Pourquoi les modèles traditionnels de leadership échouent-ils si fréquemment ? Les neurosciences offriraient un début de réponse à cette question. Dans un récent ouvrage, James Teboul et Philippe Damier identifient sept biais cognitifs qui sont à la source du mirage des théories de leadership et proposent des manières de les contourner.

On aime tous entendre parler de leadership. Mais se pourrait-il que notre cerveau nous leurre constamment quant aux enseignements à tirer des modèles classiques de management ?

« L’objectif de ce livre est de montrer comment le leadership moderne, qui prône la collaboration et qui est prescrit et enseigné sous forme de modèles a priori raisonnables et engageants, se fait en réalité rogner les ailes en raison des prédispositions et biais de fonctionnement de notre cerveau », affirment les auteurs. Le ton est donné. Comment échapper alors à cette illusion de rationalité ?

Un cerveau sous influence

Force est de constater que les modèles prescriptifs n’aboutissent pas, et que les comportements résistent et reviennent sans cesse à un schéma centralisé, autoritaire, transactionnel, éloigné de l’esprit de coopération depuis longtemps prôné par les programmes de leadership, constatent les auteurs. Sont-ce les leaders qui sont blâmables ou nos modèles de leadership qui ne sont pas appropriés ? La manière dont fonctionne le cerveau montre que nous restons en fait le plus souvent soumis à nos affects, nos habitudes ou nos inférences. Si le modèle bureaucratique taylorien – selon lequel certains dirigent, d’autres exécutent – résiste au passage du temps, c’est qu’il s’appuie sur « le fonctionnement comportemental du cerveau humain avec, d’un côté, le lobe préfrontal, qui gère la conception et la planification des tâches, et de l’autre, le système des noyaux gris centraux qui gère les automatismes de l’exécution ».

Les sept biais capitaux

Le modèle « leader-suiveur » est renforcé par les penchants naturels du cerveau et ses biais cognitifs : insécurité, immédiateté, égocentrisme, sens de la hiérarchie, tentation du moindre effort, confirmation des croyances et besoin de conformisme social. Ces modes primaires de fonctionnement du cerveau sont tous responsables de nos comportements automatiques. Pour contrecarrer ces biais plus émotionnels que rationnels, les auteurs prônent « un modèle de leadership apprenant » qui a pour objectif de « chercher en permanence à augmenter la valeur perçue par le client et les diverses parties prenantes ». Une façon détournée de désapprendre nos modes de pensées pour mieux remettre nos choix en question, modifier le cadrage d’un enjeu et développer une intelligence prédictive ou un jugement plus intuitif.

Plus de relationnel

Si la coopération transversale n’est pas un comportement naturel, n’y a-t-il alors aucun espoir de mettre en œuvre un travail collaboratif ? Les auteurs défendent l’idée selon laquelle un style de management ouvert, axé sur la qualité du service et de la relation, peut avoir raison de nos penchants naturels. Conforter la confiance et favoriser une culture d’engagement relationnel sont deux pratiques qui permettent de contrecarrer les mauvais plis cérébraux. Seules la collaboration et la réciprocité peuvent nous sortir du mode transactionnel pour construire une organisation davantage apprenante et solidaire, orientée vers des objectifs à long terme. Et si cela ne suffit pas, l’ouvrage offre un questionnement (et un travail d’explicitation) pour se tenir à distance de chaque biais afin d’en réduire l’influence.

* Cet article est publié grâce à un partenariat avec le magazine Gestion HEC Montréal, où il est d’abord paru.

Le mirage du leadership à l’épreuve des neurosciences

Le mirage du leadership à l’épreuve des neurosciences

Éditions Odile Jacob

368 pages