Grosse bouchée dans le monde du légume : le groupe français Bonduelle avalera le plus gros producteur de légumes congelés et en conserve au pays, la québécoise Aliments Carrière.

Grosse bouchée dans le monde du légume : le groupe français Bonduelle avalera le plus gros producteur de légumes congelés et en conserve au pays, la québécoise Aliments Carrière.

La vente au géant français du légume est inéluctable, a confirmé hier à La Presse Affaires le président et chef de la direction d'Aliments Carrière, Marcel Ostiguy. «Non seulement il peut acheter, mais il doit acheter. Ça fait partie de l'entente», a-t-il dit en parlant du groupe Bonduelle.

«L'entente» remonte à juin 2006. Bonduelle avait alors mis la main sur 13% des actions d'Aliments Carrière, une participation qui a vite grimpé à 23%. Les actionnaires ont convenu à ce moment de céder le contrôle de l'entreprise québécoise au groupe français.

M. Ostiguy explique que sa famille, qui est l'actionnaire majoritaire par l'entremise de la firme Placements Géros, souhaite se retirer. «Pratiquement tout le monde a plus de 60 ans, et on ne voulait pas que n'importe qui prenne la relève. On voulait un opérateur, pas un financier. Et parmi tous ceux qu'on connaît sur la planète, Bonduelle est le meilleur successeur qu'on pouvait avoir.»

Le groupe Bonduelle est le leader européen du légume en conserve et le deuxième acteur dans le légume congelé. Il compte 5200 employés dans 22 pays et génère un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros.

Tout indique que la transaction se conclura en juillet prochain. M. Ostiguy indique que «le protocole d'entente fait en sorte qu'en juillet 2007, les actionnaires auront des choix à faire», tandis que Bonduelle présente déjà l'affaire comme réglée. «C'est prévu depuis l'année dernière. Bonduelle va acquérir au moins 85 % de Carrière en juillet 2007», a tranché Catherine Richard, responsable des relations de presse pour le groupe Bonduelle, lorsque jointe hier au téléphone.

Les 15% qui pourraient échapper au géant français sont les actions détenues par les cadres de Carrière. Quant au reste - 31% - il appartient à la SGF.

«On reste pour l'instant à 31 %, a dit hier la porte-parole de la société, Marie-Claude Lemieux. Bonduelle avait effectivement affirmé qu'il y avait une possibilité qu'elle devienne majoritaire, mais c'est selon des discussions entre actionnaires dont nous ne pouvons faire part.»

Le coût de la transaction serait de 117 millions d'euros (environ 180 millions de dollars canadiens) pour une participation de 100 %, selon les propos du président Christophe Bonduelle rapportés par le site web français boursorama.com.

Marcel Ostiguy affirme que c'est lui qui a pris contact avec les Français pour les convaincre d'apporter leur voix au conseil d'administration. Il explique que, devant la nouvelle concurrence en provenance de l'Europe de l'Est, de la Chine et de la Thaïlande, il cherchait un partenaire qui connaissait à fond le marché mondial. Et puisque les Français n'étaient pas présents en Amérique du Nord, ils n'étaient pas concurrents.

M. Ostiguy croit aussi qu'Aliments Carrière pourra profiter de la capacité d'innovation de Bonduelle, dont la gamme de produits s'étend des «légumes en brique nappés de sauce» aux salades en passant par les légumes gratinés et les taboulés.

«Selon moi, Aliments Carrière est le meilleur gestionnaire d'usines dans le secteur de la transformation de légumes sur la planète. Mais nous sommes beaucoup plus faibles qu'eux dans le développement de produits et de l'innovation», dit M. Ostiguy.

Pas question, affirment les deux groupes, de déplacer des emplois. Les sept usines de Carrière - quatre au Québec, trois en Ontario - devraient demeurer en place. Claude Lacoste, président de la Fédération québécoise des producteurs de fruits et légumes de transformation, ne se montre d'ailleurs pas inquiet outre mesure pour les quelque 475 producteurs de pois, maïs et haricots qui dépendent directement d'Aliments Carrière.

«Il faut savoir que les légumes sont transformés une heure à peine après avoir été récoltés. Je vois mal comment on pourrait déplacer la production», dit-il. Et c'est justement cette présence nord-américaine, qui échappait jusqu'à maintenant au groupe Bonduelle, qui l'intéresse dans Carrière.

Plus gros transformateur de légumes du pays, Aliments Carrière vend 50 % de ses légumes congelés et 10 % de ses conserves aux États-Unis. La porte-parole de Bonduelle, Catherine Richard, décrit la québécoise comme «une entreprise sérieuse avec une bonne qualité de produits». «Et c'est une entreprise francophone, donc culturellement, c'est plus facile.»