À coup sûr, les États-Unis ne sont pas encore en récession, mais bien des indicateurs montrent qu'ils flirtent avec elle.

À coup sûr, les États-Unis ne sont pas encore en récession, mais bien des indicateurs montrent qu'ils flirtent avec elle.

Selon la définition commune et technique d'une récession, c'est-à-dire deux trimestres d'affilée de croissance négative, aucun doute possible, on n'en est pas encore là.

Au quatrième trimestre 2007, l'expansion américaine s'est élevée à 0,6%, selon des données préliminaires. Les chiffres meilleurs que prévu du commerce extérieur présagent même d'une révision à la hausse de la croissance, cet automne.

Le National Bureau of Economic Research (NBER) est l'organisme chargé de décider s'il y a eu contraction de l'économie et durant combien de mois. Il utilise quatre données pour appuyer ses décisions, qui sont cependant toujours rendues bien après la reprise de l'expansion.

Or, ces quatre indices sont encore en territoire positif selon les dernières données disponibles, fait ressortir une récente analyse publiée par Desjardins.

«La principale caractéristique d'une récession est la baisse marquée du niveau de l'emploi», rappellent ses auteurs, Francis Généreux et Hendrix Vachon.

Le NBER fixe cette baisse à 1% de l'effectif, ce qui équivaut à 1,4 million de licenciements. Pour la première fois en quatre ans en janvier, on a fait état de 17 000 emplois perdus. On est loin du compte.

La deuxième caractéristique, c'est une baisse du revenu réel. Ici encore, la diminution a été signalée pour un mois, mais les salaires nominaux sont encore en forte hausse.

Jusqu'à vendredi, la production industrielle indiquait une légère décroissance.

Les données de janvier ont fait état d'une croissance de 0,1%, avec un score nul pour le secteur manufacturier et un recul de 1,8% de l'extraction minière, plus que compensé par les producteurs et distributeurs d'énergie.

Restent enfin les ventes réelles, qui montrent des signes de faiblesses. Les ventes au détail ont cependant rebondi de 0,3% en janvier. Exprimées en volume, elles sont en hausse de 1% depuis trois mois.

«L'évolution de ces variables ne permet pas de confirmer hors de tout doute que l'économie est déjà entrée dans une phase de récession, écrivent les auteurs. Elle n'exclut cependant pas qu'un tel scénario se concrétise dans un avenir très rapproché.»

Pour s'en convaincre, ils analysent 20 statistiques qui parlent. Onze d'entre elles sont à des niveaux qui ont signalé des récessions par le passé.

Parmi quatre indicateurs avancés recensés, deux sont encore à des niveaux qui excluent la récession, mais ils s'en rapprochent.

Celui de l'Economic Cycle Research Institute est déjà en territoire négatif, tout comme celui de l'OCDE. Toutefois, ces deux indices ont signalé une décroissance en 2003 qui ne s'est pas matérialisée.

La perte de confiance des consommateurs inquiète beaucoup. La chute de l'Indice du Michigan en février «est un signe évident que les difficultés de l'économie américaine sont encore bien présentes et risquent de se poursuivre», commentait M. Généreux peu après sa publication vendredi.

Les Bourses ont mal digéré la plongée en janvier de l'ISM non manufacturier. Plusieurs y ont vu que le secteur des services, le plus important de l'économie américaine, était sur le point de flancher.

L'historique de cet indice est cependant court, et sa fiabilité sujette à caution.

Il en va autrement de l'ISM manufacturier qui, fiable lui, a trouvé le moyen de rebondir en janvier après deux reculs d'affilée. À hauteur de 51,1, il est bien plus élevé encore que le niveau de 41,1 observé près des creux d'une récession.

Les auteurs analysent aussi quatre mesures du marché du travail: les demandes d'assurance chômage, le taux de chômage, les travailleurs contraints au temps partiel et les heures travaillées dans le secteur manufacturier.

À leurs yeux, seules les demandes d'assurance chômage ne permettent pas de conclure à un repli de l'économie.

Le nombre de mises en chantier est en chute libre et se rapproche du creux de 800 000 unités observé en 1991, mais la descente présente est déjà beaucoup plus forte que celle de cette récession.

La correction boursière ne permet pas encore de tirer de conclusion, pas plus que la légère hausse des stocks. En revanche, la pente des écarts de taux obligataires est dangereuse depuis deux ans.

Les auteurs signalent enfin que leur analyse ne peut tenir compte des effets de la forte détente monétaire pratiquée par la Réserve fédérale ni du pactole de 150 milliards que l'administration Bush va bientôt distribuer aux ménages américains.

«Le signal ambigu de plusieurs indicateurs, même ceux compatibles avec une récession, laisse jusqu'à maintenant penser que les difficultés de l'économie américaine pourraient être de courte durée et d'une ampleur somme toute assez modeste, concluent les auteurs. S'il y a vraiment une récession en 2008, on peut présumer qu'elle sera moins sévère que celle des années 80 ou du début des années 90.»