La Russie a subi hier l'une des pires corrections boursières de son histoire, provoquée à la fois par la chute des prix des matières premières, les soubresauts de Wall Street et des facteurs d'inquiétude propres au pays.

La Russie a subi hier l'une des pires corrections boursières de son histoire, provoquée à la fois par la chute des prix des matières premières, les soubresauts de Wall Street et des facteurs d'inquiétude propres au pays.

Devant un déclin qui a atteint 16 % dans la journée, les deux places financières de Moscou, le RTS et le Micex, ont décidé de recourir à la manière forte et de suspendre pendant une heure les échanges boursiers.

Mais rien n'y a fait : le délai expiré, le Micex est tombé encore plus bas, clôturant en baisse de 17,45 %, portant son recul depuis janvier à 53 %. Le RTS n'a pas rouvert hier, restant sur sa chute de 11,5 %. Ce dernier accuse une baisse de 50 % en 2008.

Le premier ministre Vladimir Poutine s'est montré rassurant hier après la clôture des marchés, affirmant que l'économie russe était suffisamment solide et disposait d'assez de liquidités pour traverser la tourmente des marchés financiers mondiaux.

«Nous ne doutons pas de pouvoir surmonter tranquillement ces phénomènes complexes de l'économie mondiale», a-t-il déclaré.

Fini l'îlot de stabilité

Au sommet de Davos de janvier dernier, le ministre russe des Finances, Alekseï Koudrine, avait qualifié son pays d'« îlot de stabilité » au milieu d'une planète en crise économique.

Aujourd'hui, même si les fondamentaux de l'économie russe restent solides, la politique de confrontation du Kremlin a terni l'image du pays et fait fuir les investisseurs.

Au cours des derniers mois, le conflit des actionnaires de la pétrolière russo-britannique TNK-BP a assené un premier coup à l'image de la Russie. Les actionnaires britanniques de l'entreprise accusaient les Russes de vouloir reprendre seuls les rênes de la société et soupçonnaient le Kremlin d'ingérence.

Vrai ou non, le mal était fait. «Il y a très peu d'investisseurs étrangers qui savent lire le russe. Ils n'ont donc pas la possibilité de comprendre par eux-mêmes ce qui se passe réellement à l'intérieur du pays», souligne Evgueni Nadorchine, analyste à la Banque Trust de Moscou.

«Plusieurs investisseurs nous perçoivent à travers leur filiale de Londres et les médias britanniques.»

La guerre en Géorgie aura été le coup de grâce à l'image du pays et la confiance des investisseurs. Dès les premiers jours des hostilités, les étrangers ont rapatrié des milliards de dollars de Russie.

Désormais, ce sont les Russes qui envoient leur argent à l'extérieur des frontières, alors que leurs entreprises ont de plus en plus de mal à trouver du financement.

Pourtant, malgré la panique, l'économie russe va plutôt bien. La croissance prévue oscille toujours entre 7 et 8 %. Les Russes devraient encore voir cette année leur salaire réel augmenter d'environ 20 %, ce qui stimule le secteur du crédit, mais laisse planer des craintes au sujet de l'inflation.

Malgré une rechute du prix du baril de pétrole à 90 $, après un sommet à 147 $ en juillet, l'économie du deuxième producteur et exportateur d'or noir au monde demeure gagnante. «C'est un prix encore bien confortable pour nous, analyse M. Nadorchine. Nous prévoyions une moyenne pour l'année en deçà de 100 $.»

Le président de la Chambre de commerce américaine de Russie, Andrew Somers, est ainsi loin d'être pessimiste. «Je ne vois pas (les événements actuels) comme une inquiétude à long terme.» Si les investisseurs financiers ont retiré une partie de leur portefeuille de la bourse de Moscou, les investissements «stratégiques » n'ont pas reculé, remarque-t-il.

Andrew Somers estime que la Russie demeure un bon endroit pour investir, notamment dans les secteurs immobilier, automobile, ceux de la transformation alimentaire, des biens de consommation, du commerce de détail, des hydrocarbures et surtout, des infrastructures. «Pour plusieurs compagnies, les retours sur investissement sont plus importants qu'en Chine !»

Délégation québécoise

C'est justement ce que la délégation d'une vingtaine de représentants d'entreprises québécoises est venue vérifier en Russie cette semaine.

La mission dirigée par le ministre québécois du Développement économique, Raymond Bachand, a rencontré des gens d'affaires de Saint-Pétersbourg dimanche et lundi. Aujourd'hui, elle se déplace à Moscou, notamment pour participer à un grand salon de l'aéronautique et pour courtiser le marché russe de la fourrure.

Avec Agence France-Presse