Le baril de pétrole a beau redescendre près des 124 $ US, les coûts élevés du carburant pèsent toujours sur le budget des transporteurs aériens. Pour garder la tête hors de l'eau, il faut faire preuve d'imagination, coûte que coûte. Et les transporteurs n'en manquent pas. Nécessité fait loi.

Le baril de pétrole a beau redescendre près des 124 $ US, les coûts élevés du carburant pèsent toujours sur le budget des transporteurs aériens. Pour garder la tête hors de l'eau, il faut faire preuve d'imagination, coûte que coûte. Et les transporteurs n'en manquent pas. Nécessité fait loi.

À une époque pas si lointaine, la surprise aurait été totale. Mais quand United Airlines a retiré de certains de ses appareils le système de diffusion de films, il y a quelques semaines, on a simplement noté qu'il s'agissait d'un énième moyen pour l'entreprise de pallier la hausse des prix du carburant.

«Les sociétés aériennes sont très créatives», note le consultant spécialisé en aviation Rick Erickson, de la firme RP Erickson and Associates de Calgary.

Si elles usent tant de leur imagination, c'est qu'elles y sont forcées.

Par exemple, le coût du carburant représente maintenant 31% du budget d'Air Canada, alors que ce taux était de 25% il y a quelques années. Lors de l'assemblée annuelle des actionnaires, en mai dernier, le président Montie Brewer indiquait qu'une augmentation de 3$ du baril de pétrole représentait 75 millions en coûts supplémentaires sur une base annuelle.

La facture de kérozène d'Air Canada s'est élevée à 2,5 milliards en 2007. Elle aurait été bien plus élevée si Air Canada n'utilisait pas d'opérations de couverture (contrats à terme pour l'approvisionnement en essence).

Le 28 juillet, la compagnie à bas prix Ryanair, annonçait une baisse de 85% de son bénéfice net. La cause est évidente. La facture de carburant du transporteur irlandais a augmenté de 93%. En une seule année, la proportion du budget consacré au carburant est passée de 36% à 50%.

«Les transporteurs doivent se battre», note Cameron Doerksen, analyste chez Partenaires Versant à Montréal.

Se battre, c'est s'adapter par tous les moyens possibles, réduire les coûts, augmenter l'efficacité, revoir les achats.

Mais chaque solution a ses limites et à mesure que le prix du baril grimpait, les transporteurs ont trouvé d'autres façons de survivre.

D'autres moyens non exploités sont encore imaginables. Selon Rick Erickson, les transporteurs aimeraient que le trafic aérien puisse être organisé en routes directes, alors que les routes actuelles sont plutôt paraboliques.

«Les routes établies sont plus longues d'environ 4 à 5%, dit-il. La technologie pour réduire l'espace de dégagement nécessaire entre chaque appareil s'en vient, et le Canada est en avance de ce côté.» Cette technologie faciliterait l'établissement de routes directes et réduirait donc la consommation de carburant.

«En fin de compte, on ne peut pas être si innovateurs face aux prix du carburant, dit le vice-président général et chef des affaires commerciales d'Air Canada, Ben Smith. D'ici à ce qu'on trouve une façon alternative de faire voler les avions, il va falloir acheter du carburant!»

Entre-temps, les entreprises pourraient continuer à hausser leurs prix. «Ce qu'on fait, c'est qu'on suit constamment la demande, on essaie d'augmenter nos prix dans la mesure du possible pour compenser les hausses du prix de l'essence, et on essaie de s'organiser pour que le marché puisse les absorber», explique Ben Smith.

«Les gens vont s'adapter, assure Cameron Doerksen. Il faut se rappeler qu'il y a 20 ou 25 ans, les prix étaient beaucoup plus élevés.»

Rick Erickson apporte des nuances. «Je crois qu'on a atteint le seuil de ce que les Canadiens acceptent de payer pour voyager. Ce sera intéressant de voir comment ça va se dérouler à l'automne. Je ne serais pas surpris de voir des spéciaux sur les vols.»

