Un an. C'est tout le temps qu'il aura fallu à Alcan (T.AL) et Québec pour concocter l'entente majeure annoncée jeudi à Saguenay. Le grand patron de l'aluminerie, Dick Evans, en semble encore surpris.

Un an. C'est tout le temps qu'il aura fallu à Alcan [[|ticker sym='T.AL'|]] et Québec pour concocter l'entente majeure annoncée jeudi à Saguenay. Le grand patron de l'aluminerie, Dick Evans, en semble encore surpris.

«Au total, ça a pris environ un an de négociations serrées. Pour un projet de cette ampleur, c'est très rapide. Typiquement, ça peut prendre deux à trois ans», a confié jeudi le PDG d'Alcan pendant une entrevue avec La Presse Affaires.

Quelques heures avant cet entretien, Dick Evans dévoilait en grande pompe le plan ambitieux d'Alcan, qui prévoit construire une usine révolutionnaire et investir 2,1 milliards de dollars en 10 ans au SaguenayLac-St-Jean. Une entente historique, qui n'aurait jamais vu le jour sans le généreux soutien financier de l'État québécois.

En échange de l'engagement d'Alcan à investir tout cet argent, Québec a accepté de verser un minimum de 112 millions en aide financière, de prêter 400 millions sans intérêts sur 30 ans, en plus d'octroyer à l'entreprise un bloc d'électricité additionnel de 225 MW.

Le gouvernement a aussi prolongé jusqu'en 2045 diverses ententes d'approvisionnement en énergie.

La négociation pour obtenir toute cette électricité a été " difficile " malgré sa rapidité, reconnaît Dick Evans. Il s'agissait néanmoins d'une condition essentielle à l'installation de la future usine pilote à Saguenay, qui était convoitée par deux autres pays.

Le dirigeant d'Alcan mise gros sur la technologie AP50 qui sera déployée au Québec. La nouvelle technique utilise un courant électrique très puissant et permettra de dépenser 20% moins d'énergie que la cuve d'électrolyse la plus efficace à l'heure actuelle, dit-il.

Le développement d'AP50 a commencé il y a environ 10 ans chez Pechiney, aluminerie française acquise en 2003 par Alcan. Au départ, la technologie devait être utilisée dans une usine sud-africaine, mais elle n'était pas au point quand est venu le temps de commencer les travaux. Les trois dernières années ont permis de faire d'importantes avancées.

" On a mis sur pied une équipe conjointe de chercheurs d'Alcan et Pechiney pour continuer à raffiner la technologie AP50, ce qui a permis de réduire les coûts en capital pour la développer en plus d'en améliorer l'efficacité ", explique M. Evans.

Aujourd'hui, la technique est bel et bien au point, affirme le dirigeant. Un fait rassurant pour les travailleurs du Saguenay, considérant que tout le projet de 2,1 milliards repose sur l'AP50. " Nous n'irions pas de l'avant à moins d'être très confiants. "

Après le coup d'éclat de jeudi, quel sera le prochain gros pas pour Alcan? Certainement pas une acquisition, s'il faut en croire Dick Evans. Le prix de l'aluminium surfe toujours à des sommets sur les marchés boursiers, ce qui rendrait l'achat d'une aluminerie peu abordable.

Alcan compte plutôt se concentrer sur les projets qu'elle a lancés récemment et ne ferme pas la porte à en entamer de nouveaux en Afrique et au Moyen-Orient.

" Notre stratégie a été de se concentrer sur nos opérations, de générer des profits et d'être prêts si il y avait un revirement, quand les prix redeviendraient attrayants, ce qui nous permettrait de faire des acquisitions, comme on l'a fait avec Pechiney et Alouette ", explique Dick Evans.

" D'ici là, ce qu'on met de l'avant comme stratégie, c'est de faire comme on fait à Arvida, à Kitimat ou à Oman, soit de grossir par nous-mêmes, avec des projets attrayants à bas prix, en déployant la meilleure technologie ", poursuit-il.

Quant à l'Aluminerie Alouette, située sur la Côte-Nord, il n'est pas question pour l'instant de faire un nouvel agrandissement, surtout que la deuxième phase a été inaugurée il y a peu. Les choses pourraient changer si le gouvernement acceptait de libérer un important bloc d'énergie, laisse entendre Dick Evans. Alcan détient 40% des parts du consortium Alouette.

Québec n'a associé aucun plancher minimum d'emplois pour octroyer une aide financière à Alcan pour ses investissements à Saguenay, contrairement à d'autres projets récents d'alumineries. L'État pourrait toutefois mettre fin à tous les avantages dont jouit la société advenant une prise de contrôle étrangère ou le déménagement du siège social hors de Montréal.

" Ça n'empêcherait pas complètement une prise de contrôle, mais ça obligerait quiconque est intéressé à acheter Alcan à prendre un engagement égal à celui qu'on a pris, au risque de perdre les bénéfices qui sont associés à cette nouvelle entente ", souligne Dick Evans.

Alcan emploie quelque 6000 personnes au SaguenayLac-St-Jean. Les investissements annoncés jeudi devraient ajouter 740 nouveaux emplois, notamment en recherche et développement. Les fournisseurs locaux d'Alcan sont aussi appelés à croître, selon Dick Evans. Il prévoit que la région du Royaume deviendra un " carrefour mondial de l'aluminium ".

Les contrats de travail signés à long terme avec le syndicat de l'usine, tout comme la forte compétence locale développée dans le secteur de l'aluminium, ont contribué à faire pencher la balance en faveur de cette région pour le développement du projet, a tenu à souligner le président.

Alcan emploie 65 000 personnes dans 61 pays et régions. Son chiffre d'affaires s'est élevé à 20,3 milliards US l'an dernier.