Les deux retraitées vivent dans leur minuscule chalet tout en conservant un petit condo en ville, mis en location. Peuvent-elles financer l’agrandissement de leur milieu de vie ?

À l’origine, les deux femmes voulaient acquérir un chalet pour en faire la location.

« On voulait un deuxième revenu, relate Carole*. On a cherché longtemps. »

Mais Carole et Michèle* sont tombées sous le charme du petit lopin boisé et ont décidé de le garder pour elles.

Il y a six ans, elles ont vendu leur maison montréalaise et se sont installées en permanence dans leur chalet.

Le chalet, dont le prix de 260 000 $ avait été financé à même leur propriété montréalaise, s’est alors retrouvé libre d’hypothèque.

Pour conserver la sécurité d’un pied-à-terre en ville, elles avaient alors acheté un condo de quatre pièces, payé 399 000 $ et hypothéqué à hauteur de 172 000 $.

Il y a deux ans, elles ont entrepris un rajeunissement de la cuisine du chalet et d’indispensables travaux d’isolation, dont le coût de 40 000 $ s’est ajouté en marge de crédit.

Car nous parlons bien d’un chalet et non d’un manoir campagnard.

« Deux chambres très petites dont une contient les laveuse et sécheuse, décrit Carole. Une très petite salle de bains dont la porte se referme presque sur nos genoux. »

Des genoux qui se ressentent des effets de la soixantaine – elles sont toutes deux retraitées.

« On est rattrapées par toutes sortes de frais », dit-elle.

Par l’augmentation du prix du bois de chauffage et de la cotisation à l’association des résidants du lac, par exemple.

Les dépenses mensuelles du chalet s’élèvent à 715 $, déneigement compris. « Mais c’est sûr que l’épicerie n’est pas comprise là-dedans », signale Michèle.

Ni les dépenses de leur voiture datant de 2014. Et tout ce qui fait une vie.

« Cette année, on a décidé de louer le condo parce qu’on arrivait juste », précise Carole.

La location du condo et de son espace de stationnement leur rapporte 2275 $ par mois.

Avec le remboursement hypothécaire, l’impôt foncier, les charges de copropriété, l’électricité et l’assurance, il leur coûte environ 2400 $ par mois.

Pour donner plus de confort à leur milieu de vie, elles souhaitent agrandir leur chalet.

« On aimerait avoir une salle de bains dont la porte ne nous ferme pas sur les genoux. On aimerait peut-être avoir des chambres un peu plus grandes. »

Les plans et devis qu’elles ont fait dresser chiffrent les travaux entre 150 000 $ et 200 000 $

« Mais où prendre l’argent ? », demande Carole. « Est-ce que c’est la bonne solution de garder le condo à louer ? Est-ce qu’on pourrait profiter de la plus-value du condo pour le vendre et acheter plus petit, juste un pied-à-terre ? On ne sait pas trop. »

En raison de leur âge, elles préféreraient conserver une base montréalaise près des services.

Âgée de 67 ans, Carole touche des revenus d’environ 18 400 $ par année, essentiellement la RRQ et la PSV.

« J’ajoute 1000 $ mensuellement en puisant dans mon FERR, dit-elle. Je ne pourrai faire cela que quelques années. Il s’épuise rapidement et ma compagne n’en a pas. »

Parvenue à 65 ans, Michèle touche pour sa part une rente de retraite d’environ 60 000 $, plus les prestations de la RRQ et de la PSV.

Voient-elles trop grand pour leur chalet ?

LES CHIFFRES

Carole, 67 ans

Revenus

RREGOP : 1700 $ (annuel)

Retraite Québec : 138 $/mois

RRQ : 544 $/mois

PSV : 707 $/mois

Retrait du FERR : environ 1000 $/mois

Épargnes

Fonds de travailleur : 60 600 $

FERR : 43 750 $

Autres placements : 20 720 $

Michèle, 65 ans

Revenus

Rente de retraite : 3153 $/mois (net)

RRQ : 977 $/mois (brut)

PSV : 691 $/mois (brut)

Épargnes

REER : environ 14 000 $

Chalet

Marge de crédit : 40 300 $

Condo

Solde hypothécaire : 170 200 $

LA RÉPONSE

Carole et Michèle ne sont pas dans une situation précaire, observe d’emblée le planificateur financier Émile Khayat, directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Émile Khayat, directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD

Il s’agit juste de s’assurer que la valeur de ce qu’elles détiennent puisse être mise au service de leurs souhaits.

Émile Khayat, directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD

Leur situation budgétaire s’est stabilisée depuis qu’elles louent leur condo montréalais.

« Mais d’un autre côté, ça vient un peu à l’encontre de leur idée d’avoir un pied-à-terre à Montréal : elles ne peuvent pas y habiter », souligne-t-il.

De surcroît, même en le louant, le condo est déficitaire.