Le prix du baril de pétrole se dirige maintenant vers les 120$. «Je suis content de voir le prix de l'essence descendre, mais les transporteurs espéreraient le voir encore plus bas», note Rick Erickson.

Publicité sur les passes d'embarquement

Les transporteurs Continental, Delta, Northwest, United et US Airways vont ajouter des publicités sur leurs passes d'embarquement. Les clients pourront même enregistrer leurs préférences sur l'internet et ainsi profiter de publicités (et des recommandations de restaurants ou de magasins) ciblées.

L'OFFRE

Fin de certaines liaisons/Réduction de la capacité totale

Air Canada est l'une des nombreuses compagnies à avoir annoncé une baisse de sa capacité totale. Elle a annoncé en juin une diminution de 7%. Par exemple, le transporteur a annulé la liaison Vancouver-Osaka. Delta a réduit sa capacité de 11%, American Airlines de 12% et United de 18%.

Rationnement de la nourriture

Déjà que ce n'était qu'un sac de bretzels (des mini-bretzels, faut-il le préciser)... Toujours est-il que US Airways a éliminé en mai cette collation qu'elle offrait sur ses vols intérieurs.

Fini, les films

US Airways va retirer ses systèmes vidéo sur quelque 200 appareils effectuant des vols intérieurs, question de réduire de 500 livres le poids des appareils. Cela devrait leur permettre de sauver 10 millions de dollars annuellement. Une solution désespérée, selon le consultant Rick Erickson.

STRUCTURE DES ENTREPRISES ET RESSOURCES HUMAINES

Consolidation et fusions

Selon les patrons de Northwest et Delta, la fusion entre les deux entreprises, annoncée en avril, était la meilleure façon de gérer l'explosion des prix de l'essence. "Le pétrole change les règles du jeu et la fusion nous rend plus forts", a dit le président de Delta, Richard Anderson.

Vente d'appareils

Aux États-Unis, de petits transporteurs comme Frontier, JetBlue et AirTran vendent des appareils. Certains transporteurs préfèrent se concentrer sur les vols nolisés, où il est plus facile de refiler la facture au client, selon ce que rapportait le USA Today.

Report des coûts d'entretien

Certaines sociétés aériennes, dont Air Canada, ont décidé de reporter les coûts d'entretien de leur flotte. Ce sont les employés des Services techniques d'Air Canada qui paient pour ces décisions: 650 d'entre eux ont perdu leur poste (temporairement, selon l'employeur).

Suppressions d'emplois et rationalisation

En juin, Air Canada a mis à pied 2000 personnes, dont plus de 630 agents de bord. Ce n'est là qu'un des nombreux exemples de transporteurs qui doivent supprimer des postes, temporairement ou non. Continental, notamment, a éliminé 3000 emplois.

Gel des heures supplémentaires non essentielles

Le transporteur régional Jazz a imposé un gel des heures supplémentaires en plus de stopper les nouvelles embauches. De son côté, l'irlandaise Ryanair a décrété un gel des salaires.

Opérations de couverture

Plusieurs transporteurs, dont Air Canada, signent des contrats à terme pour se protéger contre les fluctuations du prix de l'essence. Aux États-Unis, Southwest est championne en ce domaine (elle a économisé 3,5 milliards depuis 10 ans), ce qui n'est pas étranger au fait que les profits soient encore au rendez-vous.

LES TARIFS

Hausse des tarifs et surtaxes sur le carburant

Air Canada et WestJet ont rétabli les surcharges sur les vols nord-américains qu'elles avaient pourtant éliminées en 2004. Elles varient de 20 à 45$ par vol simple. En mars, United Airlines a augmenté les tarifs d'un aller-retour intérieur de 50$, une hausse très importante. Un porte-parole de Delta Air Lines a déjà souligné que cette tactique n'était pas la plus efficace puisque les transporteurs doivent demeurer compétitifs. Cela est toutefois moins vrai dans le marché canadien, moins compétitif.

