Preuve insuffisante et trafiquée même par la poursuite, témoins mensongers et propos contradictoires, absence de victimes de la fraude présumée...

Preuve insuffisante et trafiquée même par la poursuite, témoins mensongers et propos contradictoires, absence de victimes de la fraude présumée...

Autant de motifs qui devraient innocenter Conrad Black, ont plaidé ses avocats lors de leurs arguments de fin de procès, mardi au palais de justice de Chicago.

L'ex-patron de presse canadien est représenté par deux avocats: l'Américain Edward Genson, de Chicago, et l'Ontarien Edward Greenspan, qui est aussi un ami de longue date.

Mais c'est ce dernier qui a ouvert la plaidoyer final de la défense, hier, en tirant à boulets rouges sur le principal témoin des procureurs fédéraux: David Radler, un ex-associé de trois décennies de M. Black avant de décider de plaider coupable et de collaborer avec les autorités américaines.

«Les accusations de la poursuite s'appuient surtout sur les informations de M. Radler, mais après qu'il ait négocié une sentence réduite en échange d'un plaidoyer de culpabilité. Pourtant, son témoignage et son contre-interrogatoire devant vous ont démontré que Radler est un menteur invétéré. Il a aussi manigancé à l'insu de son associé de longue date, Conrad Black, dans le but de s'en tirer à bon compte après s'être fait coincer par les autorités», a soutenu M. Greenspan devant les 15 jurés.

L'avocat canadien de M. Black s'est pris aussi à la crédibilité des éléments de preuve déposés par les procureurs américains.

«En fin de compte, il n'y a aucun pistolet fumant? Et où sont les victimes de ces fraudes présumées? Pourquoi n'a-t-on entendu ou vu en Cour aucun actionnaire de Hollinger International, de gros investisseurs ou de simples rentiers, qui aurait souffert de ces présumées fraudes?»

Par la suite, M. Greenspan a laissé à son collègue, Edward Genson, l'attaque détaillée contre certains éléments de preuve et les arguments des procureurs fédéraux.

Mais c'est aussi à ce moment que le ton des propos en cour s'est empesé considérablement. En net contraste avec la dynamique présentation effectuée lundi par l'avocate Julie Ruder, du bureau de Chicago du Procureur fédéral américain.

Il faut dire que les avocats de Conrad Black sont deux sexagénaires de grande expérience, certes, mais qui pourraient aussi être les pères des procureurs fédéraux!

De plus, l'avocat Edward Genson, surnommé «Eddie» à Chicago, se déplace en fauteuil motorisé en raison d'un handicap partiel. Quand il se lève, il titube en s'appuyant sur une canne, ce qui l'empêche parfois de soutenir le ton lorsqu'il s'avance vers les jurés, avec des documents dans une main.

N'empêche, M. Genson s'est attaqué de façon pointue aux arguments de la poursuite, au point d'être ennuyant par moments. Parmi les jurés, plusieurs cessaient de prendre des notes.

Sa cible principale: les paiements de non-concurrence pour plusieurs millions de dollars encaissés par Conrad Black et ses ex-adjoints, dont David Radler, lors de la revente de journaux pour plus de 3 milliards de dollars par l'ex-groupe de presse Hollinger International, entre 1998 et 2002.

Selon les autorités américaines, ces paiements étaient frauduleux contre l'entreprise, qui était établie à Chicago, et ses nombreux actionnaires américains.

Mais selon l'avocat de M. Black, loin de résulter d'un «complot présumé», ces paiements furent négociés entre les parties et déclarés en bonne et due forme dans les documents de Hollinger.

Par conséquent, selon M. Genson, «Conrad ne peut pas être reconnu coupable et envoyé en prison» parce que certains membres du conseil de Hollinger auraient mal lu les documents. Ou encore, que son ex-associé, «Radler», a manigancé certaines transactions à l'insu de Conrad Black.

«Ce que les autorités tentent de vous faire croire, c'est que ces documents et courriels étalés devant vous démontrent un complot par Conrad. En fait, ce qu'ont fait les procureurs fédéraux, c'est manipuler ces informations pour faire croire à un complot», a soutenu M. Genson devant les jurés.

«Or, il n'y a jamais eu de tel complot. Jamais! Et s'il y a tant de documents que la poursuite prétend incriminants, c'est notamment parce que Conrad est un homme d'affaires d'expérience qui est aussi très lettré, qui préfère les notes écrites», a indiqué M. Genson, en faisant allusion aux deux biographies de présidents américains (Nixon et F.D. Roosevelt) publiées ces dernières années par M. Black.

«Oui, Conrad est différent de vous et moi. Il est riche et il a accompli beaucoup. En affaires, en bâtissant un groupe de presse milliardaire à partir d'un investissement de 20 000$ dans un petit journal au Québec. Et dans sa vie personnelle, comme auteur et biographe, et comme mari et père de famille», a dit Edward Genson aux jurés.