« Si nous ne changeons rien, elles vont pouvoir vivoter, comme on dit, jusqu’à la fin de leur espérance de vie, constate le planificateur. Mais il va y avoir un déficit chaque année à partir de la 8e année. »

Dans ces conditions, elles ne pourraient pas entreprendre les rénovations envisagées, « ce qui dans le fond est leur premier souhait ».

Et parce que leur condo est loué, elles ne concrétisent pas leur second souhait d’un pied-à-terre montréalais.

Par ailleurs, il faudra éventuellement qu’elles remplacent leur voiture vieille de 10 ans, avant qu’elle ne coûte trop cher en réparations. Ou qu’elle les laisse en plan dans un tortueux chemin de campagne.

Notre conseiller prévoit à ce sujet l’acquisition d’un véhicule de 25 000 $ dans un horizon de deux ans, « ce qui rajoute de la pression de plus pour les dépenses ».

En outre, il constate que la dette actuelle de 40 300 $ pour les travaux déjà engagés n’est pas remboursée. La mensualité de 254 $ ne sert qu’à payer les intérêts.

Pour ajouter encore aux embûches, elles devront sans doute renouveler sous peu le prêt hypothécaire du condo, à un taux vraisemblablement beaucoup plus élevé que leur taux actuel.

Conclusion :

Il faut absolument changer quelque chose, même si tout semble flotter pour l’instant.

Émile Khayat, directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD

Il est vrai qu’elles détiennent d’intéressants actifs dans leurs deux propriétés.

« Mais ce n’est pas de l’argent liquide qu’elles ont à disposition pour faire ce qu’elles veulent », dit-il.

Comment liquéfier ce roc financier ?

Vendre le condo

La première solution consisterait à contracter un emprunt garanti par la valeur nette d’une des deux propriétés. Mais qui dit emprunt dit dette et frais d’intérêt.

« L’autre option, qui est la meilleure, c’est de vendre le condo à Montréal. »

De toute manière, « c’est un actif qui n’est ni utilisable ni rentable ».

Une fois soustraits le solde hypothécaire de 170 000 $ et la commission d’un courtier immobilier, la valeur marchande estimée à 470 000 $ leur laisserait encore un bénéfice d’un peu plus de 275 000 $.

La propriété n’ayant jamais constitué leur résidence principale, la moitié du gain en capital de 70 000 $ sera toutefois imposable. Les deux femmes pourront l’éponger en faisant chacune une cotisation d’environ 13 000 $ à leurs REER.

La somme résultante sera encore suffisante pour payer en très large partie les rénovations envisagées, rembourser la marge de crédit de 40 000 $ et acheter comptant un véhicule de 30 000 $.

« Et ça leur évite en même temps d’avoir à renouveler l’hypothèque du condo dans un an à un taux deux fois plus élevé. »

Un léger déficit budgétaire s’installe dans la septième année, ce qui oblige les deux conjointes à puiser dès lors dans leurs épargnes de retraite (c’est d’ailleurs leur usage), mais elles atteignent 96 ans avec encore des actifs confortables.

Un nouveau chalet

Mais est-ce la solution optimale ?

C’est ici que la deuxième avenue rencontre une fourche.

Le planificateur suggère plutôt de vendre également le chalet et d’acquérir une nouvelle propriété de campagne déjà pourvue des dimensions et des aménagements désirés.

Compte tenu des coûts de rénovation, « ça coûterait fort probablement moins cher », observe-t-il.

En ajoutant 125 000 $ tirés de la vente du condo aux 475 000 $ du chalet actuel, elles pourraient acquérir une propriété de 600 000 $, « peut-être pas nécessairement sur le même lac, mais qui pourrait avoir quand même un voisinage tout aussi agréable ».

Elles s’éviteraient ainsi les désagréments et le stress d’une rénovation d’envergure.

Dans ce scénario, c’est dans la 13e année qu’apparaît le déficit budgétaire, ce qui les amène à 96 ans avec des actifs légèrement supérieurs au scénario précédent.

Et le pied-à-terre ?

Cependant, cette solution ne répond pas à leur souhait d’un pied-à-terre à Montréal.

« Ma suggestion est de louer au besoin, tout simplement », formule Émile Khayat.

« Advenant le cas où elles ont réellement besoin d’habiter à Montréal pour des questions de santé ou autres, elles pourraient décider de se louer quelque chose de très raisonnable, autour de 1200 $ à 1500 $. »

Rien ne les obligerait à le louer à long terme si les besoins sont temporaires. Et s’ils sont permanents, elles pourront alors vendre leur chalet et revenir acquérir un nouveau nid à Montréal. Il intègre cette dépense dans les deux scénarios.

Le scénario de l’achat d’un nouveau chalet demeure financièrement plus avantageux (et sans doute moins stressant) que celui de la rénovation du chalet actuel. Mais puisque les deux avenues amènent sans encombre les deux femmes à la fin de leurs vies, elles pourront laisser parler leur cœur.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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