Frais pour bagages supplémentaires

Depuis le 15 juillet, les clients qui achètent des billets Tango ou Tango Plus chez Air Canada doivent payer 25$ pour le deuxième bagage enregistré. United Air Lines fait de même et évalue que cela lui rapportera plus de 100 millions de dollars annuellement. Chez Delta, le deuxième bagage coûte désormais 50$ sur les vols intérieurs et les bagages surdimensionnées entraînement désormais des frais de 150$, au lieu de 100$.

Des frais partout, partout, partout

Delta Airlines grappille ce qu'elle peut à gauche et à droite. Elle a introduit des frais de 25$ pour les billets privilèges comprenant un segment de vol assuré par un autre transporteur, sauf si le billet est acheté en ligne. Elle a fait passer ses frais de réservation téléphonique de 20 à 25$. Il en coûte maintenant 100$, au lieu de 75$, pour faire voyager un animal de compagnie sur les ailes de Delta. Enfin, les frais pour mineur non accompagné sont de 100$ sur tous les vols, alors qu'ils étaient de 50$ sur les vols directs.

LES AVIONS

Diminution de la vitesse de croisière

Si un vol est en avance sur son horaire, Air Canada recommande à ses pilotes de réduire la vitesse de croisière et, par conséquent, la consommation de carburant. De son côté, Northwest estime qu'allonger de quatre minutes le vol entre le continent et Hawaii lui permet d'économiser 600 000$ par année.

Circulation au sol avec un seul moteur

Les avions d'Air Canada circulent maintenant avec un seul moteur lorsqu'ils sont au sol, dans le cadre d'un programme de gestion de la consommation de carburant. Air Transat fait la même chose.

Limitation de l'utilisation des moteurs à l'atterrissage

Au lieu de miser trop sur les moteurs, Air Canada (comme bien d'autres transporteurs) préconise l'utilisation des freins, des volets et de la pleine longueur de la piste à l'atterrissage. Cela a un effet pervers, selon le consultant Rick Erickson. À l'aéroport de Calgary, cette pratique cause une congestion sur la piste principale et réduit l'efficacité globale de l'aéroport.

Achat d'avions économes

Continental Airlines entend utiliser ses avions Boeing moins gourmands, qui sont toujours en commande, pour remplacer les vieux avions à consommation élevée. Pourtant, les nouveaux appareils devaient être synonymes de croissance.

Remplacement de l'équipement de service

Air Canada utilise maintenant des chariots de service plus légers qu'auparavant, question de réduire le poids de l'appareil. Dans la même optique, le transporteur a remplacé les bouteilles d'alcool en verre par des bouteilles de plastique. Le consultant Rick Erickson indique que le transporteur privilégie aussi des tapis de cabine moins durables, mais beaucoup plus légers.

Moins d'eau, moins d'essence

Plusieurs compagnies aériennes transportent moins de carburant de réserve. D'autres, comme le rapporte le magazine Maclean's dans son numéro du 28 juillet, limitent la quantité d'eau et demandent aux passagers de limiter l'utilisation des toilettes.

Réduction de la peinture extérieure

Réduire la peinture extérieure peut permettre de réduire le poids total de l'appareil d'environ 350 livres. Or, ce truc n'est plus vraiment de mise, car la peinture protège le fini de l'avion. L'absence de peinture finit par coûter plus cher en entretien.

31%

Part du coût du carburant dans le budget d'exploitation d'Air Canada, ce qui représente une hausse sensible par rapport au taux de 25 % d'il y a quelques années.

75 millions

Coût supplémentaire, sur une base annuelle, qu'entraîne une augmentation de 3$US du baril de pétrole chez Air Canada. La facture de kérozène du transporteur s'est élevée à 2,5 milliards de dollars en 2007.

10 milliards US

US Airways va retirer ses systèmes vidéo sur quelque 200 appareils effectuant des vols intérieurs, question de réduire de 500 livres le poids des appareils. Cela devrait leur permettre d'épargner 10 millions de dollars annuellement.

50 $ US

Depuis le 15 juillet, les clients qui achètent des billets Tango ou Tango Plus chez Air Canada doivent payer 25$ pour le deuxième bagage enregistré. Chez Delta, le deuxième bagage coûte désormais 50$US sur les vols intérieurs.