Si vous aviez l'intention d'investir dans un fonds de travailleurs, pas la peine de contacter le planificateur financier Éric F. Gosselin, du Groupe financier Peak, de Brossard. À moins que vous n'insistiez, il ne vous les recommandera pas. « Les rendements ne sont vraiment pas terribles », dit-il.

Si vous aviez l'intention d'investir dans un fonds de travailleurs, pas la peine de contacter le planificateur financier Éric F. Gosselin, du Groupe financier Peak, de Brossard. À moins que vous n'insistiez, il ne vous les recommandera pas. « Les rendements ne sont vraiment pas terribles », dit-il.

Il est vrai que les chiffres n'ont pas de quoi donner envie d'investir dans un fonds de travailleurs- celui de la FTQ (Fonds de solidarité FTQ) et celui de la CSN (Fondaction). En 2006, le fonds FTQ a généré un rendement de 6%, mais de seulement 5% depuis sa création, en 1983. Quant aux actionnaires de Fondaction, ils ont dû se contenter de 2,02%, en 2006, et d'un maigre 0,38% en dix ans.

«Ça lève pas haut ! » dit Éric F. Gosselin, qui rappelle que l'indice composé de la Bourse de Toronto a grimpé de 10% au cours de la dernière décennie.

Malgré ces rendements modestes, les fonds de travailleurs ont connu un franc succès auprès des épargnants, ceux-ci s'estimant largement compensé par les généreux crédits d'impôt auxquels ils donnent droit (15% au fédéral et 15% au provincial).

En effet, un placement de 1 000 dollars dans l'un de ces fonds (le maximum étant de 5 000 dollars par an) permet d'obtenir un crédit d'impôt de 300 dollars. De plus, dans un REER, l'investisseur obtient aussi la déduction fiscale habituelle, une économie d'impôt qui peut varier de 29,4% à 48,2%, selon son taux d'imposition.

Certains remettent cependant en question la pertinence d'investir dans ce type de placements. « C'est risqué », estime Gaétan Veillette, planificateur financier et Fellow administrateur agréé.

Selon la loi, les fonds de travailleurs ont l'obligation d'investir au moins 60% de leur actif dans des petites et moyennes entreprises québécoises, dont les rendements sont évidemment moins stables et moins élevés.

Il est d'ailleurs peu probable que la situation s'améliore à long terme, en raison de la mission première des fonds de travailleurs, qui est de créer ou de maintenir des emplois. Certes, les fonds de travailleurs jouent un rôle socioéconomique important, mais ne maximisent pas la valeur des actionnaires.

«Ces fonds sont là pour maintenir des emplois, moi, mon job, c'est de mettre de l'argent dans les poches de mes clients ! » dit Éric F. Gosselin.

Martin Dupras, planificateur financier et conseiller principal au Groupe-conseil Aon, estime pour sa part que les fonds de travailleurs ne sont pas si risqués que ça. Il rappelle que près de 40% de leur capital est investi dans des obligations, ce qui réduit le risque global du portefeuille. « En bout de ligne, le risque d'investir dans un fonds de travailleurs s'apparente à celui d'un fonds d'actions », dit-il.

Bien des conseillers financiers soulignent que les fonds de travailleurs s'adressent avant tout aux gens âgés, près de la retraite, qui veulent profiter des crédits d'impôt. Car, avouons-le, il faut être patient lorsqu'on investit dans ce type de fonds. Ainsi, on ne peut retirer ses billes avant au moins deux ans, et, à moins d'être retraité ou de remplir certaines conditions (voir les sites www.fondaction.com et www. fondsftq.com), il faut attendre d'avoir 65 ans pour les encaisser. « C'est long ! » dit Richard Proulx, du Groupe Investors.

Pour ce conseiller financier, plus on est jeune, moins on devrait opter pour ce type de placement. En revanche, à ses clients proches de la retraite, il les recommande fortement. Il a même développé une petite stratégie pour certains d'entre eux : il leur conseille d'investir dans un fonds de travailleurs pour profiter des crédits d'impôt, et de retirer les sommes deux ans plus tard pour les placer dans des véhicules qui rapportent plus.

Des projections financières démontrent pourtant que même à long terme les fonds de travailleurs sont avantageux pour l'épargnant, surtout dans un REER. L'actuaire Dany Provost, président de Delta Services actuariels, de Québec, en a fait l'exercice. Ses calculs démontrent qu'il faudrait 25 ans pour qu'un placement dans un REER ordinaire (rapportant 7%/an) devienne aussi avantageux qu'un placement dans un REER de fonds de travailleurs ne rapportant que 4% annuellement. Mieux, selon le PDG de Fondaction, Léopold Beaulieu, un déboursé annuel net de 1 000$ (après avantages fiscaux) depuis dix ans vaut aujourd'hui plus de 31 000$ dans un REER Fondaction, mais seulement 28 000$ dans un REER ordinaire ayant rapporté 10% annuellement (voir tableau). Ce qui fait dire à Léopold Beaulieu que « personne n'a les moyens de ne pas investir dans un fonds de travailleurs. »

Chose certaine, si vous avez l'intention de cotiser cette année, sachez qu'il est déjà trop tard pour investir dans le Fonds de solidarité FTQ. Depuis le 16 janvier 2007, le Fonds n'accepte plus de souscriptions par montant forfaitaire, ayant déjà atteint la permise par la Loi. Cette mesure ne touche toutefois pas ceux qui désireraient souscrire par retenues de salaire. Quant à Fondaction, il est encore possible de le faire. Jusqu'au 1er mars évidemment.

Vert, les fonds de travailleurs ?

Même si les fonds de travailleurs québécois sont présents dans une multitude de secteurs économiques, l'environnement prend de plus en plus de place dans leurs choix d'investissement. « C'est une considération importante », dit le PDG du Fonds de solidarité FTQ, Yvon Bolduc. « On ne peut pas développer l'économie sans se soucier des conséquences environnementales », ajoute son concurrent, le PDG de Fondaction, Léopold Beaulieu.

Depuis quelques années, les fonds de travailleurs ont ainsi investi des millions de dollars dans des entreprises vertes ou dans des fonds spécialisés en environnement.

En deux ans, par exemple, le fonds FTQ a mis près de 15 millions dans le Fonds d'investissement en développement durable (FIDD), dont la mission est de financer des entreprises ayant pour objet le développement et la commercialisation de technologies et de produits favorisant le développement durable. Fondaction a aussi mis quelques dollars dans ce fonds.

On ne compte plus les investissements verts du Fonds FTQ. Ainsi, le fonds a risqué dans Enerkem, qui produit des gaz de synthèse pour recycler la biomasse; dans Air Data, qui développe une technologie permettant d'améliorer la qualité de l'air dans les avions; dans Nanox, qui fabrique des catalyseurs destinés à l'industrie automobile.

Fondaction n'est pas en reste. Le fonds a investi dans Envirogain, qui a développé une technologie permettant de réduire les impacts des lisiers et des fumiers, ainsi que dans Ferrinov, dont la technologie permet d'éviter l'élimination d'importants volumes de résidus industriels dangereux.

Alors, verts, les fonds de travailleurs ? Oui, dit Yvon Bolduc, mais pas seulement. « Nous sommes un fonds généraliste, et nous continuerons d'investir dans tous les secteurs de l'économie du Québec. »