Le premier trimestre de l’année semble déjà riche en transformations organisationnelles. Les restructurations se multiplient, tout comme les faillites et les mises à pied. Il s’agit d’une conséquence sans surprise pour une économie canadienne souffrant d’un manque de productivité qu’on aura camouflé un certain temps à coups d’interventions gouvernementales et d’importation d’une main-d’œuvre bon marché.

Pour les cadres supérieurs affectés à la tâche de restructurer leur équipe avec comme défi bien connu « de faire plus avec moins », on s’oblige à réviser le plan d’impératifs stratégiques et consubstantiellement la répartition des ressources, la gestion des talents. En amont, il s’agit également d’effectuer un diagnostic large, tenant compte des facteurs externes et internes. Considérer les effets, positifs comme négatifs, des bouleversements macroéconomiques sur l’organisation.

La montée de l’intelligence artificielle, les pressions géopolitiques, la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée dans le secteur et les avancées du travail hybride sont quelques-uns des enjeux qui surplombent l’entreprise et ses propres défis internes. C’est dans ce contexte incertain, certains diraient brumeux, que des décisions doivent être prises pour moderniser la structure organisationnelle.

Évoluant sous pression, le gestionnaire ayant pour mandat de procéder à des changements pourrait tomber dans le piège du rapiéçage, de la tentation de limiter les changements vers un monde meilleur. Paradoxalement, cette prudence est souvent risquée. Le progrès découlant d’un raccommodage est souvent minime, voire invisible, outre l’atteinte des objectifs de réduction de headcounts sur le papier.

Ainsi, des employés partent, mais les problèmes criants demeurent : décalage entre talents disponibles et nouvelles compétences requises, ambiance de travail déficiente, pressions démesurées sur des employés surchargés, etc. La clientèle n’y verra rien, sinon une preuve d’inertie. Pire, ce type de restructuration à la va-vite est souvent caractérisé par une réduction disproportionnée d’effectifs servant la clientèle, manœuvre symptomatique d’organisations se repliant sur elles-mêmes et priorisant l’urgence d’agir au besoin d’une bonne réflexion.

Les gestionnaires motivés et appuyés par la haute direction prendront un autre chemin. On considérera l’ensemble des facteurs, on consultera des experts et parfois même des clients ou des fournisseurs, reconnaissant le besoin d’air frais pour alimenter la réflexion. En conclusion de cet exercice, on identifiera les « bonnes chaises » ainsi que le profil idéal de celui qui l’occupera. Il est évidemment souhaitable que chaque employé soit replacé ou maintenu dans l’organigramme, mais c’est rarement possible. La conséquence est alors contrastée : des employés de la firme devront se trouver un emploi ailleurs au moment même où celle-ci affichera des postes disponibles.

Est-il souhaitable qu’on subtilise des salariés et cadres d’un concurrent pour pallier ses manques ? J’ai récemment entendu un cadre supérieur jurer qu’il n’irait jamais solliciter un employé d’un concurrent pour ne pas nuire au secteur. Il est possible que cette prise de position vertueuse soit bien reçue dans un 5 à 7 de collègues de l’industrie, mais elle risque de desservir son employeur dans un contexte de concurrence.

Quelles sont les options des employés face à un bouleversement organisationnel ? Il est souhaitable qu’on saute sur l’occasion pour lancer une discussion privée avec son gestionnaire sur son plan de carrière. Le premier trimestre est généralement un moment choisi pour faire le bilan de l’année précédente et planifier les prochaines. Pour plusieurs employés commerciaux et cadres, cette période coïncide aussi avec la distribution très attendue des bonis annuels de performance. Une belle occasion pour l’employé de clarifier son statut, son niveau d’appréciation et son avenir au sein de l’organisation. Ou une occasion d’aller offrir ses services ailleurs.