Les Canadiens sont endettés et inconscients. Leurs dettes ne cessent de s'alourdir, mais ils ne le réalisent pas. Leur marge de manoeuvre est mince, mais ils ont l'impression que rien ne peut ébranler leur bien-être financier.

Les Canadiens sont endettés et inconscients. Leurs dettes ne cessent de s'alourdir, mais ils ne le réalisent pas. Leur marge de manoeuvre est mince, mais ils ont l'impression que rien ne peut ébranler leur bien-être financier.

C'est le constat troublant qui ressort d'une enquête dévoilée la semaine dernière par l'Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA-Canada).

À peine une personne sur sept reconnaît que ses dettes ont considérablement augmenté depuis trois ans, y apprend-t-on.

Pourtant, l'endettement des ménages canadiens a grimpé de 4,7% par année depuis 30 ans. C'est beaucoup plus que la croissance de leurs revenus disponibles et de leurs actifs.

Les consommateurs jouent-ils à l'autruche? Ils sont plutôt victimes d'une illusion, répond Isabelle Thibeault, conseillère en insolvabilité à l'ACEF du Sud-Ouest.

Les institutions financières font la promotion du crédit, en mettant l'accent sur le bonheur, la plénitude, la réalisation de soi. Elles ont réussi à créer une distorsion dans la perception des consommateurs, explique-t-elle.

Beaucoup ont l'impression que l'argent qu'on leur prête leur appartient, comme ce consommateur qu'elle aidait à reprendre son budget en main.

«L'achat des vêtements, je ne mets pas ça dans mon budget, parce que je les paie avec ma carte de crédit», lui faisait-il valoir.

Ainsi, les cartes et les marges ont remplacé le coussin de sécurité.

Le crédit a détrôné l'épargne qui est devenue quasi-inexistante, rapporte les GCA-Canada. Le taux d'épargne est tout près de zéro. Un Canadien sur quatre n'épargne rien du tout, pas même pour la retraite.

À qui la faute? La faiblesse des taux d'intérêt rend l'épargne moins attrayante et le crédit moins coûteux; l'accessibilité au crédit atténue le besoin d'épargner pour se protéger; et l'appréciation de la valeur des maisons enrichit les ménages, énumèrent les CGA.

Le robinet

Comme le robinet du crédit est grand ouvert, certains consommateurs s'y abreuvent sans se poser de questions sur leur capacité à rembourser. Ces dernières années, les refinancements hypothécaires leur ont permis de maintenir un style de vie au dessus de leurs moyens.

Mme Thibeault cite le cas d'un couple qui avait hérité d'un triplex, avec un solde hypothécaire. Ils roulaient avec deux belles voitures, s'offraient des loisirs dispendieux avec seulement 41 000$ de revenus.

«En quatre ans, ils ont doublé la valeur de leur hypothèque en s'en rendant plus ou moins compte», raconte-t-elle. Jusqu'au jour où ils ont réalisé qu'ils étaient incapables de payer les mensualités.

En fait, bien des ménages sont à la gorge. Une personne sur cinq serait incapable de faire face à une dépense imprévue, selon le sondage des CGA. Paradoxalement, un quart des répondants ne croit pas qu'une hausse des taux d'intérêt ou une baisse de revenus affecterait leur mode de vie.

En réalité, une simple hausse de 1% du taux d'intérêt sur une hypothèque de 214 000$, amortie sur 25 ans, augmenterait les mensualités de 1307$ à 1434$, une ponction de 1524$ dans le budget annuel. Fini le voyage dans le Sud!

L'éducation

L'ignorance des Canadiens face au crédit découle d'un manque d'éducation, estime Caroline Toupin, de la Coalition des associations de consommateurs du Québec, et organisatrice de la campagne Dans la marge jusqu'au cou.

Mais elle accuse aussi la publicité et la sollicitation postale qui facilitent l'accès au crédit, sans permettre aux consommateurs d'en comprendre le fonctionnement, et sans égard à leur capacité de remboursement.

Comme le tabac

Son organisme milite d'ailleurs pour l'interdiction des publicités sur le crédit, comme c'est le cas pour le tabac.

«On considère que le stress financier génère des conséquences aussi grave que la cigarette», dit-elle. Seulement, les effets sont plus diffus, moins faciles à associés à la cause.... Un peu comme si le problème de l'endettement se cachait derrière un écran de fumée.

Toujours est-il que dans le cadre de la campagne Dans la marge jusqu'au cou, on distribuera 75 000 autocollants «Non à la sollicitation sur le crédit» que les consommateurs pourront utiliser pour retourner le courrier indésirable.

Des ateliers éducatifs et d'autres événements se tiendront partout à travers la province, du 19 au 23 novembre.