Avec la hausse du prix des aliments, les consommateurs font des choix à l’épicerie et laissent parfois sur la tablette le sirop d’érable, emblème suprême de notre patrimoine alimentaire. Les ventes de sirop, particulièrement à l’étranger, sont en baisse, et certains consommateurs se tourneraient vers des solutions de rechange artificielles, moins chères.

« C’est très difficile en ce moment. Les ventes à l’exportation sont en recul de 15 % en volume », confirme Jean-Marc Lavoie, directeur général du Conseil de l’industrie de l’érable.

« Et nous, on fait beaucoup nos affaires à l’extérieur du marché québécois », poursuit-il.

Quand on pense sirop d’érable, on a souvent en tête la traditionnelle boîte de conserve, achetée à la cabane ou de quelqu’un de la parenté. Or, l’industrie du sirop au Québec passe par la transformation et l’exportation : le sirop québécois est exporté dans 72 pays, principalement aux États-Unis qui avalent 64 % de ce sirop.

L’inflation alimentaire frappe la planète et explique la baisse des exportations. D’autant que les marchés extérieurs n’ont pas de lien aussi fort avec le sirop d’érable, explique Jean-Marc Lavoie.

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La traditionnelle boîte de conserve de sirop d’érable

Et les tablettes des supermarchés, ici comme ailleurs, ne sont pas élastiques, ajoute-t-il. Si le sirop d’érable se vend moins, les marchands vont le remplacer par un substitut moins cher.

« Il ne faut pas lâcher la bagarre », avoue Jean-Marc Lavoie, qui constate, à regret, que les ventes de sirop de table – que l’on appelle souvent sirop de poteau – sont en « moins forte décroissance » que le sirop d’érable, exclusivement pour des raisons budgétaires.

La substitution se voit à l’épicerie, mais aussi chez les transformateurs alimentaires qui doivent eux aussi réduire leurs coûts de production.

Le sirop d’érable est un produit de luxe. Les gens achètent du sirop d’érable quand ils ont les moyens de le faire, peu importe le prix. Un peu comme le vin ou l’huile d’olive.

Jean-Marc Lavoie, directeur général du Conseil de l’industrie de l’érable

Après deux bonds impressionnants dans les exportations en 2020 (+ 20 %) et 2021 (+ 21 %), il y a eu un léger recul l’année dernière qui devrait être accentué cette année, explique le regroupement des Producteurs et productrices acéricoles du Québec, qui note une baisse de 12,4 % des exportations de juillet 2022 à juillet 2023.

Pour garder leur marché, certains producteurs proposent de nouveaux formats, plus petits.

Les producteurs et les transformateurs misent aussi sur la promotion pour rappeler aux consommateurs, tant au Québec qu’à l’extérieur, qu’il n’y a pas de substitut qui tienne devant leur sirop d’érable.

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Il y aura au total 60 millions d’entailles d’ici au printemps 2026.

Une très mauvaise année

En acériculture, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Si l’année dernière avait été faste en sirop, les érables québécois ont été moins généreux en 2023, avec une très petite récolte : 124 millions de livres de sirop – il y en avait eu 211 millions l’année précédente.

Les amoureux de l’érable peuvent être rassurés, il n’y aura pas de pénurie sur les tablettes, car les industriels avaient fait des réserves.

Au Québec, le commerce du sirop est encadré par des ententes entre l’association des producteurs et les acheteurs industriels.

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Durant la pandémie, les gens cuisinaient plus qu’à leur habitude, en incorporant parfois du sirop d’érable à leurs recettes.

Selon le porte-parole des Producteurs et productrices acéricoles du Québec, Joël Vaudeville, ce ralentissement de la consommation de sirop d’érable pouvait en partie être prévu, car les ventes avaient beaucoup augmenté au début de la pandémie.

Les gens cuisinaient plus qu’à leur habitude et leur budget popote était plus grand. Les producteurs estiment qu’il y a alors eu une hausse de 20 %.

La forte demande s’est maintenue, jusqu’à l’année dernière où les cuisiniers et cuisinières se sont retrouvés avec moins temps et moins d’argent.

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Après cette année 2023 très moyenne pour ce qui est du rendement, les acériculteurs auront le droit d’ajouter 7 millions d’entailles supplémentaires dans les érablières du Québec.

Moins de sirop, plus d’entailles

Après cette année 2023 très moyenne pour ce qui est du rendement, les acériculteurs auront le droit d’ajouter 7 millions d’entailles supplémentaires dans les érablières du Québec. Il y aura au total 60 millions d’entailles d’ici au printemps 2026.

Le but de cette hausse de production espérée est de renflouer la réserve de sirop, qui est à son plus bas.

Le Québec possède une réserve « stratégique » de sirop qui permet de couvrir les mauvaises saisons et d’assurer un approvisionnement régulier.

Ces trois immenses entrepôts qui se trouvent au cœur du pays de l’érable – à Laurierville, Plessisville et Saint-Antoine-de-Tilly – peuvent contenir 133 millions de litres de sirop, mais il n’y en a que 15 millions actuellement.

« À ceux-ci s’ajoutent les stocks des acheteurs qui sont autour de 60 millions. Il ne manquera donc pas de sirop d’érable malgré la petite récolte de 2023 », explique Joël Vaudeville, dans un courriel.

Bonne nouvelle pour les Fêtes, une période très importante pour le sirop. Les marchés de Noël offrent du vrai sirop d’érable, rappelle Jean-Marc Lavoie, et les gens en servent aussi avec leurs brunchs.

En savoir plus
  • Plus de 13 000
    Il y a 13 300 producteurs de sirop d’érable au Québec
    Source : Producteurs et productrices acéricoles du Québec
    Trois quarts de la production
    Le Québec produit 74 % de tout le sirop d’érable du monde, et 92 % de la production canadienne.
    Source : Producteurs et productrices acéricoles du Québec
  • Presque 100 millions de livres
    Les États-Unis sont les premiers acheteurs de sirop québécois – la province en a exporté 98 millions de livres en 2022.
    Source : Producteurs et productrices acéricoles du Québec