En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

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Alors que beaucoup d'économistes se perdent encore en conjectures sur la nature de la crise que nous traversons, certains la limitant à une crise financière, d'autres à une crise économique, tous s'entendent néanmoins sur le fait que cette crise origine d'un problème de crédit.

Or, contrairement à beaucoup d'autres crises qui découlaient soit de bulles spéculatives telle que celle reliée aux nouvelles technologies, ou encore de problèmes de productivité, la crise actuelle a, en partie, été créée par la propension des consommateurs à accentuer leur taux d'endettement.

Si la majeure partie de cet endettement est lié à l'achat d'une maison, une partie importante est néanmoins liée à de la consommation courante (consommez maintenant payez plus tard).

Le taux d'endettement

Pour les ménages canadiens, cet endettement correspond maintenant à près de 45% de leur revenu disponible annuel, alors qu'il se situait à moins de 20% il y a 30 ans. En d'autres mots, pour le ménage canadien moyen dont le revenu serait de 50 000$, la dette de consommation se chiffrerait à plus de 20 000$.

La crise actuelle, mais surtout son origine, va forcer les ménages à resserrer leurs habitudes de consommation. Il y a fort à parier qu'ils redécouvriront sous peu les vertus de l'épargne et de la gestion budgétaire. En conséquence, les détaillants devront modifier leurs approches marketing. Les stratégies qui furent gagnantes en période de croissance risquent fort de conduire au désastre en période de récession. Trois de ces pratiques sont à revoir.

Ne misez plus sur le marketing croisé. L'une des pratiques les plus utilisées au cours de la dernière décennie consistait à attirer le consommateur en proposant un produit central à bas prix (par exemple un téléviseur ou des meubles), pratiquement au prix coûtant, pour ensuite lui vendre des produits ou services complémentaires (les câbles de raccordement spéciaux ou encore une garantie prolongée) sur lesquels on allait chercher son profit.

Les coûts non essentiels

En étant forcé de réviser leurs budgets, les consommateurs ne cesseront pas de consommer. Ils risquent par contre de regarder de près chaque dépense de façon à laisser tomber les coûts non essentiels. L'approche sera chirurgicale, permettant ainsi de débusquer chaque dépense jugée superflue. Les détaillants devront alors réapprendre à faire leur profit avec leur produit central (le film plutôt que le mais soufflé).

Ne misez plus sur le crédit comme stratégie. Les détaillants qui misent sur des offres de financement afin d'attirer le consommateur devront aussi repenser leur stratégie. Il deviendra de plus en plus risqué de faire la promotion de la source de bien des malheurs pour tant de consommateurs.

Ne misez plus sur des cycles de réachat courts. Beaucoup de manufacturiers et de nombreux détaillants ont, au cours de la dernière décennie, misé sur une certaine désuétude des produits qu'ils vendaient afin de ramener, à court terme, les consommateurs chez eux. Les logiciels qui deviennent obsolètes après quelques années, voir quelques mois, ou les modes vestimentaires qui changent très rapidement, ont peut-être fait les beaux jours des détaillants au cours de la dernière décennie, mais tout ceci va changer. Soyez assurés que le consommateur des prochaines années en sera un qui demandera à ce que son produit dure, ait de la valeur et soit de très bonne qualité.

Au Canada, beaucoup des gestionnaires actuellement en place n'avaient pas 20 ans quand la dernière récession importante a sévi en 1989.

Beaucoup de ceux qui ont connu cette époque sont aujourd'hui à la retraite. Bref, pour de nombreux gestionnaires, en particulier dans le domaine du commerce de détail, ce sera la première fois qu'ils auront à concevoir une stratégie pour un marché en récession.

Un mot d'ordre s'impose: misez sur la transparence, la valeur réelle et surtout sur la qualité.

Jacques Nantel, D.B.A., est membre associé à la Chaire de commerce Omer DeSerres et membre associé à la Chaire de gestion des arts Carmelle et Rémi-Marcoux. https://www.hec.ca/profs/jacques.nantel.html