(Ottawa) Le gouvernement fédéral et les provinces doivent ralentir le rythme de leurs dépenses au cours de la prochaine année s’ils veulent contribuer à la lutte contre l’inflation que mène tous azimuts la Banque du Canada, avance le grand patron de cette institution, le gouverneur Tiff Macklem.

Le taux de croissance des dépenses combinées d’Ottawa et des provinces pour les 12 prochains mois devrait atteindre les 2,5 %, ce qui est de nature à alimenter l’inflation parce qu’il s’agit d’un niveau supérieur au potentiel de l’économie canadienne. Selon les calculs de la Banque du Canada, la croissance des dépenses des gouvernements ne devrait pas dépasser les 2 % pour avoir un effet neutre.

Une telle conjoncture risque de compliquer la tâche de la Banque du Canada, qui a déjà dû augmenter le taux directeur à 10 reprises au cours des 18 derniers mois afin de mater l’inflation, a avancé M. Macklem. D’autant plus qu’il est encore trop tôt pour crier victoire et décréter que la hausse des prix à la consommation est revenue dans la cible de 2 % de la Banque du Canada, a-t-il affirmé.

Témoignant devant le puissant comité des finances de la Chambre des communes moins d’une semaine après avoir annoncé le maintien du taux directeur à 5 %, M. Macklem a reconnu que la Banque du Canada, qui est responsable de la politique monétaire, et les gouvernements, qui proposent les plans budgétaires, « ne rament pas dans la même direction ».

« On regarde les plans des gouvernements provinciaux et du fédéral et on estime que le taux de croissance des dépenses budgétaires sera environ 2,5 %, et cela est au-delà de notre prévision pour le potentiel de l’économie. Si tous ces plans sont réalisés, il y a un risque que les dépenses budgétaires croissent plus que l’offre, et cela ne va pas aider à réduire l’inflation », a averti M. Macklem.

M. Macklem a lancé cet avertissement tandis que la ministre des Finances, Chrystia Freeland, se prépare à faire une mise à jour économique et financière en novembre. Mme Freeland et d’autres ministres fédéraux ont déjà télégraphié l’intention du gouvernement Trudeau d’augmenter les dépenses afin de s’attaquer notamment à la crise du logement et la hausse du coût de la vie.

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, doit pour sa part présenter une mise à jour économique le 7 novembre. Le gouvernement Legault a aussi fait savoir qu’il comptait annoncer des investissements importants pour accélérer la construction de nouveaux logements.

Selon le gouverneur Tiff Macklem, un niveau de dépenses combinées qui est de 0,5 % supérieur au potentiel de l’économie n’est pas catastrophique, « mais c’est un risque ». « Surtout si les gouvernements ajoutent plus de dépenses, certainement que ça peut créer des problèmes pour réduire l’inflation », a-t-il exposé.

Il a aussi tenu à souligner que les dépenses des gouvernements dans divers domaines n’ont pas le même effet sur le taux d’inflation. À titre d’exemple, une aide financière directe à tous les ménages alimente rapidement l’inflation. Mais des investissements à long terme dans le logement peuvent contribuer à augmenter l’offre et réduire les pressions inflationnistes dans le secteur de l’habitation.

Avant de répondre aux questions, M. Macklem, a fait un survol des progrès dans la lutte contre l’inflation au cours des derniers mois et des obstacles qui se pointent à l’horizon.

Dans sa présentation, il a souligné que la hausse des taux d’intérêt rapide et sans précédent décrétée par la Banque du Canada a eu pour effet de ralentir la croissance de l’économie canadienne. Un faible taux de croissance est d’ailleurs prévu pour « quelques trimestres ».

« Il est maintenant plus clair que les taux d’intérêt plus élevés modèrent les dépenses et les pressions sur les prix. La croissance économique est entrée dans une phase plus lente. Elle tourne autour de 1 % en moyenne depuis un an. On prévoit qu’elle va rester en dessous de 1 % jusque vers la fin de 2024 », a-t-il indiqué.

Il a affirmé que l’inflation devrait graduellement retourner à la cible de 2 % en 2025, mais les prix plus élevés de l’énergie pourraient ralentir ces progrès, a-t-il averti.

Résultat : les consommateurs ne doivent pas s’attendre à une baisse du taux directeur pour encore un certain temps. De fait, M. Macklem a réitéré qu’il n’excluait pas une nouvelle hausse si les pressions inflationnistes persistaient. « Les tensions mondiales croissantes, en particulier la guerre en Israël et à Gaza, ont accru le risque que les prix de l’énergie augmentent et que les chaînes d’approvisionnement soient à nouveau perturbées, ce qui entraînerait une hausse de l’inflation dans le monde entier », a-t-il dit.