produits qui contiennent de l'aluminium», a lancé celui qui contrôle aujourd'hui la plus grosse flotte de raffineries d'aluminium au monde, mais également la plus grande capacité d'extraction de bauxite de la planète.

En marge de la cérémonie de jeudi, M. Evans et M. Albanese ont toutefois admis à La Presse Affaires qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que Rio Tinto Alcan développe le secteur de la deuxième et troisième transformation au Saguenay.

C'est à cet endroit que sera bientôt installée la première raffinerie au monde à utiliser la nouvelle technologie AP-50 développée par Alcan.

«Nous avons fait de gros efforts pour essayer de développer des activités de deuxième et troisième transformation, avec des succès limités, a dit Dick Evans. Nous avons amené des opérations de fabrication de pare-chocs dans la région du Saguenay, et ce marché s'est développé plutôt lentement.»

Pour lui, la raison est simple: le Saguenay est trop loin des clients, soit l'industrie automobile.

«Vous avez des ingénieurs de chaque côté qui tentent d'aligner leurs spécifications techniques. S'ils sont loin les uns des autres, il y a un risque accru de mal répondre aux spécifications», a ajouté Tom Albanese.

Faut-il donc prêter foi aux rumeurs qui circulent voulant qu'après la division Emballages d'Alcan, le groupe des produits usinés soit le prochain sur la liste des actifs dont Rio Tinto cherche à se départir? Pas si vite, ont répondu les deux dirigeants.

«Dans l'ensemble, la division des produits usinés est devenue un groupe très performant au sein d'Alcan - là où ils sont près des clients, ça fonctionne, a expliqué Dick Evans. Rio Tinto Alcan revoit actuellement l'ensemble de son portefeuille, et nous déciderons s'il s'agit d'une division qu'on garde et qu'on fait croître, ou dont on se départit.»

Le groupe produits usinés compte 15 000 employés dans le monde, dont seulement 270 au Québec.

Tom Albanese a affirmé que c'est leur compétitivité qui décidera de l'avenir des usines de transformation déjà présentes, et non les effets de l'acquisition par Rio Tinto. De toute façon, fait-il valoir, d'autres options, et de meilleures, s'offrent au Saguenay.

«Nous avons eu beaucoup plus de succès à créer des emplois au niveau des fournisseurs pour notre fonderie - alimenter la fonderie en pièces d'autobus, en superstructures, etc. Le résultat, c'est un groupe de fournisseurs hautement qualifiés qui peut maintenant fournir le marché mondial», a dit M. Albanese, qui mentionne également que l'expertise développée autour de la technologie AP 50 permettra aux ingénieurs et aux fournisseurs de décrocher des contrats dans les autres endroits de la planète où pourrait être implantée la technologie.

Rio Tinto Alcan a par ailleurs affirmé hier que la crise du crédit avait retardé la vente de la division Emballages d'Alcan, mais que des progrès avaient été réalisés récemment et qu'on espérait maintenant la conclure à «court ou moyen terme».

Interrogé à savoir si la conjoncture difficile sur les marchés avait rendu difficile la collecte des 40 milliards US nécessaires à l'achat d'Alcan. Tom Albanese a esquissé un sourire.

«Le financement avait été arrangé au moment où nous avons fait l'annonce», a-t-il répondu.

M. Albanese n'a par ailleurs pas été en mesure d'indiquer à quel moment Rio Tinto Alcan comptait s'inscrire à la Bourse de Toronto.