La Banque du Canada rencontre de la résistance dans sa lutte contre l’inflation, a admis mercredi son gouverneur, Tiff Macklem. Parmi ces vents contraires, il y a l’augmentation des dépenses des gouvernements, laquelle, au-delà d’un certain niveau, retarde le retour à la cible de 2 %, a-t-il dit.

« Quand l’augmentation des dépenses des gouvernements tourne autour de la cible de 2 %, comme c’était le cas l’an dernier, ça n’alimente pas l’inflation. Mais si elle s’élève à 2,5 %, comme ce qui est prévu actuellement, si ça se réalise, ça n’aidera pas », a affirmé le gouverneur lors de la conférence de presse qui a suivi l’annonce du taux directeur.

La Banque du Canada n’a aucune influence sur les politiques fiscales des gouvernements, elle se contente de les prendre en considération, a précisé Tiff Macklem.

La banque centrale a maintenu mercredi son taux directeur à 5 %, mais a prévenu que d’autres hausses pourraient être nécessaires pour ramener l’inflation à la cible de 2 %. En attendant, l’inflation restera plus élevée pendant plus longtemps que ce que la banque prévoyait en juillet.

En plus des hausses de dépenses des gouvernements, la banque centrale se préoccupe au plus haut point de la croissance élevée des salaires et de la facilité avec laquelle les entreprises continuent d’augmenter leurs prix.

Les risques inflationnistes augmentent aussi en raison du conflit armé qui vient d’éclater en Israël, lequel pourrait faire augmenter le prix du pétrole, a fait savoir le gouverneur.

« Nous avons laissé le taux directeur au même niveau parce que la politique monétaire est en train de ralentir l’économie et d’alléger les pressions sur les prix, et parce que nous voulons lui laisser le temps de faire son travail », a-t-il dit.

Plus élevée, plus longtemps

Après 10 hausses du taux directeur, le taux d’inflation est encore presque deux fois plus élevé que la cible de la Banque du Canada. Même si l’économie a ralenti, les pressions sur les prix sont encore fortes et la banque centrale ne prévoit pas de retour à la cible de 2 % avant 2025. Et ce n’est pas une certitude : les prix de l’énergie et la persistance de la forte inflation sous-jacente pourraient freiner le progrès, prévient-elle.

L’inflation devrait rester élevée, soit autour de 3,5 %, jusqu’au milieu de 2024, avant de poursuivre sa descente ver les 2 % en 2025, prévoit maintenant la banque.

Pas de baisse de taux à l’horizon

La Banque du Canada estime qu’il est beaucoup trop tôt pour envisager une baisse des taux d’intérêt. « Ce n’est pas le moment de discuter de baisse des taux », a dit Tiff Macklem. Il faudra observer des signes très clairs que l’inflation descend vers la cible de 2 % avant de penser à réduire les taux, a-t-il précisé.

Ce n’est pas le cas actuellement. Le taux d’inflation mesuré par l’IPC a baissé à 3,8 %, mais les mesures de l’inflation fondamentale que surveille surtout la Banque du Canada restent stationnées entre 3,5 % et 4 %.

Récession ou atterrissage en douceur

Dans son Rapport sur la politique monétaire publié en même temps que l’annonce du taux directeur, la banque centrale revoit à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie canadienne pour 2023. Le produit intérieur brut ne devrait pas dépasser 1 % jusqu’à la fin de 2024.

Il pourrait y avoir deux ou trois trimestres négatifs, mais pas ce qu’on peut appeler une récession, a expliqué Tiff Macklem. Selon lui, une récession s’accompagne d’une hausse importante du chômage, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le taux de chômage, à 5,5 %, n’est pas très loin de son creux historique, a-t-il souligné.

Le gouverneur ne s’est pas avancé non plus sur les probabilités d’un atterrissage en douceur de l’économie canadienne, qui impliquerait de vaincre l’inflation sans précipiter l’économie dans une récession. « Le passage vers un atterrissage en douceur est toujours étroit et il devient encore plus étroit », s’est-il contenté de dire.

La fin des hausses

Même si la Banque du Canada dit clairement qu’elle n’hésitera pas à augmenter encore les taux si nécessaire, la plupart des économistes estiment que c’est la fin des hausses de taux. « Nous ne prévoyons pas de hausses additionnelles », a commenté Claire Fan, économiste de la Banque Royale, qui croit toutefois que le taux directeur restera à son niveau actuel encore longtemps.

« La révision à la baisse des prévisions de croissance du PIB réel nous convainc encore plus que les hausses de taux sont terminées », analyse lui aussi Randall Bartlett, directeur principal, économie canadienne, chez Desjardins. Il souligne que l’impact des hausses ne se fait pas encore pleinement sentir dans l’économie, parce que plus de la moitié des détenteurs d’hypothèque n’ont pas encore renégocié leurs prêts aux taux actuels plus élevés.

Sébastien Lavoie, économiste de la Banque Laurentienne, prévoyait que la Banque du Canada pourrait commencer à réduire son taux directeur au début de 2024. Il pense maintenant qu’il faudra attendre plus longtemps pour une première baisse, soit plutôt à la fin de 2024.