Après avoir orchestré durant plus de quatre ans la restructuration de SNC-Lavalin, en sortant notamment l’entreprise du secteur du pétrole et du gaz et en mettant fin à ses activités dans le domaine de la construction, le PDG Ian Edwards prépare maintenant un retour sur le marché des acquisitions afin de rehausser la présence du groupe aux États-Unis et d’aspirer à s’y hisser dans le top 5 des firmes d’ingénierie.

SNC-Lavalin a dévoilé des résultats financiers à l’avenant, la semaine dernière, en ayant enregistré des profits plus élevés qu’anticipé, ce qui a fait bondir son titre de 10 % à la Bourse et la valorisation de l’entreprise à plus de 7 milliards.

Après avoir atteint une valeur de 10 milliards en 2018, la capitalisation boursière de l’entreprise a chuté sous les 4 milliards en 2019, dans la foulée de ses démêlés judiciaires et de graves problèmes opérationnels.

« Depuis 2019, on a travaillé sur notre transformation, on a cessé nos activités dans la construction en mettant fin aux contrats clés en main à prix fixe et on est sorti du pétrole en vendant nos activités à Kentech », explique le PDG de SNC-Lavalin.

On cible maintenant les marchés en forte croissance que sont les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne dans les secteurs des infrastructures, du transport, de l’eau et du nucléaire.

Ian Edwards, PDG de SNC-Lavalin

Fait à souligner, SNC-Lavalin, qui avait payé 2,1 milliards en 2014 pour faire l’acquisition de Kentz et entrer de plain-pied dans le secteur du pétrole et du gaz, a bradé cette division pour 10 millions en 2021.

« Il fallait qu’on sorte de ce secteur, et on est très content d’en être sorti », relativise aujourd’hui Ian Edwards.

Le PDG souligne également que le groupe a terminé deux des trois projets qui lui restaient dans le domaine de la construction avec des contrats clés en main à prix fixe (CMPF), soit les trains légers de Toronto et d’Ottawa qui ont été complétés en 2022.

Au cours des deux derniers exercices financiers, SNC-Lavalin a dû absorber des dépassements de coûts dans ses projets CMPF qui ont entraîné une perte de 320 millions en 2021 et de 261 millions en 2022.

« C’est maintenant derrière nous. Il nous reste le REM à compléter, mais on n’a pas eu de dépassement de coûts majeurs à date. On prévoit la deuxième phase d’ici la fin de 2024 », précise Ian Edwards.

Quant aux difficultés qu’éprouve le nouveau train léger d’Ottawa, le PDG de SNC-Lavalin rappelle que l’enjeu touche la fiabilité des trains et que c’est son partenaire Alstom qui en est responsable.

« On concentre nos énergies dans les services d’ingénierie pure où il y a beaucoup de travail à faire avec les gouvernements qui doivent moderniser leurs infrastructures. Il y a des investissements massifs à venir aux États-Unis dans le domaine des énergies propres et au Canada où le nucléaire va permettre d’électrifier les transports », relève M. Edwards.

Un virage américain

SNC-Lavalin, qui faisait des affaires dans 57 pays en 2019, réalise aujourd’hui 80 % de ses revenus aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. L’entreprise a vendu il y a deux semaines sa division en Scandinavie qui employait 700 professionnels, parce que sa présence n’y était pas significative.

Pourtant, la stratégie qu’entend déployer Ian Edwards pour prendre de l’expansion aux États-Unis repose sur l’acquisition de petites firmes d’ingénieurs dont l’entreprise montréalaise souhaite optimiser les performances.

Aux États-Unis, le marché est encore morcelé. Les grandes firmes d’ingénierie ne contrôlent que 6 % du marché. On a une bonne présence dans le Sud et là, on veut progresser dans le Nord-Est et la Californie. On se classe aujourd’hui dans les 20 plus grosses firmes d’ingénieurs aux États-Unis, on veut se hisser dans le top 5.

Ian Edwards, PDG de SNC-Lavalin

Ce virage américain va s’opérer en 2024, une fois que l’entreprise aura réduit sa dette, ce qu’elle entend réaliser durant le second semestre de 2023 et en 2024 pour être en mesure de déployer son plan d’expansion par la suite.

« On va prendre une approche très méthodique, on ne cherchera pas à faire l’acquisition de grosses firmes, mais à en intégrer de plus petites qui vont contribuer à réaliser une croissance organique. On va utiliser l’effet de levier », explique le PDG.

L’an dernier, SNC-Lavalin a embauché 2500 nouveaux employés et prévoit en recruter quelque 4000 additionnels en 2023 dans tous ses marchés. Malgré une diminution importante du personnel dans son secteur CMPF, les effectifs de l’entreprise au Canada sont passés de 7000 à 8000 au cours des deux dernières années. Le groupe emploie 36 000 personnes dans le monde.

Miser sur le nucléaire

Avec le délestage de ses activités dans le secteur pétrole et gaz, SNC-Lavalin s’est sorti une épine du pied, mais a aussi décarboné son bilan.

« Aujourd’hui, 50 % de nos revenus proviennent d’activités liées à la décarbonation de l’économie. En participant à des projets qui favorisent l’utilisation d’une énergie propre, on travaille à créer un meilleur avenir. C’est important pour l’entreprise, mais aussi pour les employés qui partagent cette vision », souligne M. Edwards.

Au Canada, SNC-Lavalin souhaite miser sur son expertise en services d’ingénierie dans le secteur des infrastructures, dans celui des mines et métaux et dans le nucléaire pour assurer une profitabilité constante.

L’Ontario reste un territoire fertile pour la division nucléaire de SNC-Lavalin. Déjà, la province produit 60 % de son électricité à partir de ses centrales nucléaires, et il lui faudra doubler ses capacités pour faire face aux besoins de l’électrification des transports et de chauffage de ses immeubles.

Enfin, le PDG ne voit pas l’éventualité d’une récession comme une menace aux activités du groupe. « Notre secteur est assez résilient face aux risques d’une récession, il y a beaucoup de travaux d’infrastructures à réaliser et ils devront être faits », souligne-t-il.