À 6 ans, plutôt que de s'amuser avec les enfants de son âge durant les chaudes journées d'été, Warren Buffett leur vendait des boissons gazeuses dans un kiosque improvisé au coin d'une rue.

À 6 ans, plutôt que de s'amuser avec les enfants de son âge durant les chaudes journées d'été, Warren Buffett leur vendait des boissons gazeuses dans un kiosque improvisé au coin d'une rue.

Celui qui allait devenir l'Oracle d'Omaha n'était pas un enfant comme les autres. Il a commencé à investir en Bourse avant la fin de ses études primaires. À 13 ans, il ne parcourait pas le quartier à bicyclette comme ses amis. Il déduisait plutôt sa bicyclette dans sa déclaration de revenus!

À 76 ans, Warren Buffett n'a pas vraiment changé. Il ne fait toujours rien comme les autres. Au lieu de profiter d'une retraite bien méritée, le meilleur investisseur au monde continue de battre le marché.

En 2006, sa société d'investissement Berkshire Hathaway [[|ticker sym='BRK.A'|]] a affiché un rendement de 18,4% l'an dernier, soit 2,6% de plus que l'indice Standard Poor's 500.

Ce sont donc 20 000 actionnaires souriants qui assisteront une fois de plus à l'assemblée annuelle de Berkshire Hathaway, qui commence ce matin à Omaha, au Nebraska.

«C'est un phénomène unique dans l'histoire du capitalisme», dit François Rochon. Le président de Giverny Capital, une firme montréalaise d'investissement basée sur la philosophie de Warren Buffett, sera à la grande messe d'Omaha pour une huitième année consécutive.

Un simple gestionnaire de titres boursiers ne pourrait jamais réunir 20 000 fidèles dans une ville sympathique mais sans histoire du Nebraska. Sauf que Warren Buffett n'est pas un investisseur ordinaire. L'Oracle d'Omaha incarne à lui seul une philosophie d'investissement.

Les cinq commandements de Buffett

Les disciples de Warren Buffett ne jurent que par ses cinq commandements. Le secteur d'activités, tu comprendras. Bien évaluer la croissance future, tu feras. Les aubaines, tu attendras. Tes actions, tu conserveras. Les mauvais dirigeants, tu éviteras.

Premier commandement: le secteur d'activités, tu comprendras. L'aversion de Warren Buffett pour les nouvelles technologies est bien connue – il ne possède même pas d'ordinateur. Comme il n'y comprend rien, il ne mise pas sur les titres technos. Pas même quelques actions de Microsoft, la société de son grand ami Bill Gates, qui siège au conseil d'administration de Berkshire Hathaway.

Si Warren Buffett peut se permettre d'être aussi sélectif, c'est qu'il connaît le marché des biens de consommation comme le fond de sa poche. «Selon lui, le consommateur n'est pas compliqué: il aime ou il n'aime pas», dit Luc Girard, directeur du groupe conseils en portefeuille chez Valeurs Mobilières Desjardins.

Deuxième commandement: bien évaluer la croissance future, tu feras. Buffett est friand de grandes sociétés qui transcendent les modes. Elles sont un gage de succès à long terme, soutient-il. «Warren Buffett ne panique jamais. Il choisit plutôt des titres solides de compagnies réputées et qui donnent de bons dividendes», dit Simon Couture, courtier chez Valeurs Mobilières Desjardins.

Luc Girard, de Valeurs Mobilières Desjardins, se rappelle de ce conseil de l'Oracle d'Omaha, humoriste à ses heures: «Investissez dans une société que même un fou pourrait diriger, car un jour, un fou la dirigera...»

Troisième commandement: les aubaines, tu attendras. «Il achète des sociétés extraordinaires à des prix ordinaires», résume Luc Girard.

Quatrième commandement: tes actions, tu conserveras. «Son titre idéal, il ne le vendrait jamais», dit Gordon Gibson, premier vice-président et directeur général de La Financière Banque Nationale.

Cinquième et dernier commandement: les mauvais dirigeants, tu éviteras.

L'Oracle d'Omaha accorde une grande importance à la qualité de l'équipe de direction. «Il ne veut pas gérer lui-même les sociétés dans lesquelles il investit en Bourse», dit François Rochon, de Giverny Capital.

Un élève doué

Au milieu d'un concert d'éloges, Gordon Gibson amène une précision. «Buffett n'a rien inventé (comme philosophie d'investissement)», fait-il remarquer.

Par contre, l'Oracle d'Omaha a bien retenu ses leçons. D'abord celles de son père, qui a été courtier à la Bourse avant de se lancer en politique – il a siégé comme républicain à la Chambre des représentants.

Mais surtout celles de son mentor, le professeur Benjamin Graham, surnommé le doyen de Wall Street. Écrit en 1949, son livre L'investisseur intelligent est encore considéré comme la bible des marchés boursiers.

Graham a enseigné l'économie à Buffett à l'Université Colombia au début des années 1950. Les deux ont ensuite travaillé ensemble à Wall Street pendant deux ans avant que Graham ne prenne sa retraite en 1954.

Sans son mentor, Warren Buffett ne voit pas l'intérêt de demeurer à New York. Il revient alors dans sa ville natale d'Omaha pour fonder sa société d'investissement.

En 1965, ses affaires vont plutôt bien quand il achète au rabais le manufacturier de textile Berkshire Hathaway. Warren Buffett regroupera éventuellement toutes ses activités d'investissement au sein de Berkshire Hathaway.

À la fin des années 1960, Warren Buffett s'intéresse au secteur des assurances.

La meilleure décision de sa carrière, selon plusieurs observateurs. «Comme toute compagnie d'assurance, Berkshire Hathaway s'est mise à investir les revenus générés par les primes de ses assurés.

Mais Warren Buffett a fait des investissements plus risqués que les autres compagnies d'assurances, qui se limitaient généralement aux obligations», dit Ralph Hartman, vice-président de la gestion de portefeuilles à La Financière Banque Nationale.

«Il a bien investi les revenus générés par les primes d'assurances, ce qui lui a permis de se faire beaucoup de capital», ajoute François Rochon, de Giverny Capital.

L'Oracle d'Omaha a aussi été investisseur responsable à ses heures. «Il a vendu ses actions dans la cigarette à la fin des années 1970, dit M. Rochon. Il comprenait très bien l'industrie et il voyait le potentiel de rentabilité à long terme. Mais il était mal à l'aise avec son investissement.»

En début d'année, il a toutefois été montré du doigt par un groupe d'activistes, qui lui reproche de soutenir le génocide au Darfour. Berkshire Hathaway a des intérêts dans PetroChina, une filiale de la société d'État China National Petroleum Corp.

Or, cette dernière fait des affaires au Darfour. «Une filiale ne peut pas dire quoi faire à la société qui la contrôle. De toute façon, vendre nos intérêts au rabais dans PetroChina au gouvernement du Darfour serait avantageux pour le gouvernement du Darfour», s'est défendu M. Buffett.

En 42 ans à la tête de Berkshire Hathaway, Warren Buffett a battu l'indice Standard Poor's 500 à 36 reprises. Malgré ses succès, il insiste pour limiter son salaire annuel à 100 000 $US.

«Ce n'est pas comparable avec les salaires des dirigeants de fonds spéculatifs (hedge funds), qui sont honnêtes mais individualistes, dit François Rochon. M. Buffett, lui, est altruiste. Il a toujours pensé en premier aux intérêts de ses actionnaires.»