Il sera bientôt impossible de sécher ses larmes ou de moucher un petit nez enrhumé avec des mouchoirs de marque Kleenex. L’entreprise américaine Kimberly-Clark a annoncé la fin de ses activités de « papier mouchoir » au Canada dès ce mois-ci. Il y aura moins de concurrence sur le marché, mais « le Québec va pouvoir continuer à se moucher », assurent les détaillants, qui ne voient pas poindre de pénurie à l’horizon.

« Merci beaucoup pour votre fidélité à nos mouchoirs de marque Kleenex au cours des dernières décennies. Nous apprécions que vous nous permettiez d’entrer dans vos foyers et souhaitons que vous sachiez à quel point il nous a été difficile de mettre fin à nos ventes au Canada », peut-on lire sur le site de l’entreprise.

Pour justifier sa décision, Kimberly-Clark a invoqué des « complexités uniques ». « Nous opérons dans un environnement d’approvisionnement très [contraignant] et, malgré tous nos efforts, nous avons été confrontés à des complexités uniques dans le secteur des Kleenex », a déclaré Todd Fisher, vice-président et directeur général canadien de Kimberly-Clark, dans un communiqué envoyé par courriel à CBC. « Cette décision nous permettra de réorienter nos ressources pour mieux nous concentrer sur d’autres marques au Canada et répondre aux besoins de nos consommateurs avec une innovation et une valeur continues. »

Déjà, dans nombre de succursales des supermarchés Metro, Super C ainsi que dans les pharmacies Jean Coutu et Brunet, les boîtes de papiers-mouchoirs Kleenex commencent à se faire rares, confirme la porte-parole de Metro, Geneviève Grégoire.

La marque, qui est devenue le nom usuel pour désigner le papier-mouchoir, au même titre que Frigidaire pour « réfrigérateur », ne disparaîtra toutefois pas complètement des rayonnages puisque les « produits professionnels pour le visage » et les « produits d’essuie-mains grand public » signés Kleenex seront toujours offerts. Les autres marques de Kimberly-Clark comme Cottonelle, U by Kotex, Poise, Depend, Huggies, Pull-Ups et Goodnites continueront également d’être vendues au pays.

Marques privées et pénurie

La nouvelle, qui a grandement circulé vendredi, n’a pas surpris les détaillants, déjà au courant de la décision de l’entreprise depuis quelques semaines.

Il a toutefois été impossible de connaître les raisons précises motivant Kimberly-Clark à cesser de les fournir en boîtes de papiers-mouchoirs. L’entreprise n’a pas répondu à nos questions.

« Avant toute chose, il est certain qu’un manufacturier évaluera sa capacité à générer plus de ventes et de profits avant de se retirer d’un marché, rappelle Pascal Leduc, président de Leduc Stratégie et conseil en gestion commerciale. Du point de vue marketing, on cherchera alors la façon de différencier ses produits, surtout face à la marque privée. Si un fabricant conclut qu’il ne peut produire une offre différenciée à bon coût et à valeur ajoutée, il peut choisir de ne pas investir de ressources derrière sa marque ou de la retirer du marché. »

Les marques privées des enseignes étaient-elles devenues difficiles à concurrencer ? « Il est toujours déplorable de voir une marque aussi emblématique disparaître des tablettes, mentionne Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives et communication, de Loblaw (Maxi, Provigo, Pharmaprix). Je ne peux commenter les raisons qui ont motivé cette décision. Par contre, s’il est vrai que nos produits de marques privées connaissent une popularité grandissante de par leur rapport qualité-prix, il serait inexact de prétendre qu’il s’agit de la principale cause. »

Chose certaine, avec l’automne à venir et la recrudescence des rhumes et autres infections causée par des virus, « le Québec va pouvoir continuer à se moucher », assure Geneviève Grégoire. Metro n’anticipe aucune pénurie de mouchoirs jetables. Même son de cloche du côté de Loblaw.

Pascal Leduc émet pour sa part un bémol. Il rappelle que la disparition d’une marque n’est pas à l’avantage des clients des magasins. « Du point de vue du consommateur, la diminution de la concurrence n’est jamais une bonne nouvelle, car elle peut être suivie d’une hausse de prix et de ruptures de stock des produits restants. »

Cette nouvelle rappelle l’annonce de la disparition de la célèbre pizza surgelée Delissio ainsi que des produits Stouffer’s, Lean Cuisine et Life Cuisine. En février, Nestlé Canada avait décidé de ne plus garnir les congélateurs des épiceries du pays avec ces produits. Il en va de même pour le fromage à la crème de marque Liberté.