Quand il a décidé de vendre le condo qu'il louait, José Herrera n'était pas au courant des règles de la Régie du logement.

Quand il a décidé de vendre le condo qu'il louait, José Herrera n'était pas au courant des règles de la Régie du logement.

Il s'est retrouvé coincé entre sa locataire, l'acheteur du condo et son propre agent immobilier. Pour sortir de l'impasse, il a été forcé de payer 6000$ à sa locataire.

Voici comment il s'est fait peinturer dans le coin. À la fin de l'été dernier, M. Herrera décide de vendre l'appartement qu'il loue pour 1000$ par mois. Le bail est un peu ambiguë: le loyer est renouvelable au mois, mais la fin du contrat doit être déterminée trois mois à l'avance.

Le 16 août 2006, M. Herrera informe par courriel sa locataire qu'elle devra probablement quitter avant la fin de l'été. «Pour moi, c'était correct. Il me semblait que je lui avais donné un avis», dit M. Herrera. Le 21 août, la locataire lui répond qu'elle prend bonne note de son intention.

Deux jours plus tard, M. Herrera confie la vente à un agent de Royal Lepage Dynastie. Après une demi-douzaine de visites, un acheteur présente une offre d'achat le 17 février. La transaction est conclue pour 229 000$. Le contrat précise que le logement sera libre le 18 avril, soit deux mois plus tard.

Informée de la vente, la locataire demande de rester jusqu'à la fin d'avril. Mais l'acheteur refuse catégoriquement. À mots couverts, il menace de poursuivre M. Herrera si l'appartement n'est pas libre à la date prévue.

M. Herrera redemande à sa locataire de quitter avant le 18 avril. Fort accommodante jusque-là, la dame se braque. Elle exige un dédommagement de 8000$, sans quoi elle ne partira pas.

Atterré, M. Herrera se tourne vers son agent immobilier. Celui-ci organise une rencontre avec l'agent du vendeur. «Je me sentais pris entre deux feux», se souvient M. Herrera.

Selon sa version des faits, les deux agents lui jettent le blâme sur les épaules. Ils lui disent qu'il doit payer la note, que certains propriétaires versent parfois jusqu'à 20 000$ pour évincer leur locataire.

Coincé de toutes parts, M. Herrera s'entend finalement avec sa locataire: il lui donne 6000$.

Le rôle de l'agent

Mais M. Herrera considère que son agent a manqué à ses responsabilités de l'informer sur les droits de sa locataire. «Je vais aller en cours. Lui a gagné sa commission (5%, soit 11 450$). Mais il n'a pas fait son travail et il m'a fait perdre 6 000$», dit-il.

Il dénonce le comportement agressif des agents qui veulent vendre à tous prix. «Moi, je n'avais aucun empressement de vendre», dit-il. S'il avait su, il aurait procédé différemment.

Effectivement, l'agent a l'obligation de conseiller son client sur la marche à suivre avec son locataire, affirme Robert Nadeau, président de l'Association des courtiers et des agents immobiliers du Québec.

«Il n'a pas à être un spécialiste de la Régie du logement. Mais il en sait suffisamment pour mettre les gens en garde, afin que la transaction puisse s'accomplir», dit-il.

Mais Royal Lepage soutient que son agent a fait son travail du mieux qu'il pouvait, avec les outils dont il disposait. «L'agent a insisté pour obtenir une copie du bail. M. Herrerra ne le trouvait pas», a affirmé à La Presse Affaires le propriétaire de la bannière Royal Lepage Dynastie, Louis Cayer.

Totalement faux, rétorque M. Herrera. «Jamais, il n'y a eu de demande pour voir le bail. Je l'avais sous la main. S'il me l'avait demandé, je lui aurais montré. Au contraire, il se faisait toujours rassurant», dit-il.

De son côté, M. Cayer prétend que c'est le client qui était insouciant. «À deux reprises, l'agent a posé la question : Qu'est-ce qui arrive avec la locataire? M. Herrera a répondu : on est des humains, on va s'arranger», rapporte-t-il.

Encore faux, réplique M. Herrera. «Il ne m'a jamais prévenu que je ne pouvais pas demander moi-même à ma locataire de quitter», dit-il.

Car c'est là vrai problème.

Les règles de la Régie

Au Québec, un propriétaire ne peut pas évincer son locataire, sauf s'il a l'intention de habiter lui-même l'appartement, ou d'y loger ses enfants ou ses parents. C'est la règle de la Régie du logement. Aucun bail, aucune entente privée ne peut rien y changer.

Lorsque un propriétaire vend un appartement qu'il loue, il ne peut pas demander lui-même au locataire de quitter, pour permettre à son acheteur d'occuper le logement. «L'avis doit être envoyé par le nouveau propriétaire», dit Jean-Pierre Leblanc, porte-parole de la Régie.

Mais le nouveau propriétaire doit respecter les règles. Pour un bail de plus de six mois, il faut envoyer un avis de reprise de logement au moins six mois avant la fin du bail. Pour un bail plus court, il faut donner un avis un mois avant la fin du bail. Et ce n'est pas tout. Le locataire peut exiger qu'on lui paie ses frais de déménagement.

L'agent de M. Herrera aurait dû le prévenir de cette règle fondamentale. «Ça c'est le conseil que l'agent doit donner à son client: Vous ne pouvez pas donner de garantie à l'acheteur, lui fournir un engagement absolu que le locataire va quitter à une certaine date. Même si vous obtenez un écrit de votre locataire, il peut quand même changer d'idée», dit M. Nadeau.

M. Herrera jure que son agent ne lui a jamais fait cette mise en garde. Il s'adressera aux petites créances pour récupérer le 6000$ perdu.

Royal Lepage Dynastie remettra le dossier entre les mains de ses avocats. Si le courtier est reconnu coupable, l'assurance qui couvre les fautes professionnelles, paiera la note. Mais l'agent devra verser lui-même une franchise de 2500$.

M. Herrera peut aussi déposer une plainte au service d'assistance de l'ACAIQ. Au besoin, le dossier sera présenté au syndic qui fera enquête et portera des accusations devant le comité de discipline. La démarche ne lui permettra pas de récupérer l'argent perdu. Mais l'agent risque une sanction.

Avant de choisir un agent, on peut d'ailleurs consulter le moteur de recherche du site web de l'ACAIQ pour vérifier s'il a fait l'objet d'une décision disciplinaire au cours des cinq dernières années.

La meilleure solution

La mésaventure de M. Herrera démontre à quel point il est délicat de vendre un condo loué.

Alors, quelle est la meilleure solution pour vendre un condo loué? Pour un logement dont le bail se termine le 1er juillet, le vendeur doit mettre son condo en vente rapidement à l'automne, en visant une transaction avant le 31 décembre.

Ainsi, l'acheteur pourra envoyer son avis de reprise de possession au locataire, en respectant le délai de six mois. Il pourra ainsi prendre possession de l'appartement le 1er juillet.