Employeur le plus important au Québec avec plus de 600 000 emplois, le secteur manufacturier perd des plumes.

Employeur le plus important au Québec avec plus de 600 000 emplois, le secteur manufacturier perd des plumes.

La hausse de la valeur du dollar canadien et la concurrence des pays émergents sont montées du doigt pour expliquer les malheurs du secteur manufacturier, qui aurait perdu entre 100 000 et 150 000 emplois depuis 2002.

Pour les 11 premiers mois de 2007, 36 700 emplois se sont envolés en fumée. Déjà 3000 de plus qu'en 2006.

Le Soleil est allé rencontrer les dirigeants de trois entreprises de Québec - ABB, Steris et Teknion Roy & Breton - pour voir comment elles parvenaient à survivre dans les conditions actuelles.

Il manque un outil de travail pourtant essentiel sur le bureau de Martin Chouinard. L'ordinateur du président doit assurément être chez le réparateur. «L'ordinateur! Quel ordinateur? Je ne veux rien savoir de ça. C'est une perte de temps.»

Bienvenue chez Teknion Roy & Breton!

L'entreprise qui possède des usines à Saint-Vallier, à Montmagny, à Saint-Romuald et à Lévis est une sorte d'oiseau rare dans l'industrie de la fabrication de meubles au Québec, une industrie fortement secouée par la concurrence américaine et chinoise.

Les victimes, on ne finit plus de les compter.

Il y a un mois, Meubles Baronet (145 employés), de Sainte-Marie, mettait fin à ses activités. Lundi dernier, Shermag annonçait la fermeture de quatre de ses usines, poussant 320 personnes au chômage.

Forte croissance

Contre vents et marées, Teknion Roy & Breton connaît une croissance moyenne annuelle d'environ 20 % et son chiffre d'affaires dépasse 125 millions $. Spécialisée dans la fabrication d'ameublement de bureau, la compagnie compte 850 employés. Et il n'y a pas l'ombre d'une menace de réduction de main-d'oeuvre à l'horizon.

Martin Chouinard refuse de s'asseoir sur ses lauriers.

«Lorsque l'on commence à savourer le succès de son entreprise, c'est le signal du début de la fin. C'est le moment de commencer à penser à se retirer. Je ne suis pas là pour profiter de l'entreprise, mais pour la faire grandir. Les présidents passent et les entreprises, elles, doivent rester.»

Teknion Roy & Breton a pourtant mangé son pain noir.

L'entreprise fondée en 1956 - Roy & Breton a été achetée en 1999 par Teknion - voyait ses clients tomber les uns après les autres après l'éclatement de la bulle technologique. Et la dernière chose dont les "technos" survivantes avaient besoin en ces temps durs étaient des bureaux et des chaises!

Diversifier

Teknion Roy & Breton s'est relevée de ses malheurs en diversifiant ses produits et en allant au-devant de nouveaux clients.

Et surtout, elle n'a jamais cessé d'investir.

Profitant d'un dollar canadien avantageux par rapport à la devise américaine, l'entreprise a dépensé plus de 50 millions $ entre 1999 et 2006 pour moderniser ses infrastructures et sa technologie.

Durant la même période, avec la collaboration étroite de ses employés, la compagnie mettait sur pied une série de mesures afin d'économiser 5 M$ par année dans ses diverses opérations.

Une façon de se préparer à affronter l'envolée spectaculaire du huard et l'arrivée des Chinois sur le marché nord-américain du meuble.

L'accroissement de la valeur du dollar canadien, Martin Chouinard l'avait prévu. "À la fin des années 90, je le disais à mes employés. Préparons-nous. À compter du milieu des années 2000, le huard devrait être au pair avec le dollar américain."

Voir plus loin

Pour Martin Chouinard, les entreprises qui réussissent à s'en sortir dans le contexte actuel sont celles qui voient plus loin que le bout de leur nez, qui sont capables de gérer le changement, de s'adapter aux soubresauts de l'économie mondiale et, surtout, de motiver leurs employés.

«Le secret, pour nous, c'est de rendre le client le plus heureux possible. Au point où il ne pourra pas nous laisser tomber. Il est notre seule raison d'être», insiste le président Chouinard en signalant que la fabrication de meubles sur mesure était la spécialité de l'entreprise.

«Pas moins de 30 % des produits que nous fabriquons n'apparaissent pas dans nos catalogues.»

Le défi, pour Martin Chouinard, ce n'est pas le huard ou la Chine. C'est de continuer à dynamiser ses 850 employés, dont il prétend connaître le nom de chacun d'entre eux.

Montrer le chemin

«Les employés s'attendent à ce que leur président montre le chemin à suivre, à ce qu'il fasse circuler l'information pour qu'ils soient constamment dans le coup et à ce qu'il maintienne le cap vers les objectifs de la compagnie. Ils s'attendent aussi à la tape dans le dos. Aux petits gestes de reconnaissance.

«Vous comprenez maintenant pourquoi je n'ai pas d'ordinateur et que je n'en veux pas. J'ai besoin de tout mon temps pour parler à mon monde.»