Il n’y a plus de contenu local obligatoire dans les appels d’offres d’Hydro-Québec, qui s’apprête à multiplier ses achats d’énergie éolienne auprès de producteurs privés.

L’objectif n’est pas d’aller plus rapidement pour accroître la production d’électricité, mais de répondre aux préoccupations des promoteurs, a fait savoir le porte-parole de la société d’État, Maxence Huard-Lefebvre. « Les nouvelles règles offrent plus de flexibilité », a-t-il dit.

Selon lui, Hydro-Québec considère toujours le contenu local d’une soumission comme un plus. Des points sont toujours accordés au soumissionnaire qui inclut une part de contenu local dans sa proposition, mais ce contenu local s’applique à l’ensemble des dépenses liées au projet et non à l’équipement comme les tours, les pales ou les turbines. Surtout, la société d’État n’en fait pas une exigence obligatoire.

C’est en exigeant du contenu manufacturier local que le gouvernement québécois a réussi à attirer une expertise en Gaspésie, avec des fabricants comme LM Glass Fiber (pales) et Marmen (tours).

Les exigences de contenu local obligatoire étaient déjà disparues du dernier appel d’offres pour l’achat d’énergie éolienne en 2023.

« Pour la réalisation du parc éolien, le soumissionnaire peut s’engager à ce qu’un pourcentage des dépenses globales du parc éolien soit réalisé au Québec », indique le document de cet appel d’offres qui a retenu huit soumissions pour un total de 1550 mégawatts.

Un contexte différent

Hydro-Québec exigeait auparavant « un contenu québécois garanti et un contenu régional garanti » dans ses appels d’offres éoliens.

Le changement ne fait pas l’affaire de tout le monde. Le fabricant de tours d’éoliennes Marmen a déjà critiqué publiquement l’abandon par le gouvernement de l’appui aux fabricants d’éoliennes. Il n’a pas voulu revenir sur le sujet lorsque La Presse l’a contacté. Beaucoup d’intervenants locaux, dont le député Pascal Bérubé, déplorent l’abandon des exigences de contenu local au moment où la société d’État entreprend un plan d’expansion historique.

L’Alliance de l’Est regroupe des municipalités du territoire qui a le plus bénéficié de l’obligation de contenu local dans les précédents appels d’offres. Elle vient de conclure avec Hydro-Québec deux contrats d’une durée de 30 ans pour près de 500 mégawatts, avec les nouvelles règles du jeu. Son président, Michel Lagacé, se montre réaliste. « On encourage la production locale et on la souhaite, dit-il, mais quand on regarde l’état des lieux, on peut comprendre. »

La rareté de la main-d’œuvre au Québec, de même que la forte demande pour l’énergie éolienne partout dans le monde, fait en sorte qu’il devient difficile d’attirer des fabricants au Québec, explique Michel Letellier, président d’Innergex.

Le producteur d’énergie vient aussi de conclure un contrat d’approvisionnement de 30 ans avec Hydro-Québec.

Selon lui, il est normal qu’Hydro-Québec adapte ses règles à la nouvelle réalité, si elle veut obtenir de nouveaux approvisionnements rapidement et à prix raisonnable. « Les turbiniers ont beaucoup de choix pour investir partout sur la planète, dit-il. Quand Innergex a gagné son premier appel d’offres, on avait amené General Electric à investir, avec Marmen et LM Glass Fiber. Aujourd’hui, les manufacturiers nous disent qu’ils ne viendront pas ici parce qu’il y a trop peu de volume, alors qu’il y a tellement à faire sur la planète. Hydro-Québec a compris que si on voulait forcer ça, il faudrait payer beaucoup plus cher. »

Réduire le délai

Hydro-Québec veut que les projets éoliens qu’elle a retenus lors de son dernier appel d’offres soient en production dans un délai assez court, soit entre 2027 et 2029.

Le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon, de son côté, ne cache pas qu’il aimerait que les nouveaux approvisionnements en électricité soient disponibles rapidement afin de pouvoir répondre aux demandes des entreprises qui s’empilent sur son bureau.

Quelque 3300 mégawatts de nouvelle électricité devraient être disponibles en 2029, a-t-il dit récemment devant le Cercle canadien de Montréal. « Hydro-Québec regarde si on peut devancer cette date », a-t-il indiqué à cette occasion.

Interrogé jeudi à ce sujet, le ministre Fitzgibbon a dit qu’il fallait « un équilibre entre le contenu local, la rapidité et le coût » dans les nouveaux approvisionnements éoliens. Il estime qu’il faut sacrifier « un peu » de contenu local pour aller plus vite.

- Avec Fanny Lévesque