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« Considérant qu’Airbus obtient de très bonnes ventes de l’A220, qu’en est-il de l’argent investi par le gouvernement du Québec dans ce projet ? » – Gérald Mercier

Les contribuables ont jusqu’à présent injecté 1,7 milliard dans cet avion conçu par Bombardier et qui est contrôlé par la multinationale européenne. Depuis 2020, année où l’avionneur est sorti du portrait en raison de ses déboires financiers, Airbus (75 %) et Québec (25 %) sont les deux actionnaires de l’A220.

Le placement de l’État québécois dans l’A220 valait 380 millions (300 millions US) en date du 31 mars dernier, explique le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. Cela correspond à la valeur du plus récent investissement effectué par le gouvernement Legault en février 2022 avec Airbus, qui avait remis 1,1 milliard.

Il faudra attendre la fin de la décennie avant de savoir si l’État québécois sera véritablement en mesure ou non de récupérer ses billes. La réponse à cette question repose essentiellement sur la capacité de l’avionneur à faire sortir l’A220 du rouge. Malgré une récolte de 142 commandes fermes en 2023 – un record – et quelque 600 appareils à livrer dans le carnet de commandes, ce programme perd toujours de l’argent.

Pour inverser cette tendance, les chaînes d’assemblage de Mirabel, dans les Laurentides, et de Mobile, en Alabama, doivent être en mesure de produire mensuellement 14 avions, soit 168 par année, affirme Airbus. La multinationale croit être en mesure d’atteindre cette vitesse de croisière en 2026. Cette cible est très ambitieuse. Pour l’atteindre, la cadence de production doit essentiellement doubler en deux ans.

« Ça sera très difficile », a expliqué l’analyste Richard Aboulafia, directeur général de la firme américaine AeroDynamics, en entrevue téléphonique avec La Presse le mois dernier, à l’occasion de la publication du bilan des commandes et livraisons d’Airbus. « La réalité, c’est qu’ils [Airbus] dépendent de leurs fournisseurs. »

Une date butoir en 2030

Le moment où l’A220 générera des profits est névralgique pour la suite des choses. Airbus doit racheter la participation du Québec dans ce programme en 2030. C’est à ce moment que l’on aura une réponse à nos questions. L’État québécois aura de meilleures chances de récupérer une partie de son investissement avec plusieurs années rentables. À l’inverse, plus les profits se font attendre, plus la somme obtenue au moment du rachat risque d’être amputée.

La pente à remonter reste abrupte. La valeur de l’investissement initial de 1,3 milliard (1 milliard US) annoncé par le gouvernement libéral de Philippe Couillard en 2015 était devenue « nulle » dans le rapport du Fonds du développement économique – le document qui fait le point sur les placements du gouvernement québécois. La valeur du placement de Québec dans l’A220 est réévaluée annuellement.

« Si la valeur réelle du placement, pour le gouvernement, tombe en dessous de son coût et que l’on prévoit que la dépréciation sera de longue durée, la valeur comptable de ce placement sera réduite pour tenir compte de cette moins-value durable », souligne le ministère de l’Économie.

Autrement dit, Québec ne peut faire autrement que de signaler toute variation négative de son investissement dans l’A220.