Le plus gros employeur montréalais, la Ville, est perçu par ses cadres et ses professionnels comme un nid de favoritisme dans l'embauche et les promotions.

Le plus gros employeur montréalais, la Ville, est perçu par ses cadres et ses professionnels comme un nid de favoritisme dans l'embauche et les promotions.

Quelque 27 000 personnes, dont 1600 cadres et 2000 professionnels travaillent pour l'administration municipale.

Depuis deux ans, deux sondages menés par la Commission de la fonction publique de Montréal ont conduit à un verdict dévastateur sur la dotation à la Ville de Montréal de l'après 2004.

«Tout comme les cadres en 2005, les professionnels perçoivent notamment un manque d'égalité des chances d'obtenir des promotions et du favoritisme bureaucratique», résumait la Commission en mai dernier.

Près de 700 cadres ont participé au sondage de SOM, en 2005. Parmi eux, 50% ont coché le favoritisme bureaucratique (50%) et politique (34%) parmi les irritants de la dotation.

De plus, le sondeur avait noté un faible niveau de satisfaction, même chez les cadres ayant obtenu les postes convoités.

Choix dénoncé

L'an dernier, 60% des professionnels ont identifié le favoritisme bureaucratique, 46% la présence d'irrégularités et 56% ont dénoncé le choix de candidats avant même le lancement du processus.

«Ce sondage, à l'instar de celui des employés cadres, confirme sans équivoque les constats que la Commission a déjà relevés dans le cadre de ses activités de vérification et de traitement des plaintes», écrivait la Commission en transmettant ce sondage à la Ville.

C'est dans un tel contexte que Sylvie Farand a été nommée, en mai dernier, à la présidence de cet organisme.

«Je ne peux affirmer que cette perception a changé. Par contre, nous sommes en contact étroit avec le Service du capital humain et nous notons des améliorations. Mais c'est clair qu'il est possible de faire beaucoup mieux», dit-elle.

Mme Farand note que les deux sondages se sont déroulés au moment où la Ville était en pleine réorganisation, avec la création des arrondissements. De plus, le grand remue ménage de la nouvelle ville de l'après défusion, en 2004, a aussi touché l'embauche.

Les tests, examens et entrevues, autrefois sous la responsabilité de la Commission de la fonction publique, relèvent maintenant de chaque service de la ville centrale et des 19 arrondissements.

La nouvelle Commission est devenue une sorte de «Bureau du vérificateur» de la dotation. Elle jouit d'un pouvoir de surveillance, d'enquête, de traitement de plaintes et de recommandations que l'administration municipale n'a aucune obligation de mettre en oeuvre.

«Nous avons observé que la perception de favoritisme est très liée à la dotation des postes temporaires. Une fois en place, les gens semblent avoir plus de chances d'obtenir la fonction en permanence», dit-elle.

Gisèle Jolin, présidente du Syndicat des professionnels et professionnelles municipaux de Montréal (SCFP), estime que 300 de ses 1400 membres sont dans des postes temporaires en majorité ouverts depuis 2004.

«Je ne pense pas que le favoritisme soit uniquement une affaire de perception quand 60% de 700 professionnelles en parlent dans un sondage», dit-elle.

Pour le combattre, son syndicat souhaite un retour à la dotation centralisée. C'est d'ailleurs un des enjeux de l'actuelle ronde de négociation avec la Ville.

Jean-Yves Hains, directeur des relations professionnelles au Service du capital humain, confirme ces discussions.

«La dotation fait partie des enjeux discutés avec les professionnels. Nous cherchons avec eux des mécanismes pour assurer que les gens soient choisis sur la base de la compétence», dit-il.

Par ailleurs, monsieur Hains croit que, chez les cadres, le favoritisme est beaucoup affaire de perception.

«La Ville est une organisation qui recèle des compétences d'une richesse hallucinante. Pour les postes cadres, le choix est grand. Les atomes crochus font la différence», dit-il.

Perception et réalité

«Je ne connais pas d'études du genre menées dans le secteur privé. Mais c'est clair qu'on y trouve des perceptions de favoritisme et d'iniquité. C'est d'ailleurs la première raison pour laquelle les gens se syndiquent», note Anne Bourhis, directrice du Service de l'enseignement de la gestion des ressources humaines à HEC Montréal,

«S'il y a une différence entre les deux secteurs, c'est que l'on s'attend à l'équité dans la fonction publique», ajoute-t-elle.

Selon Mme Bourhis, le taux élevé d'insatisfaction révélé par ces deux études est préoccupant.

«Un sondage mesure la perception. Mais il faut en tenir compte parce que pour les répondants, la perception est la réalité. Le grand risque, c'est que les individus les plus talentueux quittent», dit-elle.

Par ailleurs, elle croit que la décentralisation de la dotation comporte des risques. «Tout en rapprochant la sélection des opérations, l'éclatement de la sélection dans plusieurs unités ouvre la porte au favoritisme parce que les critères ne sont plus uniformes», résume-t-elle.