(New York) Le puissant syndicat de l’automobile UAW (United Auto Workers) veut s’étendre aux constructeurs étrangers présents aux États-Unis, après une négociation réussie chez les trois géants américains du secteur, et espère ouvrir une nouvelle ère avec un scrutin chez Volkswagen.

Les 5500 employés du site du groupe allemand à Chattanooga, dans le Tennessee, sont appelés à voter jusqu’à vendredi, pour ou contre la constitution d’un syndicat, à l’appel de l’UAW. Volkswagen a confirmé mercredi que le scrutin avait débuté dans la matinée.

« On est vraiment enthousiastes », avait expliqué mardi Isaac Meadows, ouvrier de cette usine, qui distribuait des tracts avant de prendre son service, en début d’après-midi.

L’UAW reste sur un succès de prestige, avec la signature d’accords collectifs chez General Motors, Ford et Stellantis (Chrysler), les « Big 3 », ratifiés en novembre après six semaines d’une grève inédite par sa durée.

Mais jusqu’ici, le syndicat n’est parvenu à s’implanter chez aucun des constructeurs non américains, qui ont, dans leur immense majorité, élu domicile dans des États du Sud des États-Unis.

À Chattanooga, la création d’une antenne de l’UAW a déjà été rejetée par deux fois.

Mais plusieurs experts estiment que le vent pourrait avoir tourné, grâce à l’élan suscité par les avancées de l’automne chez les « Big 3 », où l’UAW a obtenu une augmentation moyenne du salaire de 25 % sur quatre ans.

L’aura de son nouveau président, Shawn Fain, élu en mars 2023, joue dans ce regain de mobilisation. Cet électricien de formation a triomphé à l’issue du premier scrutin ouvert à tous les membres.

Il incarne le renouvellement, en rupture avec la vieille garde, décimée par un scandale de corruption et de détournement de fonds qui a impliqué deux anciens présidents.

« C’est le bon moment », veut croire Isaac Meadows, joint au téléphone par l’AFP. « Les salaires ne suivent pas l’inflation. Les gens réalisent qu’en tant que force de travail, nous avons beaucoup de pouvoir. »

« Manœuvres d’intimidation »

Après les accords des « Big 3 », l’UAW a voulu surfer sur la vague et lancé une campagne de sensibilisation chez 13 constructeurs, qui emploient environ 150 000 personnes au total, y compris des plus petits acteurs américains comme Tesla ou Lucid.

Outre Volkswagen, l’UAW a déposé une demande pour la tenue d’un scrutin sur le site Mercedes-Benz à Vance, dans l’Alabama, qui compte 6100 salariés, mais le Bureau d’application du droit du Travail (NLRB) n’a pas encore fixé de date.

Le Sud est une terre à conquérir pour l’UAW, qui fait face au rejet du gouverneur du Tennessee, Bill Lee, auteur d’une lettre ouverte visant le syndicat, co-signée par cinq autres gouverneurs de la région, tous républicains.

Ils accusent le syndicat de « désinformation » et d’user de « manœuvres d’intimidation ».

« Aux États-Unis, nous respectons nos travailleurs et nous n’avons pas besoin qu’un organisme extérieur nous dise comment porter un carton ou toucher à un interrupteur », font valoir les élus.

Ils avertissent que l’arrivée de l’UAW chez un constructeur étranger mettrait en péril l’avenir du site, sans argumenter.

Avant ce scrutin, Volkswagen s’est engagé à adopter une position de neutralité, ce qui revient à ne pas s’opposer à la constitution d’un syndicat.

« Nous respectons le droit de nos employés à se déterminer sur la question de la représentation syndicale », a indiqué le constructeur allemand sur son site.

Dans un entretien au site Automotive News, publié mercredi, Shawn Fain a néanmoins accusé la firme allemande d’« enfreindre la loi » et de « menacer » des employés dans le Tennessee, mais s’est dit confiant sur l’issue du scrutin.

« Une fois que le premier domino va tomber, il va y en avoir beaucoup d’autres », a-t-il avancé, au sujet de l’effet que pourrait avoir sur d’autres sites un succès chez Volkswagen.

L’UAW a changé d’approche avant le scrutin, s’en remettant davantage aux organisateurs locaux plutôt que de prendre les rênes, souligne Stephen Silvia, professeur à l’American University et auteur d’un livre sur le syndicat automobile dans le Sud.

Pour lui, Chattanooga est « la meilleure opportunité que l’UAW aie jamais eu de syndiquer un site dans le Sud ».