Des restaurateurs de Québec souhaitent figurer dans le fameux guide Michelin. Une parution dans ce répertoire est-elle seulement un coup de marketing ou entraîne-t-elle réellement des retombées économiques ?

Après Vancouver et Toronto, le prestigieux guide Michelin débarquera-t-il à Québec ? Près d’une quinzaine de restaurateurs de la capitale nationale, qui caressent le rêve de compter parmi le club sélect des étoilés, ont écrit en novembre au maire de Québec, Bruno Marchand, afin qu’il pousse « la candidature » de sa ville auprès de la prestigieuse publication.

Le dossier est maintenant entre les mains de Destination Québec Cité. L’Office de tourisme discute avec plusieurs restaurateurs afin de sonder l’intérêt de l’industrie en dehors des frontières de la ville, un peu partout au Québec. Il a été impossible de parler à un représentant du guide Michelin.

« Joyau incontesté sur l’échiquier mondial pour la chaleur de ses habitants et le tourisme gourmand et gourmet, Québec bénéficierait incontestablement de la reconnaissance du guide Michelin afin d’ajouter à son rayonnement international », peut-on lire dans la lettre écrite par François-Emmanuel Nicol, chef du restaurant La Tanière et copropriétaire de Groupe La Tanière inc. « Le volet restauration au sein de la Ville de Québec voit depuis maintenant plusieurs années émerger une offre gastronomique diversifiée, du bistro de quartier au restaurant gastronomique. »

Jean-Luc Boulay (Le Saint-Amour), Joël Pelletier (La Planque) et Raphaël Vézina (Laurie Raphaël) comptent parmi les 14 signataires. Après avoir vu débarquer le guide Michelin à Vancouver et à Toronto, M. Nicol avait l’impression que la prochaine destination « logique » serait Montréal. Mais il ne voulait pas « que Québec passe à côté » d’une possible occasion. « Souvent, ils vont dans les grandes villes. Moi, je ne voulais pas que ça en reste là. Je pense que c’est un levier assez important pour l’industrie touristique. »

Il a donc décidé de signifier au maire Bruno Marchand, après avoir discuté avec plusieurs restaurateurs, son désir de voir le guide Michelin s’intéresser aux établissements de la capitale de la province. « Il faut vraiment qu’il y ait une volonté de la Ville pour que le Guide vienne », mentionne le chef, pour expliquer pourquoi il s’était adressé à la mairie. Normalement, les critiques du guide Michelin ne décident pas d’eux-mêmes de jeter leur dévolu sur une destination. Ils viennent s’ils sont sollicités par des villes ou des associations qui doivent payer pour leur venue.

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François-Emmanuel Nicol, chef du restaurant La Tanière et copropriétaire de Groupe La Tanière inc.

« Il y a des gens qui me disent qu’ils ont entendu parler du restaurant et qui sont venus à Québec juste pour manger avec nous, raconte M. Nicol. Il y en a, des touristes foodies, plus qu’on pense. Ce sont des gens qui aiment bien vivre et qui n’ont pas peur [de dépenser] dans les villes où ils passent. »

Selon lui, des restaurateurs montréalais auraient également manifesté de l’intérêt pour le guide. Il n’existe toutefois pas de consensus pour le moment.

Destination Québec Cité confirme que « certains restaurateurs […] ont démontré de l’intérêt envers le guide Michelin ». « De notre côté, nous poursuivons les discussions avec les restaurateurs et la Table ronde afin de voir l’intérêt de l’industrie, de façon régionale, mais également provinciale », a répondu par courriel Jessie Deschamps, conseillère en relations publiques pour Destination Québec Cité. « Nous n’en sommes donc qu’à l’étape de réfléchir collectivement au projet. Il est donc encore trop tôt pour pouvoir nous prononcer sur la suite des choses. »

Ainsi, des restaurateurs de Montréal ou d’ailleurs au Québec pourraient également souhaiter recevoir la « visite » du guide Michelin.

Patrick St-Vincent, directeur du développement et des relations avec les membres de la Table ronde, qui représente 160 établissements gastronomiques, a du mal à prendre position. Plusieurs questions demeurent en suspens. Quels sont les coûts reliés à l’arrivée de critiques du guide Michelin ici ? Dans quelle mesure une présence dans cette publication engendre-t-elle des retombées économiques importantes ? « Qu’est-ce que ça a comme impacts ? se demande M. St-Vincent. C’est ça que tout le monde veut savoir et c’est cette information-là qui est plutôt obscure. »

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Patrick St-Vincent, directeur du développement et des relations avec les membres de la Table ronde

« Est-ce qu’on se prive d’une clientèle internationale ? J’ai lu des articles qui disaient oui, alors que d’autres disaient non. Il faut voir s’il y a une possibilité de consensus avec l’information qu’on aura, mais qu’on n’a pas encore. »

La pression des étoiles

Signataire de la lettre, Stéphane Modat, chef propriétaire du restaurant Le Clan, fait preuve d’un enthousiasme prudent. « En ce moment, c’est vrai qu’on est plus dans des classements de popularité de restaurants que dans des [palmarès] de qualité, reconnaît-il. Je trouve ça toujours génial que des gens s’intéressent au Québec. Le seul truc qui me dérangerait [si le guide Michelin venait], c’est cette espèce de pression qui est reliée à tout ça. »

« Je ne veux juste pas que ça m’amène à vouloir avoir la formule gagnante qui fait en sorte que tu perdes ou pas des étoiles, souligne-t-il. La liberté est tellement importante. Il ne faut pas que ça divise. Il faut que ça soit d’un accord commun et qu’on ait tous du fun là-dedans. »

Un coup de marketing

Les experts sont divisés. Pour Paul Arseneault, professeur spécialisé en tourisme du département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, le guide Michelin est clairement un deal commercial. Les villes doivent payer pour que les critiques viennent. Bien qu’il soit « ni pour ni contre », ce n’est pas la panacée, selon lui.

« Ce n’est pas ça qui va doubler l’achalandage des restaurants à Québec, croit-il. Ça ne va pas attirer des centaines de milliers de visiteurs. »

Expert en marketing spécialisé en tourisme, Frédéric Gonzalo voit plutôt l’initiative d’un bon œil. « Il n’y a pas beaucoup de négatif là-dedans. La restauration, c’est un produit d’appel extrêmement important.

« Le guide Michelin, c’est une appellation prestigieuse. C’est un label reconnu partout dans le monde. »

Qu’est-ce que le guide Michelin ?

Le guide Michelin est un répertoire d’adresses gastronomiques de partout à travers le monde. En plus des étoiles, il accorde des Bib gourmands attribués à des tables plus décontractées. En 2022, à la parution du premier guide consacré à Toronto, 13 établissements ont obtenu des étoiles.

Appel à tous

Quelle importance accordez-vous aux étoiles Michelin ? Visitez-vous des restaurants étoilés au cours de vos voyages ? Est-ce un outil important pour la promotion de notre gastronomie ?

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