Un avocat montréalais servant de prête-nom à un concurrent de Bombardier (T.BBD.B) veut obtenir les secrets de l'avion commercial CSeries.

Un avocat montréalais servant de prête-nom à un concurrent de Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]] veut obtenir les secrets de l'avion commercial CSeries.

L'identité du concurrent de Bombardier n'a pas été dévoilée en cour, mais son rival brésilien Embraer ne nie pas formellement être à l'origine du litige.

L'histoire a commencé en 2005 alors que Me Nicolas Courcy, avocat au cabinet montréalais Fraser Milner Casgrain, a fait une demande d'accès à l'information afin d'obtenir les documents relatifs à l'aide financière octroyée par le gouvernement québécois à Bombardier pour la CSeries.

Sa demande vise les documents financiers qui sont en possession du gouvernement ainsi que d'autres documents stratégiques sur la série CSeries remis au gouvernement par Bombardier.

Ces documents stratégiques incluent probablement les plans de la CSeries, mais la liste des documents en cause n'a pas été rendue publique.

En septembre dernier, Me Courcy a avoué en cour agir à titre de prête-nom pour le compte d'une autre personne.

«Oui, on m'a donné le chapeau de demandeur», a-t-il dit devant la Commission d'accès à l'information.

Depuis cette admission, Bombardier demande à la Commission de rejeter la demande d'accès de Me Courcy au motif qu'il n'est pas le véritable demandeur. Selon Bombardier, l'identité du véritable demandeur est essentielle afin de faire valoir ses arguments.

La commissaire Christiane Constant a donné raison à Me Courcy, mais Bombardier a porté sa décision en appel devant la Cour du Québec. Les deux parties se retrouveront à nouveau en cour le 12 février prochain.

«Comme la cause est devant les tribunaux, nous ne pouvons pas commenter. Nous ne voulons pas spéculer sur qui ça pourrait être mais nous sommes prêts à défendre nos intérêts vis-à-vis de cette personne anonyme», dit Marc Duchesne, porte-parole de Bombardier Aéronautique.

Le plus grand concurrent de Bombardier, l'avionneur brésilien Embraer, n'a pas nié être le véritable demandeur derrière la demande d'accès à l'information de Me Courcy.

«Nous n'avons pas de commentaires à faire à ce sujet», a dit son porte-parole, Pedro Ferraz, à La Presse Affaires.

Me Jean Bazin, qui représente Me Courcy devant la Commission, compterait Embraer parmi ses clients.

Il n'a jamais représenté Embraer dans un litige devant les tribunaux québécois, mais il s'est déjà identifié à La Presse Affaires comme l'avocat d'Embraer au Canada.

Embraer n'a pas voulu répondre à La Presse Affaires qui voulait savoir si la société brésilienne était représentée par Me Bazin au Canada.

Me Raymond Doray, un avocat réputé en droit d'accès à l'information, ne croit pas aux chances de succès de Bombardier, qui veut faire annuler la requête d'accès à l'information à son égard au motif que le demandeur agit comme prête-nom.

«La jurisprudence est très claire que le demandeur n'a pas à justifier les motifs de sa demande d'accès, dit l'associé au cabinet montréalais de Lavery, de Billy. On n'a pas à sonder les reins et les coeurs du demandeur.»

Selon Me Doray, Bombardier conteste surtout l'intérêt du prête-nom afin de gagner du temps. «Bombardier réussira à bloquer le dossier pour trois ou quatre ans avec ce débat», dit-il.

Loi modifiée

Bombardier a aussi d'autres motifs d'ordre stratégique à faire rejeter le recours, indique Me Doray, qui a déjà représenté La Presse dans un dossier similaire contre Bombardier.

«La Loi sur l'accès à l'information a été modifiée en 2006 afin de protéger certaines informations de nature économique, dit-il.»

«Le dossier en question a été introduit avant la modification de la loi. Si le concurrent qui se cache derrière son prête-nom doit introduire une nouvelle demande, cette dernière tombera alors sous le nouveau régime, qui protège davantage les entreprises.»

Me Doray se demande si le véritable demandeur ne devrait pas se manifester et se substituer à Me Courcy.

«Ce serait peut-être sage de dire qu'il agit, dit-il. De toute façon, son identité est un secret de polichinelle. Bombardier n'a pas beaucoup de concurrents, et qui d'autre qu'une entreprise dans le même secteur d'activités aurait intérêt à utiliser un prête-nom?»

Aucun porte-parole du bureau d'avocats Fraser Milner Casgrain, auquel sont rattachés à la fois Me Courcy et Me Bazin, n'était disponible afin de répondre aux questions de La Presse Affaires cette semaine. Me Courcy n'a pas non plus rappelé La Presse Affaires.