L'Autorité des marchés financiers (AMF) a enquêté pendant deux ans sur Mount Real avant d'intervenir, deux ans pendant lesquels les investisseurs ont continué de confier leur argent à l'entreprise.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a enquêté pendant deux ans sur Mount Real avant d'intervenir, deux ans pendant lesquels les investisseurs ont continué de confier leur argent à l'entreprise.

C'est ce qui ressort du document détaillant les chefs d'accusation contre les cinq dirigeants de Mount Real, qui vient d'être rendu public. Selon ce document, l'AMF a débuté son enquête sur l'organisation en décembre 2003. À l'époque, elle commençait à douter de la véracité des communiqués de presse et des états financiers des entités liées à Mount Real. Or, l'AMF n'a bloqué l'organisation qu'en novembre 2005, près de deux ans plus tard.

«À partir de décembre 2003, l'AMF a procédé à une analyse très approfondie des documents publics liés Mount Real. Nous soupçonnions la présence, déjà à ce moment là, d'informations fausses ou trompeuses dans les documents administratifs. Nous avons donc eu de nombreux échanges avec les dirigeants. L'AMF exigeait notamment la transmission de documents justificatifs à l'appui des états financiers, qui ne venaient pas nécessairement», a expliqué le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge.

En février 2005, l'AMF a déclenché une deuxième enquête, qui portait cette fois sur la vente illégale de billets à ordre aux petits investisseurs. L'organisme réglementaire a débuté ce second volet lorsqu'elle a reçu des documents de faillite liés à un autre scandale. Ces documents indiquaient que les investisseurs floués avaient également investi dans Mount Real.

Cette autre organisation s'appelait Bear Bay. Elle s'est effondrée en 2003 sur fonds de soupçons de fraude de type «Ponzi Scheme», qui a fait perdre 25 millions aux investisseurs, selon le quotidien The Gazette. C'est le syndic de faillite de Bear Bay qui a transmis les documents à l'AMF, en février 2005.

Comment expliquer qu'il ait fallu deux ans avant d'intervenir? «Mount Real est une structure complexe aux tentacules nombreux. L'élément aidant a été le lien avec Bear Bay. Les documents de Bear Bay nous ont permis de remonter la filière et d'aller beaucoup plus loin», a affirmé hier Sylvain Théberge.

«Quand l'AMF arrive avec un dossier, elle doit être blindée. Elle ne peut pas arriver avec des approximations devant la Cour, mais avec une démonstration hors de tout doute. On n'a pas le droit à l'erreur», a expliqué M. Théberge.

Indices troublants

L'AMF avait pourtant accès à des indices troublants sur Mount Real bien avant. En 2002, l'ancien avocat de Mount Real, James Smirnios, a poursuivi l'entreprise en Cour supérieure alléguant qu'elle recueillait des fonds sans prospectus auprès des investisseurs depuis 1993. En septembre 2004, le vérificateur comptable de Mount Real, BDO Dunwoody, a démissionné en raison de divergences avec la direction concernant la comptabilisation des revenus.

«Mount Real est un dossier complexe, un stratagème mené par des gens qui avaient une connaissance pointue sinon professionnelle de la chose. On a beaucoup parlé de Norbourg, mais Mount Real est un dossier spectaculaire sur la façon qu'on faisait pour berner les enquêteurs», a dit M. Théberge.

Quoi qu'il en soit, une grande partie des 682 chefs d'accusation porte sur la production présumée de documents faux et trompeurs, pour lequel l'AMF enquêtait depuis décembre 2003.

Dans ces chefs d'accusation, l'AMF soutient qu'à peu près tous les communiqués de presse et les états financiers de l'organisation étaient trompeurs ou faux. Ces documents étaient signés par Lino Matteo, Laurence Henry, Andris Spura, Joseph Pettinicchio ou Paul D'Andrea.

L'AMF fait également état des nombreux billets à ordre de moins de 50 000$ vendus aux investisseurs qui portaient la signature de Lino Matteo, entre 1997 et 2003. La vente de tels billets aurait dû faire l'objet d'un prospectus, selon la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

«Compte tenu de la préméditation, la planification et l'ampleur du stratagème», l'AMF réclame des millions de dollars d'amendes de même qu'une peine d'emprisonnement pour tous les dirigeants, sauf Paul D'Andrea.

Précisons que les allégations de l'AMF n'ont pas été prouvées en Cour. Les tribunaux devraient s'y pencher en 2009.