En cette période où les visites en magasin sont teintées par la hausse des prix, la taille de la boutique et la qualité du service peuvent grandement influencer l’appréciation de l’expérience magasinage, comme en témoigne l’étude Wow de Léger, dont les résultats sont révélés ce mardi

Voir grand n’est pas toujours la clé du succès lorsqu’il est question de magasinage. Au cours de la dernière année, ce sont davantage les détaillants de plus petite taille, se démarquant par leur service personnalisé, qui ont offert à leurs clients les meilleures expériences en magasin. Nespresso – en tête – et nombre d’enseignes québécoises telles que les boutiques Imaginaire, Claire France et Doyle ont marqué des points auprès des consommateurs.

« On aime les plus petites surfaces. Il y a très peu de grandes surfaces [qui se démarquent]. [Dans un petit magasin], on voit plus les employés. Quand on entre, quelqu’un nous dit bonjour, c’est moins froid », commentait en entrevue Hélène Crépin, vice-présidente consommation chez Léger, à propos de la 14édition de l’étude Wow 2024 sur l’expérience en magasin. La collecte de données de cette enquête annuelle s’est déroulée du 3 octobre 2023 au 10 novembre 2023.

Dans le palmarès des 15 détaillants ayant obtenu le meilleur Indice Wow, Nespresso, Yves Rocher et Chocolats Lindt occupent les trois premières positions. Les chaînes québécoises ont également su tirer leur épingle du jeu puisque les boutiques d’Imaginaire (jeux et bandes dessinées), de Claire France, de Doyle, de la SAQ, de Tite Frette, d’Animo etc, de Mondou et de Cool & Simple se classent parmi celles qui séduisent le plus les consommateurs en se démarquant par une expérience de magasinage agréable.

L’indice Wow est déterminé à partir de la « performance d’un détaillant sur 16 dimensions d’expérience client relatives aux produits, au prix, au service en magasin et à la personnalisation ».

Cette forte présence québécoise ne surprend pas Christian Bourque, vice-président exécutif de Léger. « C’est un peu logique, soutient-il. Quand on y pense, Starbucks, c’est loin d’être un succès au Québec, les gens préfèrent leur petit café. Peut-être qu’on est un peu chauvins en termes de commerce de détail. »

En plus d’un nombre de pieds carrés « plus limité », le service personnalisé et le sentiment d’appartenance qui émane des employés comptent parmi les critères ayant valu beaucoup de points aux détaillants qui ont le mieux performé.

« Un Astérix, que vous l’achetiez chez moi ou dans une autre librairie, il se termine de la même façon. Le mien est un peu plus agréable à acheter parce qu’il est entouré d’autres produits intéressants, les gens qui le vendent chez nous, ils tripent plus sur Astérix », illustrait Benoît Doyon, fondateur des boutiques de jeux Imaginaire, alors qu’il apprenait que ses magasins se retrouvaient au 5rang du palmarès Wow.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Benoît Doyon, fondateur des boutiques de jeux Imaginaire

« Vous ne pouvez pas savoir à quel point on travaille fort », ajoute-t-il.

L’homme à la tête de sept magasins – avec l’aide de ses enfants – se dit très préoccupé par les commentaires des clients qui mettent les pieds chez Imaginaire. « C’est maladif. Les avis Google, je vais les voir quatre fois par jour. »

Imaginaire compte parmi les nouveaux venus dans le palmarès. Et c’est la première fois que ce détaillant est évalué dans le cadre de l’étude Wow. « Ça ne fait pas ma journée, ça ne fait pas mon mois, ça fait mon année ! », a lancé spontanément M. Doyon.

De son côté, Claire France (6position), détaillant spécialisé dans les vêtements pour femmes de taille forte, fait partie du club des « habitués » du palmarès depuis quelques années. Le Groupe Marie Claire, qui dirige l’enseigne, se distingue également avec d’autres de ses marques comme Grenier (17rang) et Marie Claire (21rang). Dans la catégorie des vêtements pour femmes, ce sont les trois détaillants qui se démarquent le plus.

