La saga des assurances collectives étudiantes prend du galon. Une demande d’action collective a été déposée à la Cour supérieure la semaine dernière. Desjardins et l’Alliance pour la santé étudiante au Québec (ASEQ) sont visés.

La demande a été déposée le 7 juin au nom d’un étudiant en droit de l’Université de Montréal et de tous les étudiants des universités et des cégeps ayant été inscrits aux régimes d’assurance médicale et dentaire de leurs établissements.

D’après la demande d’action collective, la formule actuelle, dite « opt-out », où les étudiants sont inscrits automatiquement à une politique d’assurance, cause des préjudices. On propose plutôt la formule « opt-in », où l’inscription se ferait uniquement à la demande de l’étudiant. De nombreux autres enjeux sont soulevés, notamment que Desjardins puisse avoir accès aux informations personnelles du demandeur principal sans son consentement.

« Selon moi, au moment où mon client a porté ça à mon attention, c’était évident que c’était illégal », a déclaré l’avocat derrière la demande, Joey Zukran, en entrevue téléphonique. La solution qu’il propose ? Qu’un « pop-up » proposant l’assurance apparaisse au moment de payer, au lieu qu’on ajoute automatiquement les frais à la facture étudiante.

Porte-parole de l’ASEQ, une tierce partie jouant le rôle de courtier entre fournisseurs d’assurances et associations étudiantes, Marc-André Ross a affirmé que l’avocat derrière la demande d’action collective allait « à la pêche avec de la dynamite en s’en prenant à des régimes d’assurance utilisés par des centaines de milliers de personnes ».

L’Autorité des marchés financiers (AMF) aurait assuré à l’ASEQ à plusieurs reprises qu’elle n’allait plus toucher au mécanisme « opt-in » ou « opt-out ». « Ils ont compris que les étudiants aiment beaucoup ces régimes d’assurance et que ces régimes sont très utilisés », a affirmé le porte-parole de l’ASEQ. Selon Marc-André Ross, si le régime devenait « opt-in », il serait discriminatoire puisqu’il se baserait sur des caractéristiques individuelles comme le genre, la nationalité ou le bagage génétique de l’individu.

Desjardins a envoyé par courriel à La Presse une déclaration stipulant que l’assurance collective offerte aux étudiants par l’entremise de leur association étudiante était « un produit largement utilisé et apprécié des étudiants depuis plus de 25 ans ». Selon le porte-parole Jean-Benoît Turcotti, les allégations sont « dépourvues de fondement ». « Nous rectifierons les allégations formulées et nous contesterons le recours pour la préservation des droits et avantages des étudiants », a ajouté M. Turcotti.

La saga jusqu’ici

Cette saga ne date pas d’hier. La Presse soulignait, en 2020, que des étudiants payaient une assurance dont ils n’avaient pas réellement besoin. Dans la majorité des établissements d’enseignement supérieur du Québec, les frais relatifs à l’assurance médicale et dentaire sont facturés automatiquement aux étudiants en début d’année. Si ces derniers n’y renoncent pas expressément, ils sont inscrits pour l’année complète.

De plus, nombre d’étudiants ou de parents ne savent pas que cette assurance est facultative ou n’ont tout simplement pas connaissance qu’elle existe.

L’AMF avait ensuite exigé que l’adhésion ne soit plus automatique (donc plus « opt-out »). Desjardins avait réagi en affirmant qu’elle n’allait pas renouveler les contrats qui lui confèrent 95 % du marché de l’assurance collective étudiante au Québec. « Selon moi, cette déclaration est un aveu extrajudiciaire comme quoi ils ont besoin de frauder les étudiants pour que le système continue d’exister », a affirmé l’avocat Joey Zukran lors d’un entretien téléphonique.

À l’époque, les associations étudiantes avaient exprimé leur mécontentement devant la position initiale de l’AMF et la réaction de Desjardins. « On juge que si c’était « opt-in », les prix seraient beaucoup plus élevés », a commenté Laurence Mallette-Léonard, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec. Alecsandre Sauvé-Lacoursière, secrétaire général de la FAÉCUM, privilégie également la formule « opt-out ».

L’AMF était finalement revenue sur sa décision et avait lancé une consultation publique à l’été 2022. Desjardins n’a jamais cessé d’offrir ces régimes d’assurance.

Contactée par La Presse, l’AMF n’a pas voulu faire de commentaire sur la demande d’action collective. L’Autorité confirme toutefois qu’elle a suspendu sa décision en réaction aux inquiétudes des associations étudiantes. La période de consultation publique s’est terminée le 17 octobre 2022. L’AMF prépare un rapport final.