La débâcle des prêts à risque américains n'épargne personne. Depuis un mois, les bourses tremblent.

La débâcle des prêts à risque américains n'épargne personne. Depuis un mois, les bourses tremblent.

Jeudi encore, les principales places financières mondiales ont vacillé. Dans ce contexte, de nombreux particuliers cherchent à comprendre les mécanismes de cette crise et s'inquiètent de son impact sur leurs finances personnelles.

La planète est secouée par une crise financière d'une ampleur insoupçonnée. En quelques semaines, les problèmes du marché immobilier américain se sont étendus à toute la planète.

La confiance des investisseurs est ébranlée, ce qui fait chuter la Bourse. À quoi les particuliers de Pointe-Claire, de Laval ou de Terrebonne peuvent-ils s'attendre? Comment se protéger? Questions-réponses sur l'ABC de la crise.

Q- D'où vient la crise?

R- Essentiellement, la crise a été provoquée par l'incapacité d'un nombre grandissant de ménages américains d'acquitter leurs versements hypothécaires. Les ménages touchés sont ceux qui ont emprunté à taux élevés (subprime) pour acheter une maison, ces dernières années. Ils sont aujourd'hui frappés par la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis et la baisse du prix de leur propriété.

Q- Pourquoi la crise américaine a-t-elle fait tache d'huile?

R- Les prêts hypothécaires à risque se font à des taux d'intérêt majorés. Les prêteurs américains ont donc constitué des fonds avec ces prêts, et les ont revendus aux investisseurs partout dans le monde.

Aujourd'hui, la plupart des fonds communs ont probablement une participation dans ces portefeuilles, souvent très petite, et la crise les affecte. Mais le phénomène a aussi fait réfléchir les prêteurs, devenus soudain plus frileux devant le risque. Cette frilosité rend le marché du financement à court terme difficile.

Q- Les taux d'intérêt vont-ils monter?

R- Non. La crise risque au contraire d'inciter la Banque du Canada à reporter la hausse de taux d'intérêt attendue en septembre ou même à abaisser les taux, croit Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Benoit Durocher, du Mouvement Desjardins, fait remarquer que depuis le début de la crise, en juillet, les obligations du gouvernement à cinq ans ont baissé de 0,2%. Grosso modo, cette baisse s'explique par le fait que les investisseurs échaudés par la crise sont prêts à accepter un taux d'intérêt moindre pour acheter ces valeurs sûres. Ultimement, cette tendance à la baisse pourrait se répercuter sur les taux hypothécaires.

Q- Qu'arrivera-t-il à mon hypothèque?

R- Rien. Les prêts fermés dont le terme est de un à cinq ans ne subiront aucun changement. Les prêts ouverts risquent de baisser. Ceux qui doivent renouveler leur hypothèque le feront très probablement sans problème, à moins d'être de mauvais payeurs.

Au Canada, les prêts à risque ne représentent que 5% des prêts accordés en 2006, comparativement à 22% aux États-Unis. Et les défauts de paiement sont beaucoup moindres.

Q- Dois-je faire une croix sur mon projet d'achat de maison?

R- Pas du tout. La vaste majorité des acheteurs «passeront» à la banque sans problème si c'était déjà le cas avant la crise. Les mêmes exigences qu'avant s'appliquent: un emploi stable, un bon dossier de crédit et des paiements pour la maison qui ne dépassent pas 30% des revenus bruts, taxes foncières et chauffage compris.

Q- Le prix des maisons va-t-il chuter?

R- Non. Au Canada et au Québec, le marché immobilier est beaucoup plus sain qu'aux États-Unis. Certes, le marché n'a pas la vigueur d'il y a deux ans, mais les prix continuent de monter un peu partout. «Le marché du travail est bon et les salaires augmentent, deux conditions essentielles au marché immobilier», dit M. Durocher.

Q- Qu'en est-il des prêts auto, de la marge de crédit, du prêt personnel?

R- Si le dossier de crédit est bon, pas de changement en vue. Par contre, il n'est pas impossible que les banques deviennent plus chatouilleuses face aux ménages surendettés.

Q- Dois-je vendre mes fonds communs, mes actions?

R- Pas de panique. Les âmes sensibles voudront vendre, c'est leur droit. Mais qu'elles se souviennent qu'il faut vendre quand le marché est haut et acheter quand il est bas. À long terme, les valeurs auront monté et la crise ne sera qu'un bref souvenir.

Au contraire, les plus braves saisiront l'occasion pour acheter, puisque le marché a beaucoup baissé. Le fond du baril n'est toutefois pas atteint, croit Sébastien Lavoie, et le plus sage est probablement d'attendre que le marché se calme avant de prendre des décisions.

Q- Le dollar chutera-t-il?

N- Le dollar a déjà baissé, mais il devrait se maintenir à moyen terme. Actuellement, le dollar canadien souffre de la crise parce que plusieurs grands investisseurs institutionnels vendent le huard pour se procurer des dollars américains et acheter des titres gouvernementaux américains, considérés comme une valeur refuge.

Q- Envisage-t-on une récession?

R- L'économie est beaucoup une affaire de confiance, contrairement à ce que plusieurs pensent. L'éventualité d'une récession (décroissance de l'économie) dépend en bonne partie de ce degré de confiance des ménages et des entreprises.

La crise minera-t-elle significativement cette confiance? Très peu si elle dure quelques jours, davantage si elle dure quelques mois.

Autre élément: la crise rendra les banques plus frileuses face au risque. Selon Sébastien Lavoie, il y a de réelles probabilités que les institutions deviennent plus exigeantes envers les emprunteurs, notamment les entreprises, et resserrent leurs conditions de crédit.

Ce resserrement nuirait à certains projets d'investissements ou d'acquisitions et donc à l'économie. M. Lavoie estime à 40% la probabilité d'une récession éventuelle au Canada (30% avant la crise) et M. Durocher, à 20%.

Rappelons toutefois que ni la crise financière de 1998, ni le krach boursier des technos de 2000, ni les attentats du 11 septembre n'ont provoqué une récession au Canada.

Q- Dois-je craindre pour mon emploi?

R- Non, à moins que la crise perdure et finisse par provoquer une récession, ce qui est encore peu probable. Et dans un tel cas, les pertes d'emplois attribuables à la crise ne surviendront pas avant plusieurs mois. Dormez sur vos deux oreilles.

Q- Qu'est-ce que les gouvernements peuvent faire?

R- À court terme, rassurer la population, inspirer confiance. C'est d'ailleurs ce qu'a fait hier le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, rappelant que «nos facteurs économiques fondamentaux sont des plus solides».

Jim Flaherty dit être en communication étroite avec la Banque du Canada - la banque des banques - et cette dernière n'hésite pas à prêter aux banques à charte pour faire face à la crise.

En septembre, il n'est pas impossible que la Banque du Canada baisse ses taux, ce qui aiderait l'économie.