Mais pourquoi diantre contribuer à son REER toute sa vie, si c'est pour tout voir s'évaporer en impôt, une fois la retraite venue ?

Mais pourquoi diantre contribuer à son REER toute sa vie, si c'est pour tout voir s'évaporer en impôt, une fois la retraite venue ?

Collette est une femme économe et disciplinée - même si elle hésite à le reconnaître, sans doute par modestie. Sans enfant, elle a consciencieusement épargné durant toute sa vie active. Maintenant âgée de 72 ans, elle profite d'une retraite complète depuis six ans.

Ancienne employée du gouvernement du Québec, elle touche une rente de retraite de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (CARRA) de 3600 $ par mois. Pour se conformer aux règles fiscales, elle doit maintenant retirer un minimum de 7,5 % de son Fonds de revenus de retraite immobilisé (FERR) chaque année.

Or, en raison d'une rigoureuse discipline d'épargne et de judicieux placements, son FERR contient (malheureusement) la confortable somme de 200 000 $. Elle en a retiré près de 20 000 $ en 2005, un peu plus que nécessaire, pour lesquels elle a versé des acomptes provisionnels de 16000 $ à l'impôt.

Les acomptes provisionnels sont, comme le noml'indique, des sommes versées au fisc à l'avance, pour couvrir l'éventuelle facture d'impôts à la fin de l'année.

" Si je n'avais que la pension, plus les rentes du Québec et quelques revenus d'intérêts, je pense que je vivrais mieux ! s'exclame- t-elle. Pratiquement tout ce que je retire s'en va en acomptes provisionnels ! Il y a quelque chose que je n'ai pas bien fait ou que je ne comprends pas. "

Ses dépenses sont nettement inférieures à ses revenus, et la sécurité de sa retraite n'est pas compromise. Mais elle ne veut pas regretter toutes ces années de patientes épargnes.

" Serait-il mieux de dépenser tout le FERR, demande-t-elle, de sorte que je n'aie plus d'acomptes provisionnels à payer, ce qui me permettrait de profiter de la pension au complet ? Ou de vendre mes obligations ? Ou tout dépenser ? Ou quoi encore ? "

Trop de revenus à la retraite !

C'est ce " quoi encore " que le planificateur financier Daniel Lacroix, de BMO Banque de Montréal, s'est attaché à définir. Le problème de Collette -heureux problème- est le suivant : elle touche des revenus de retraite trop élevés.

Avec les prestations de la Sécurité de la vieillesse (5700$), la RRQ (10 000 $), la rente de la CARRA (43 000 $), les retraits de son FERR (20 000 $), et les revenus d'intérêts sur ses placements non enregistrés (13 000$), elle a gagné plus de 90 000 $ en 2005. Or, comme le souligne Daniel Lacroix, "si le revenu dépasse 62 000 $, il faut commencer à rembourser les Prestations de la sécurité de la vieillesse ". En 2005, elle a donc été forcée de rendre 4658$ sur les 5700$ reçus à cette fin.

Les retraits obligatoires du FERR font passer le taux d'imposition de Colette de 30 à 33%. Cette seule augmentation de 3 %, sur des revenus de 90 000$, entraîne déjà une ponction fiscale supplémentaire de 2700 $.

" Ses retraits obligatoires de 15 000 $ lui coûtent près de 9000 $ en impôt et en remboursement de prestations ", constate Daniel Lacroix. Cette somme correspond à un taux de 60 %.

" Elle en paie davantage qu'au moment où elle a économisé ! " N'eut-elle pas été célibataire, c'aurait été une situation exemplaire pour une cotisation au REER du conjoint, fait-il encore observer.

Une voie de solution

" Mon but c'est qu'elle récupère sa prestation de la Sécurité de la vieillesse et que son barème d'impôt baisse d'environ 15 % ", énonce le planificateur.

Dans cet objectif, il propose une stratégie ambitieuse.

En premier lieu, il suggère l'achat de 20 000 $ d'actions accréditives chaque année. Ces actions donnent droit à une déduction fiscale de 100 %, tant au fédéral qu'au provincial.

" C'est un investissement très risqué mais on récupère ainsi une grande partie des Prestations de la sécurité de la vieillesse ", observet- il. Ce recouvrement de près de 4000 $ correspond déjà à un rendement de 20 %.

Ces actions doivent être conservées au moins deux ans. En les vendant au cours de la troisième année, Colette effectuerait ainsi un roulement régulier de ce portefeuille.

Passons à la deuxième étape. Colette touche chaque année près de 13 000 $ en revenus d'intérêts et de dividendes en provenance de ses placements non enregistrés. Il est possible de les soustraire de ses revenus imposables.

Daniel Lacroix suggère à cet effet de verser près de 320 000 $ dans des fonds dits catégorie. Ces produits forment des familles de fonds communs entre lesquels il est possible de déplacer une partie des sommes investies, sans devoir déclarer de gain en capital. Les profits ne sont imposés qu'au moment du retrait définitif. Ils seront alors imposés à titre de gain en capital, soit à 50 %, plutôt qu'aux 100 % appliqués aux revenus d'intérêts.

Colette retrancherait ainsi dès maintenant une autre portion d'environ 10 000 $ de ses revenus. Ceux-ci seraient ramenés sous le seuil des 62 000 $, ce qui lui permettra de récupérer sa Prestation de la sécurité de la vieillesse.

En même temps, le taux d'imposition serait abaissé de 33 % à 28 %, d'où une autre économie de près de 3000 $.

Si ce n'est pas suffisant, ou simplement par alt ruisme, Colette peut également faire de généreux dons de charité à des oeuvres qui lui tiennent à coeur. Si ça ne met pas beaucoup plus d'argent dans les poches, on sait au moins où il s'en va.

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