La liquidation de Ioukos, ex-numéro un du pétrole russe, devrait marquer la dernière étape du grand remaniement dans les hydrocarbures russes et sceller le retour du contrôle du Kremlin sur ce secteur.

La liquidation de Ioukos, ex-numéro un du pétrole russe, devrait marquer la dernière étape du grand remaniement dans les hydrocarbures russes et sceller le retour du contrôle du Kremlin sur ce secteur.

"La période la plus turbulente de la restructuration du secteur pétrolier se termine", même si le partage des actifs de Ioukos devrait encore donner lieu à "des luttes féroces en coulisses" entre le pétrolier Rosneft et le gazier Gazprom, souligne Valeri Nesterov, analyste de la société d'investissement Troïka Dialog.

La liquidation, prononcée mardi par le tribunal d'arbitrage de Moscou et qui doit s'étaler sur un an, intervient après une série de redressements fiscaux massifs de plus de 27 milliards de dollars et une vaste campagne judiciaire dirigées contre le groupe et ses propriétaire depuis 2003.

L'affaire Ioukos est largement considérée comme une campagne inspirée par le Kremlin pour neutraliser un éventuel adversaire politique, Mikhaïl Khodorkovski, et permettre le transfert des actifs pétroliers les plus juteux du pays à des groupes proches du pouvoir.

Cette politique de renationalisation de facto, censée rectifier la privatisation expéditive et controversée des actifs pétroliers dans les années 1990, a déjà permis à l'Etat russe de rétablir son contrôle sur 60% des hydrocarbures russes (gaz et pétrole confondus).

"Il y a eu beaucoup de fusions et acquisitions ces dernières années destinées à corriger le résultat des privatisations (...) mais après la vente des derniers actifs de Ioukos, la question de la propriété devrait être résolue", relève M. Nesterov.

Seul le sort de Sourgoutneftegaz, groupe privé mais réputé représenter des intérêts proches du Kremlin, reste incertain, selon l'analyste.

Le groupe semi-public Rosneft, en plein essor et qui vient de s'introduire en Bourse, a déjà acquis en décembre 2004 la principale filiale de Ioukos, Iouganskneftegaz, cédée par la justice pour éponger une partie de la dette fiscale du groupe.

Le géant gazier Gazprom, qui est contrôlé en majorité par l'Etat et a de grandes ambitions dans le pétrole, a repris de son côté 73% du pétrolier Sibneft au milliardaire Roman Abramovitch résidant à Londres pour 13 milliards de dollars en septembre 2005.

L'Etat russe avait préalablement porté son contrôle de 40% à 50% du géant gazier, de loin le plus gros producteur de gaz russe (85%) et monopole d'exportation.

Dans le pétrole, la part des compagnies publiques a progressé de façon spectaculaire, passant de 12% en 2003 à 35% de la production fin 2005 (auxquels s'ajoutent 14% pour Sourgoutneftegaz), selon les chiffres de Vladimir Milov, président de l'Institut de la politique énergétique.

Cet ancien vice-ministre russe de l'Energie, très critique envers le Kremlin, prévoit qu'après la vente des derniers actifs de Ioukos, la part de l'Etat dans le pétrole devrait passer à 67%.

"Un conglomérat des trois Grands --Sourgoutneftegaz, Rosneft et Gazprom Neft (ex-Sibneft)-- est possible, mais Rosneft semble résister, comme il l'a montré lors d'un projet de fusion avec Gazprom", qui avait avorté en mai 2005 à cause de rivalités entre clans proches du Kremlin, estime-t-il.

Le président du conseil d'administration de Rosneft, Igor Setchine, vice-chef de l'administration du Kremlin et l'un des grands inspirateurs de l'affaire Ioukos selon la presse russse, est en effet jaloux de l'indépendance de son groupe qui pourrait bientôt devenir le nouveau numéro un du pétrole russe.

Selon M. Milov, le principal résultat de cette nouvelle politique à été de ralentir la progression de la production de pétrole russe de 2% à 3% par an. "L'Etat russe n'est pas le meilleur gestionnaire", observe-t-il.

L'actuel numéro un du pétrole russe, Loukoïl, dont la major américaine ConocoPhillips détient quelque 20%, et le groupe russo-britannique TNK-BP, numéro trois, devraient rester en revanche aux mains de leurs actionnaires privés, estime-t-il.

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lgo/dth/vl/nas