Le ralentissement de l'économie québécoise sera moins prononcé que celui des États-Unis, à moins d'une détérioration accélérée de son déficit commercial déjà abyssal.

Le ralentissement de l'économie québécoise sera moins prononcé que celui des États-Unis, à moins d'une détérioration accélérée de son déficit commercial déjà abyssal.

En fait, si on appliquait au Québec les quatre critères utilisés aux États-Unis pour décréter a posteriori s'il y a eu ou pas récession, le Québec n'en remplit jusqu'ici aucun. Mieux, rien d'indique qu'il soit près d'y parvenir pour trois d'entre eux.

Le National Bureau of Economic Research (NBER) se penche avant tout sur la dégradation du marché du travail. Il juge que le nombre d'emplois détruits doit représenter 1% des emplois existants avant le début de la récession.

Or, pas de doute, celui du Québec se porte toujours bien. En 2007, 86 300 Québécois de plus détenaient un emploi qu'un an plus tôt.

Si, en décembre, quelques jobs ont été perdus, les données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada indiquent qu'il s'en est créé 7200 en janvier.

La proportion des gens âgés de 15 ans et plus qui travaillent reste à un sommet tandis que le taux de chômage est à son creux de 32 ans.

Le NBER doit aussi constater une baisse du revenu réel. Les plus récentes données montrent plutôt qu'il y a eu croissance du revenu réel disponible de 6,1% et de 2,8% aux premier et deuxième trimestres, suivie d'un recul de 2,5% au troisième.

«C'était l'effet ressac inévitable après les gros versements de Québec pour régler le litige sur l'équité salariale», explique Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins.

Au quatrième trimestre, cet effet devrait avoir pris fin et on aura pour toute l'année une croissance supérieure à 3%.

Le troisième critère, c'est le repli de la production industrielle, c'est-à-dire celle des usines, des mines et des services publics comme l'électricité ou la distribution du gaz naturel. On peut la mesurer à partir des données sur le produit intérieur brut (PIB) ou les livraisons manufacturières.

Après 10 mois, la croissance de la production de biens est en légère hausse, surtout à cause de la vitalité du secteur de la construction qui n'est pas associé comme telle à la production industrielle.

Après 12 mois, les livraisons manufacturières ne montrent ni gain ni recul, mais les mois de novembre et décembre ont été très mauvais. Nul doute que le fort ralentissement américain y est pour beaucoup, tout comme la parité du huard et du billet vert.

On craint un repli pour les prochains mois surtout à cause des déboires de la foresterie (bois, pâtes et papiers). Le devancement de la fermeture définitive de l'usine Belgo en Mauricie est à coup sûr un mauvais présage.

Enfin, le NBER se penche sur le commerce de détail. Le consommateur québécois a encore le goût de dépenser, surtout que son pouvoir d'achat est accru.

En octobre et novembre, le chiffre d'affaires des détaillants a progressé de 0,7% et de 0,6%. Si les chiffres de décembre ne seront connus que vendredi, on sait déjà que les ventes d'autos ont progressé de 3%. Elles représentent 20% des ventes des détaillants.

Quelques nuages

La définition d'une récession du NBER n'est pas celle qu'on utilise chez nous, même si elle reflète bien qu'il s'agit d'une expérience douloureuse pour une société.

Plus technique, le recul du PIB réel pendant deux trimestres d'affilée est facile à mesurer.

Les économistes s'y prennent de diverses façons, mais la plus usitée est celle établie selon le calcul des comptes nationaux.

Elle consiste à observer les variations de la demande intérieure finale (DIF), des exportations nettes et des stocks.

Selon cette méthode, l'économie du Québec traînera un gros boulet en 2008: le solde de nos échanges commerciaux.

«En 2007, la tendance des exportations réelles était à la baisse alors que les importations réelles étaient à la hausse», rappelle Mme Noreau.

Avec le ralentissement américain et notre pouvoir d'achat accru, cette tendance va s'accentuer au cours des prochains mois. Résultat, un déficit commercial qui a franchi les 20 milliards, en dollars constants. C'est autant d'argent qu'il faut amputer au PIB réel.

Par bonheur, la DIF reste très forte, malgré des mises en chantier qui devraient reculer. En 2007, le nombre de mises en chantier a surpris, compte tenu de la faible croissance démographique.

Inévitable, le recul se produira cette année, sans causer pour autant une crise comme aux États-Unis.

Les consommateurs restent cependant confiants et ils paieront moins d'impôt à Québec et à Ottawa. À lui seul, le Plan québécois des infrastructures pourra ajouter 0,25% au PIB réel, calcule Desjardins. Si les entreprises se remettent à investir, cela dopera encore la demande intérieure.

L'institution lévisienne croit, tout compte fait, que le PIB réel se gonflera de 1,5% cette année. C'est bien moins que les 2,4% estimés pour 2007, mais c'est assez pour échapper à une récession.

-10,8 %Les exportations de papier journal et de bois d'oeuvre ont connu respectivement des baisses de 10,8% et 1,4% en 2007, rapporte l'ISQ.