La flambée des prix des métaux a entraîné une frénésie que l'on n'avait pas vue depuis 20 ans dans l'industrie minière québécoise. Certains dépoussièrent les vieux camps miniers, d'autres vont forer de plus en plus au nord pour découvrir de nouveaux trésors.

La flambée des prix des métaux a entraîné une frénésie que l'on n'avait pas vue depuis 20 ans dans l'industrie minière québécoise. Certains dépoussièrent les vieux camps miniers, d'autres vont forer de plus en plus au nord pour découvrir de nouveaux trésors.

À la mine LaRonde, en Abitibi, on a plutôt décidé de creuser. Et de creuser encore.

La porte grillagée se referme dans un claquement et la «cage» s'enfonce dans l'obscurité. À l'intérieur, 52 mineurs - 26 sur chacun des deux niveaux - se tiennent debout, cordés, les uns contre les autres.

Destination : le fond de la mine LaRonde, exploitée par l'ontarienne Agnico-Eagle. Il faudra cinq bonnes minutes pour y parvenir. Un trajet équivalent à 10 fois la hauteur de la Place Ville-Marie... mais vers le bas.

C'est ici, deux kilomètres sous les épinettes de l'Abitibi, que l'entreprise vient récolter un métal qui fait rêver les hommes depuis des siècles: l'or. Agnico-Eagle a tellement creusé qu'au cours de la descente, la fraîcheur du sous-sol fait graduellement place à la chaleur.

Cette chaleur, c'est celle qui se dégage des profondeurs de la Terre. Au fond de la mine, la fraîche journée de mars laissée plus haut est loin: on se croirait en pleine canicule de juillet.

«On est dans le pire, rassure Michel Leclerc, directeur régional d'Agnico-Eagle. Avec l'été qui approche, nous allons activer notre système de refroidissement, et ce sera plus supportable.»

La mine LaRonde est tout simplement le plus important dépôt d'or au Canada. Pour l'exploiter, Agnico-Eagle a construit un dédale de 100 kilomètres de galeries qui serpentent dans tous les sens.

Mais le plus incroyable n'est pas là. Il est dans cette immense caverne creusée à même le roc où s'activent une vingtaine de travailleurs. «Le futur centre nerveux de LaRondeII», annonce fièrement M. Leclerc.

Une mine dans la mine

Ici, à exactement 2060 mètres sous la surface, Agnico-Eagle travaille à poser les bases... d'une nouvelle mine. Une mine qui s'enfoncera sous les installations actuelles, jusqu'à 3100 mètres de profondeur - l'ordre de grandeur des plus profondes mines d'Afrique du Sud.

Le treuil pour descendre les mineurs, celui qui servira à hisser le minerai, les chambres électriques: toutes les installations qui s'érigent à la surface de LaRonde, il faut les reconstruire ici.

«On est en train de bâtir, littéralement, une mine dans une mine», lance M. Leclerc.

Ce qui motive tous ces travaux, c'est évidemment le minerai qu'on ramasse à la tonne dans les galeries de LaRonde.

Un opérateur est justement en train d'en remplir le godet de son immense chargeuse: il peut en ramasser jusqu'à 12 tonnes à la fois. Combien cela peut-il valoir? «Atrocement payant», répond avec un sourire le surintendant de la mine, Marc Ruel, avant de sortir un carnet et l'éclairer de sa lampe frontale.

À l'endroit exact où l'employé travaille, nous apprend-il, chaque tonne de roche contient 4,06 grammes d'or, mais aussi 98 grammes d'argent, 0,74 % de cuivre et 3,10 % de zinc.

Jetez un oeil aux cours des métaux et vous comprendrez pourquoi M. Ruel sourit. Depuis l'été 2002, les prix du cuivre et du zinc ont plus que triplé, ceux de l'or et de l'argent, plus que doublé. Calcul fait, chaque pelletée de roche rapportera, une fois les frais d'extraction soustraits, plus de 2000 dollars de profit à Agnico-Eagle. Multipliez par 100 pelletées et vous obtenez une journée de travail... à 200 000$ pour un seul employé.

Cette roche à quatre métaux qu'on récolte à plein camion est devenue une véritable bénédiction pour Agnico-Eagle.

En vendant l'argent, le zinc et le cuivre comme sous-produits de l'or, l'entreprise parvient à récolter le métal jaune à un coût d'exploitation... négatif.

En 2005, par exemple, l'entreprise devait débourser 43 $US pour extraire une once d'or. L'an dernier, non seulement le même travail n'a rien coûté, mais il a rapporté 690 $US, soit à peu près autant que la valeur de l'or lui-même.

Pas étonnant qu'à mesure que les prix grimpent vers le haut, Agnico-Eagle, elle, creuse vers le bas.