L’entreprise Baylis Medical, fondée à Montréal au milieu des années 1980 par Gloria Baylis, une infirmière d’origine barbadienne, a connu plusieurs vies grâce aux produits médicaux spécialisés qu’elle importait au départ et que son fils Frank a entrepris de concevoir et de fabriquer, des équipements novateurs qui sont utilisés partout dans le monde et qui l’ont rendu milliardaire…

Il y a deux ans, la firme américaine Boston Scientific a racheté pour 1,75 milliard US Baylis Medical, mais l’entreprise Baylis Medical Technologies continue de développer de nouveaux équipements médicaux de pointe à partir de son siège social montréalais et de son usine et centre de recherche de Mississauga, en Ontario.

« C’est pour aider un ami qui avait de la famille en France que ma mère a commencé à importer du matériel médical spécialisé. On parle d’un cathéter neurointerventionnel qui permettait de survivre à un anévrisme, relate Frank Baylis. Après avoir obtenu mon diplôme en génie électrique, j’ai voulu aider ma mère à développer son entreprise, mais elle a refusé en me disant d’aller chercher d’abord de l’expérience. J’ai travaillé deux ans à Toronto pour la firme Laborie, où j’étais responsable de la fabrication d’équipements médicaux, avant de revenir à Montréal. »

Un an plus tard, en 1990, Kris Shah, un collègue de l’Université de Waterloo, ingénieur électrique lui aussi, se joint à l’entreprise pour desservir le marché de l’Ontario, et Baylis Medical décide d’entreprendre la fabrication de ses propres équipements.

Grâce à un prêt de l’Agence québécoise de la valorisation industrielle de la recherche, l’entreprise tente de développer un cathéter pour prendre des images intracardiaques, sans succès, avant de se lancer dans la fabrication d’un cathéter pour ouvrir la valve cardiaque bouchée de nouveau-nés.

C’était un produit de niche, mais ç’a bien marché. On est rapidement devenu des experts dans l’utilisation des radiofréquences pour traiter le cancer et détruire les nerfs qui provoquent des maux de dos. On s’est associé à Kimberley-Clark pour la distribution de ce produit aux États-Unis, et ils avaient l’option de nous racheter après cinq ans.

Frank Baylis

Ce que Kimberley-Clark a fait et qui a permis à Frank Baylis et à son associé de racheter en 2003 les actions de sa mère Gloria, qui voulait prendre sa retraite, d’agrandir l’usine de Toronto et de développer de nouvelles technologies.

Après les douleurs au dos, Baylis Medical s’est attelée à soulager les douleurs liées au cancer des os en détruisant les nerfs avec un nouveau produit qui a été vendu par la suite à Medtronic, chef de file mondial des solutions médicales. Baylis Medical a toutefois continué de fabriquer les produits pour le géant américain.

La transaction majeure avec Boston Scientific

L’entreprise a poursuivi la diversification de ses produits en développant une solution pour le mal de dos qu’elle a fabriquée pour Medtronic, avant de se relancer dans les produits cardiaques.

« La chirurgie cardiaque a beaucoup évolué avec l’angioplastie, notamment. Nous, on a mis au point une ponction transseptale qui permet de passer du côté droit du cœur vers le côté gauche en transperçant avec des radiofréquences la cloison [le septum] qui sépare les deux ventricules.

« On a développé notre propre force de vente aux États-Unis, plutôt que de passer par Kimberley-Clark ou Medtronic. En 2021, on était rendus à 1000 employés, dont 850 qui travaillaient pour la division cardiaque, avec deux usines à Toronto et une au Costa Rica. On vendait partout dans le monde », relate le président exécutif du conseil.

En octobre 2021, la multinationale Boston Scientific a fait une offre de 1,75 milliard US à Baylis Medical pour racheter ses activités en cardiologie. La transaction a été finalisée en février 2022.

« On a gardé notre usine et notre centre de recherche de Toronto et notre siège social de Montréal. On opère sous le nom de notre division Baylis Medical Technologies. Aujourd’hui, on compte 175 employés et on développe encore de nouveaux appareils médicaux pour les secteurs de la radiologie et de la neurochirurgie », insiste Frank Baylis.

Le président exécutif du conseil confirme qu’il a payé beaucoup d’impôt avec cette transaction de 2,1 milliards canadiens alors que lui et son associé Kris Shah étaient les deux seuls actionnaires de Baylis Medical.

Frank Baylis s’applique aujourd’hui à redonner à la société par l’entremise de la fondation Gloria Baylis, qu’il a fondée il y a quelques années.

Ma mère nous a enseigné à être redevables aux autres. Notre fondation s’implique principalement dans les projets liés à un plus grand accès à la santé et à l’éducation.

Frank Baylis

Cette idée de devoir redonner à la société, Frank Baylis l’a poussée jusqu’à devenir député libéral fédéral de Pierrefonds-Dollard aux élections de 2015. Il ne s’est pas représenté en 2019.

« Je voulais m’impliquer et je n’étais pas partisan d’un parti plus que d’un autre, mais il y avait une candidature libérale disponible dans mon comté et je me suis présenté. Mon associé ne comprenait pas ce que j’allais faire là… », convient Frank Baylis.

Passionné de cinéma, Frank Baylis a fondé sa propre maison de production, qui a produit jusqu’à maintenant trois films d’action et un documentaire sur les travailleurs étrangers temporaires qui doit prendre l’affiche prochainement.

« Je co-écris, coproduis et joue un rôle parlant dans chacun de mes films », précise le producteur-auteur-acteur.

Fils d’un père britannique et d’une mère barbadienne, né à Montréal, Frank Baylis a fait ses études primaires et secondaires en français, même s’il a déménagé très jeune à Toronto, où son père ingénieur avait été transféré par son employeur Spar Aerospace.

« Mon père aimait Montréal et il voulait que ma sœur et moi parlions français. Il nous a inscrits à des écoles francophones à Toronto et il est revenu vivre à Montréal », raconte fièrement Frank Baylis.