Un an après l'accession au pouvoir du gouvernement Harper, les gens d'affaires lui accordent un «B» provisoire et réservent leur jugement définitif.

Un an après l'accession au pouvoir du gouvernement Harper, les gens d'affaires lui accordent un «B» provisoire et réservent leur jugement définitif.

C'est le président du Conseil du patronat du Québec, Michel Kelly-Gagnon, qui se montre le plus positif.

«La performance du gouvernement est honorable», juge-t-il en se basant surtout sur les mesures du premier budget conservateur pour les entreprises.

Ce budget a fait disparaître la taxe sur le capital deux ans plus tôt que prévu par les libéraux, a prévu l'abolition de la surtaxe en janvier de l'an prochain et a décidé d'une réduction de 2 % de l'impôt général des compagnies d'ici 2010.

«Ce sont des pas dans la bonne direction, mais c'est un peu timide», estime M. Kelly-Gagnon, qui aurait voulu voir la surtaxe et les points d'impôt évacués plus rapidement.

«Nous proposions que ça se fasse bien plus tôt», renchérit le vice-président de la Chambre de commerce du Canada, Michael Murphy. Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Mais au moins, le signal est là.»

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante se dit elle aussi encouragée. «Jusqu'à maintenant, on perçoit une reconnaissance de l'importance des PME», dit le vice-président de la fédération pour le Québec, Richard Fahey.

En plus de mesures budgétaires comme la baisse du taux d'imposition des profits des PME, il mentionne un engagement pris en cours d'année auprès d'elles, à alléger de 20 % leur fardeau réglementaire.

«La réglementation, ça ne se voit pas mais c'est un cancer, dit Richard Fahey. Ça empêche d'être productif.»

Les télécommunications et les fiducies

Autre décision bien perçue dans le milieu des affaires : les mesures de déréglementation des télécommunications, qui retirent aux nouveaux joueurs leurs avantages sur les anciens monopoles de la téléphonie.

«La théorie de la concurrence qui inspirait ces avantages est dépassée, juge Michel Kelly-Gagnon. Les restrictions imposées au Canada sont quelque chose d'unique dans les pays développés. Et des experts disent que notre infrastructure de télécommunications est plus faible qu'ailleurs.»

Le président du Conseil du patronat est moins heureux de la décision du ministre Flaherty d'imposer les fiducies de revenu. Il y voit une réaction démesurée au problème des conversions abusives des grosses compagnies en fiducies, qui cherchaient avant tout à échapper à l'impôt.

«Les fiducies étaient un moyen extrêmement privilégié pour les sociétés à petite capitalisation, qui n'intéressent pas le marché traditionnel.»

Plutôt que les priver de ce tremplin, on aurait pu instaurer des coûts fiscaux à la conversion en fiducie, raisonne-t-il.

Des États-Unis à la Chine

Impressions mitigées également en matière de politique étrangère : la Chambre de commerce du Canada applaudit au règlement du conflit du bois d'oeuvre, parce qu'il ramène de l'argent au pays et parce qu'il relance les relations commerciales avec les États-Unis.

Mais elle s'inquiète du peu d'empressement de Stephen Harper envers la Chine. «Son départ très lent auprès des Chinois nous préoccupe beaucoup», indique Michael Murphy.

Au chapitre des finances publiques, les patrons québécois répètent que le gouvernement avance sur le bon chemin... trop lentement.

«La croissance moyenne des dépenses sous les libéraux était de 8,2 %, les conservateurs veulent la ramener à 5,4 %, mais nous, on visait 3,5 %», détaille Michel Kelly-Gagnon.

Apôtre systématique de la réduction de la taille de l'État, l'Institut économique de Montréal est plus sévère.

«On se serait attendu à un interventionnisme moins grand des conservateurs, mais on constate qu'ils ressemblent aux libéraux, regrette le directeur de la recherche et des publications, Martin Masse. On voit régulièrement les ministres en train de distribuer des subventions sous la pression électorale.»

Une histoire à suivre

Dans son ensemble, le tableau laisse des doutes au milieu des affaires sur l'existence à Ottawa d'une stratégie économique digne de ce nom.

«Dans un contexte minoritaire, leur vision semble acceptable, mais s'ils deviennent majoritaires, je m'attendrai à quelque chose de plus solide et étoffé», prévient Michel Kelly-Gagnon.

«On sent qu'il ne faut pas déplaire à trop de monde», déplore dans le même sens Martin Masse.

Outre un changement du rapport de force politique, le secteur financier guette les suites du document stratégique Avantage Canada émis à l'automne par le gouvernement, lors de sa mise à jour économique.

Avantage Canada promet d'éliminer la dette nette fédérale d'ici 15 ans et d'utiliser les économies d'intérêt résultantes pour réduire les impôts des contribuables chaque année.

«C'est un document très important qui nous fait espérer que le prochain budget enverra des signaux clés», signale Michael Murphy.

«La mécanique décrite est très intéressante dans son principe», ajoute Richard Fahey.

À cause des pas en avant, le Conseil du patronat et la Chambre de commerce s'entendent pour accorder un B aux conservateurs pour leur première année. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et l'Institut économique de Montréal se contentent d'un B -.