Le secret du succès ? « On a une clientèle qui est soudée à la boutique », souligne Sylvain Lafrance, président du Groupe Marie Claire, en faisant notamment référence à Claire France. « On a beaucoup de gérantes qui appellent les clientes par leur prénom. Il n’y a pas beaucoup de roulement de gérantes ou d’assistantes-gérantes dans nos magasins. »

La superficie des boutiques, plus petites que les grandes surfaces, contribue à rendre le service plus agréable, selon le modèle de l’entreprise familiale.

C’est sûr que la cliente, on la voit entrer. On peut ajuster notre service en conséquence.

Sylvain Lafrance, président du Groupe Marie Claire

Cette proximité avec les consommateurs a également joué en faveur de Chaussures Pop, détaillant québécois qui se classe 23e au palmarès. Dans sa catégorie, le plus proche concurrent, Rubino, arrive en 74position. En entrevue téléphonique, Manon Rivard, directrice des communications de Chaussures Pop, indiquait que la plupart des magasins étaient dirigés par des marchands-propriétaires qui connaissent leurs clients. Ils les croisent au magasin et ensuite à l’épicerie, donnait-elle en exemple pour illustrer cette proximité.

Donner du temps à Tanguay et à Scène+ ?

Par ailleurs, dans l’étude Wow, qui a analysé 228 détaillants au Québec, 36 sont en hausse par rapport à l’an dernier – ce qui veut dire qu’ils ont obtenu au moins trois points de plus –, 76 sont en baisse, 77 sont demeurés stables et 39 comptent parmi les nouveaux venus.

Le détaillant de meubles Tanguay fait partie de ceux qui ont perdu des plumes. La conversion en mai 2023 des 11 magasins Brault & Martineau en Tanguay ne lui a visiblement pas permis de se démarquer dans l’expérience magasinage. Il a enregistré une baisse de 10,4 points par rapport à l’année précédente. Par le passé, dans la catégorie meuble & déco, Tanguay se classait souvent premier, note Hélène Crépin. Or, pour 2023, il a cédé sa place à Germain Larivière.

« Avec le changement de nom de Brault & Martineau, ça a créé des attentes, croit Mme Crépin. Peut-être que les gens s’attendaient à un service ou à une ambiance de type Tanguay. Peut-être que ça n’a pas répondu aux attentes. » Reste à voir si le temps jouera en la faveur du détaillant.

Scène+, programme de fidélité qui a fait son entrée dans les épiceries IGA du Québec en mars 2023, aura peut-être lui aussi besoin de temps, selon les experts de Léger. Les clients de l’enseigne sortent leur carte de membre à la caisse dans une proportion de 54 % contre 79 % pour le programme Moi de Metro, en vigueur depuis juin.

« Chez IGA, on est vraiment en adhésion », souligne Mme Crépin, qui ajoute dans la foulée que Scène+ est relativement nouveau pour les consommateurs. Auparavant, ces derniers pouvaient utiliser Air Miles. Du côté de Metro, les utilisateurs de Metro & Moi semblent avoir migré plus naturellement vers Moi.

« Alors que Moi, chez Jean Coutu, est nouveau », ajoute Christian Bourque, expliquant ainsi pourquoi le taux d’utilisation dans les pharmacies du groupe demeure sous la barre des 50 %.

L’inflation

Mais au-delà des expériences positives, l’inflation a teinté les séances de magasinage, révèle également l’étude. Près de 45 % des consommateurs ont revu leurs habitudes d’achat en raison du contexte économique. La hausse des prix remporte la palme des irritants ayant des impacts négatifs sur le déroulement des visites en magasin. « J’ai l’impression que l’année qui vient, comme l’année passée, les gens vont attendre les promotions, mentionne Christian Bourque. On s’en tient à sa liste. C’est une indication que le prix a un impact. On part magasiner en se disant : ça va coûter cher. »

Quelques chiffres

45 %

Proportion des consommateurs qui ont modifié leurs habitudes d’achat en raison de la hausse des prix

14 %

Proportion des répondants, parmi ceux qui ont revu leurs habitudes, ayant décidé d’attendre que les produits soient en promotion avant de faire certains achats

32 %

Proportion des consommateurs qui ont vécu une expérience parfaite en magasin