Lundi, le ministre canadien des Finances James M. Flaherty doit en principe annoncer un train de mesures budgétaires susceptibles de régler une fois pour toutes le différend le plus aigu entre Ottawa et les provinces.

Lundi, le ministre canadien des Finances James M. Flaherty doit en principe annoncer un train de mesures budgétaires susceptibles de régler une fois pour toutes le différend le plus aigu entre Ottawa et les provinces.

«Rétablir l'équilibre fiscal au Canada est une pièce essentielle pour rendre l'économie du Canada plus concurrentielle à l'échelle mondiale, écrivait-il aux ministres des Finances des provinces le 16 janvier dernier. Je suis confiant que nous parviendrons à trouver des solutions équitables, fondées sur des principes et qui pourront être intégrées au budget 2007.»

Il y aura équilibre fiscal quand Ottawa et l'ensemble des provinces se partageront équitablement leurs pouvoirs de taxation selon leurs responsabilités.

Cet équilibre s'est rompu à la fin du siècle dernier.

Le long passage des libéraux à Ottawa a certes permis de régler le déficit du gouvernement fédéral. Pour y arriver cependant, le gouvernement de Jean Chrétien a réduit pendant plusieurs années ses paiements aux provinces, tant en péréquation qu'en transferts pour la santé et les programmes sociaux.

En 1995-1996, les paiements de transferts aux provinces totalisent 29,9 milliards. Deux ans après, ils sont réduits de quatre milliards. Les provinces devront attendre jusqu'en 2001-2002 et une suite de surplus budgétaires à Ottawa pour retrouver un niveau de paiements de transfert d'avant les coupes.

Durant ces années de vaches maigres, les gouvernements provinciaux ont dû rogner leurs propres dépenses pour absorber ce manque à gagner.

Une fois réglé son déficit, Ottawa a voulu mieux prévoir la croissance de ses dépenses. Il s'en est alors pris à la formule de péréquation. Cette forme de redistribution des revenus fédéraux consiste à assurer à chaque province la capacité fiscale d'offrir des services comparables à des coûts d'imposition comparables.

Comme la capacité fiscale des provinces est inégale, l'importance de la péréquation dans leurs revenus varie. Ainsi 5,1% des revenus de Québec étaient assurés par la péréquation en 2004-2005 contre 13,2% de ceux de Winnipeg alors qu'Edmonton et Toronto n'ont besoin de rien à ce chapitre.

Des iniquités en partie corrigées

En 2000-2001, Québec recevait 49% des 10,9 milliards qu'Ottawa versait aux provinces bénéficiaires de la péréquation. En 2004-2005, il ne recevait plus que 39% d'une péréquation ramenée à 10,8 milliards. Bref, Québec recevait une part plus petite d'une enveloppe réduite.

Depuis, la situation s'est en bonne partie corrigée.

Dans sa missive de janvier, le ministre Flaherty annonçait les montants minima sur lesquels les provinces pourront compter pour l'exercice financier qui commencera le premier avril.

Dans le cas du Québec, c'est 6,462 milliards, soit 923 millions de plus que pour 2006-2007. Cela correspond à 55% des 11,7 milliards qu'Ottawa s'engage à verser au minimum.

La Saskatchewan et la Colombie-Britannique dont les économies carburent au gaz naturel depuis 2003, n'auront droit à rien en revanche alors qu'elles en recevaient jusqu'à l'an dernier.

On ne s'étonnera pas si Régina a choisi de rendre publique la lettre de M. Flaherty à ses homologues provinciaux. Il est toujours difficile pour un gouvernement provincial d'expliquer à ses électeurs que ses capacités fiscales sont désormais assez grandes pour se passer des dollars d'Ottawa.

La péréquation n'est pas une garantie de paiement, mais un mécanisme de redistribution enchâssé dans la Constitution depuis 1982, faut-il rappeler pourtant,

elle ne fonctionne pas rondement pour autant.

Le Groupe d'experts sur la péréquation, mandaté par l'ancien gouvernement de Paul Martin, propose une réforme encore plus avantageuse pour le Québec (Voir encadré). Le gouvernement conservateur lui a fait bon accueil et paraît tenté de s'en inspirer, faute de solution de rechange crédible.

Satisfaire l'Ontario

Pour réformer la péréquation selon les propositions du Groupe d'experts, Ottawa devra trouver le moyen de contenter autrement les provinces qui n'en profiteront pas: la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et surtout l'Ontario.

Tout comme le Québec, cette province pourrait donner aux conservateurs les quelques députés qui lui manquent pour former un gouvernement majoritaire à l'issue des prochaines élections canadiennes.

L'Ontario craint que ses citoyens recevront moins de services du gouvernement fédéral, si Ottawa consacre une plus grande part de ses revenus à la péréquation.

Or, 43% des revenus perçus par Ottawa proviennent de l'Ontario, soit le double de ce que fournit le Québec.

Bien sûr, l'Ontario est plus populeuse, mais chaque Ontarien contribuait 6736$ aux revenus fédéraux, en 2003, contre 5310$ pour le Québécois. Seuls les Albertains payaient davantage que les Ontariens avec 7490$ chacun, selon les données de Statistique Canada.

«Le Canada a tellement changé, laisse tomber Robert Lacroix, à la fois membre du Groupe d'experts et co-fondateur de CIRANO (Centre universitaire de recherche en analyse des organisations). Le coût de la solidarité est plus élevé et la redistribution devient de plus en plus difficile.»

Il ne pouvait mieux résumer les embûches auxquelles font face les gouvernements provinciaux quand vient le temps de dessiner une position commune face à Ottawa.

Par bonheur, le gouvernement fédéral nage dans l'argent. Les conservateurs aiment moins s'immiscer dans les champs de compétence provinciale que les libéraux.

Ils pourront soit diminuer les impôts comme ils l'ont déjà fait en abaissant la TPS, soit augmenter les paiements de transferts aux provinces.

À la différence de la péréquation, les paiements de transferts fédéraux sont versés non pas en fonction de la richesse d'une province, mais au pro-rata de sa population. L'Ontario étant la plus populeuse, elle reçoit davantage.

Elle perçoit les deux tiers de ses transferts fédéraux en matière de santé ou de réduction du temps d'attente dans les hôpitaux. Comme Ottawa et les provinces se sont entendus pour une période de 10 ans à ce chapitre, ce n'est pas de ce côté qu'il faut attendre une ouverture du gouvernement conservateur capable de satisfaire l'Ontario.

La clé: les universités

C'est du côté des transferts en matière de programmes sociaux qui forment l'autre tiers des paiements d'Ottawa à l'Ontario.

Quoi de mieux pour «rendre l'économie du Canada plus concurrentielle à l'échelle mondiale», selon les mots mêmes de M. Flaherty, que de financer davantage la recherche et le développement dans les universités.

En 2004-2005 l'Ontario abritait 41,5% de la population universitaire canadienne, soit un peu plus que son poids démographique qui frise les 40%. Toute bonification des transferts aux universités profiterait à l'Ontario au premier chef.

Québec ne perdrait pas au change. Sa population universitaire correspond à 25,8% de la population canadienne, soit plus que son poids démographique.

Si M. Flaherty exploite cette piste et s'inspire du Groupe d'experts pour réformer la péréquation, alors le déséquilibre fiscal appartiendra bientôt à l'Histoire.

M. Charest pourra pavoiser, M. Dumont chiffrer ses promesses tandis que M. Boisclair trouvera matière pour justifier sa promesse de gel des droits de scolarité.

Et il restera une semaine à la campagne électorale...